Ponts roulants et chariots de manutention – Essentiels mais dangereux

La plupart d’entre nous avons déjà vu des vidéos d’accidents mettant en scène des chariots élévateurs, tels que celui-ci : « Worst forklift accident you’ve ever seen », à www.youtube.com/watch?v=dqrDWSlkOIU. Cela peut d’abord faire sourire, mais ce type d’événement est carrément dangereux, en plus de ruiner l’entreprise concernée. Ainsi aux États-Unis l’OSHA (« Occupational Safety and Health Administration ») recense environ 34 900 accidents avec chariots par année ayant causé des blessures graves, dont 85 décès. Au Québec la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail publie des rapports sur de semblables accidents mortels, par exemple celui survenu au port de Contrecoeur en juin 2018, lors duquel l’employé Frédérick Giguère a été écrasé par un chariot conduit par son collègue.

Mais il ne faudrait pas penser que ces drames ne surviennent qu’avec des chariots élévateurs. Ils se produisent avec d’autres appareils de manutention, tels des ponts roulants, qui semblent pourtant moins dangereux. Par exemple le 19 mai 2015 un électricien travaillant pour Métallurgie Castech de Thetford Mines perdait la vie alors qu’il réparait un câble. Sa tête a été écrasée par un pont roulant voisin dont on n’avait pas contrôlé les déplacements. La CNESST ne fait pas que publier des centaines de rapports d’accidents, elle rend disponible quantité de documents faisant la promotion de la sécurité, comme le font d’autres organismes tels que l’ASFETM de fabrication d’équipements de transport, Auto Prévention, ASP Construction, Multi Prévention, Via Prévention, ou encore l’APSAM, qui recense sur son site des dizaines de documents pertinents.

D’abord comprendre

Réduire les dangers liés aux appareils de manutention, cela débute par l’analyse minutieuse de ses besoins afin de prendre les meilleures décisions possibles, par exemple lors de l’achat de ponts, potences, convoyeurs et rails. « Nous discutons avec les gestionnaires pour comprendre exactement ce qu’ils ont besoin de déplacer, les charges et dimensions, la structure du bâtiment, le fait que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur dans un environnement corrosif, les équipes en place, etc. Ce sont souvent des équipements complexes, chers, qu’ils faut entretenir correctement. Si on choisit un appareil qui travaille à la limite de la charge permise il va se détériorer prématurément, contrairement à un plus puissant qui coûtera d’abord plus cher. C’est de tout ça dont il faut tenir compte », explique Marc-André Martineau, directeur de la succursale de Québec du Groupe Industriel Premium.

Le Groupe industriel Premium procède avec succès à un test de charge sur un pont roulant.

 

Parce que les matériaux et objets industriels à déplacer peuvent être de tout format les appareils de manutention sont remarquablement variés pour s’adapter à ceux-ci. Smak Design de Québec conçoit et distribue des équipements tels que des manipulateurs capables de rotations complexes, des systèmes à ventouses ou magnétiques… « Nous concevons des systèmes complets pour répondre à des besoins spécifiques, par exemple capables de ne pas égratigner de grandes feuilles de stainless, de ne pas abîmer de grands panneaux fragiles, des fenêtres… L’idéal est d’essayer de prévoir ses besoins futurs tout en respectant son budget actuel, ce qui évite les fausses économies des équipements moins performants qui t’empêchent de progresser par la suite », souligne Julien Lamarche, estimateur de Smak Design.

Ne pas prendre les chariots à la légère

Mais avant les ponts roulants et convoyeurs le type d’outil de manutention le plus utilisé demeure le chariot élévateur. Et ils sont franchement nombreux, comme une visite des Camions industriels Yale de Saint-Laurent permet de comprendre. « Depuis plusieurs années la tendance du marché va vers l’électrique au détriment des chariots à combustion. Auparavant il y avait trois points qui favorisaient ceux à combustion : l’utilisation extérieure, le besoin de rapidité/production et l’utilisation durant plus d’un quart de travail sans que l’on échange les batteries. Mais ces arguments ne tiennent plus puisqu’un chariot correctement équipé peut maintenant opérer à l’extérieur. Leur performance est égale ou même supérieure aux chariots au propane; donc ils sont aussi productifs que ceux à combustion. Pour ce qui est du troisième point c’est à ce sujet qu’il y a eu énormément de développements pour améliorer les batteries et les chargeurs. Dans la majorité des applications vous pouvez opérer un chariot électrique durant deux et même trois quarts de travail avec la même batterie. Une étude de consommation d’ampères peut être réalisée sur place pour vérifier le tout. Donc l’époque où l’on avait une salle avec plusieurs batteries de rechange et leurs chargeurs est chose du passé. Et il ne faut pas oublier qu’un chariot électrique requiert moins d’entretien, son coût d’opération à l’heure est inférieur à celui à combustion, en plus d’une amélioration énorme de la qualité de l’air et de la réduction importante des bruits. Enfin sa durée de vie est supérieure par rapport à celui à combustion », explique Claude Berlinguette, directeur des ventes des Camions industriels Yale.

Ce chariot au propane comporte une cabine chauffée ainsi que des pneus striés pour être utilisé à l’extérieur.

 

Choisir entre différents types de batteries est ardu, allant de la dispendieuse lithium-ion qui peut être rechargée selon les besoins et se décharger davantage sans les problèmes d’effet mémoire incapacitant les anciennes. Et il y a maintenant des batteries de catégorie intermédiaire, offrant certains des avantages du lithium tout en demeurant abordables, par exemple celles utilisant un gel, soit un mélange électrolytique figé par de la silice, ce qui élimine la recharge de liquide et la stratification, mais qui nécessitent encore une lente recharge à faible tension. Et il y a celles de type à plaques minces, à plaques tubulaires, avec séparateur micro-poreux AGM, qui tentent toutes de résoudre d’importants défis : la sulfatation, soit des dépôts de sulphate de plomb sur les plaques, la stratification, soit le mélange non uniforme de l’électrolyte, la température élevée qui abîme les composantes, etc. En guise de référence la multinationale EnerSys propose un outil en ligne de conversion vers l’électricité contenant quantité d’informations, à http://convert2electric.com/facts/green, en plus d’offrir des batteries de différentes catégories.

Et savoir s’en servir

« Pour être efficace avec les chariots électriques il faut bien conseiller ses employés, il faut se structurer parce qu’il y a des temps de recharge obligatoires, il faut un minimum d’électricité pour commencer sa journée… Il faut aussi l’infrastructure nécessaire, l’espace pour les chargeurs… Mais c’est maintenant plus facile à vendre parce que la mode est au vert. Et on a des « lifts » électriques pour l’extérieur avec pneumatiques qui ont une capacité jusqu’à 20 000 livres, donc les choix ne manquent pas », nous expliquent Mario Dostie et Sylvain Lalumière, de Dostie Spécialités de Sherbrooke.

Devenir cariste ne s’improvise pas : il faut avoir suivi la formation et obtenu la certification pour l’exacte catégorie de chariot utilisée. « Plusieurs parmi les personnes qui conduisent ces lourdes machines n’ont pas la formation nécessaire, ce sont souvent des jeunes embauchés pour un travail étudiant durant l’été, l’entretien est parfois négligé tout comme la vérification mécanique avant de débuter la journée. Les erreurs humaines demeurent donc nombreuses », souligne le conseiller en prévention Pierre Canuel, d’Auto Prévention. Comme les autres associations paritaires oeuvrant pour la prévention des accidents leurs cours sont offerts « gratuitement » aux entreprises concernées, puisque leurs budgets de fonctionnement proviennent de l’obligatoire cotisation de 0,07% de masse salariale de la CNESST.

Du côté des ponts roulants, grues portiques et palans la formation n’est pas moins essentielle qu’avec les chariots, ce que rappelle l’Association sectorielle de fabrication d’équipements de transport et de machines ASFETM. Dans l’édition de septembre 2018 de leur magazine on y parle des modifications apportées à la norme CAN/CSA B167 encadrant ces appareils, qui datait de 1964! Tant les inspections que les opérations doivent être réalisées par des gens à la compétence certifiée.

En guise de conclusion les appareils de manutention sont aussi indispensables qu’ils demeurent dangereux et variés. Les informations, articles et guides d’utilisation abondent à leur sujet, provenant de comités paritaires et d’entreprises spécialisées. Mais le plus grand défi demeurera toujours de s’en soucier afin de les utiliser jour après jour de manière efficace et sécuritaire.

Par Frédéric Laporte

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