Les drones volent à la rescousse de l’industrie manufacturière 

Avec les capteurs appropriés, un drone peut détecter une fuite de gaz, à l’intérieur ou à l’extérieur. © Microdrones

En contexte de rareté de main-d’œuvre, les drones volent à la rescousse de l’industrie manufacturière 

Mis au point à l’origine par les militaires, les drones ont rapidement fait leur chemin au sein de la société civile. Déjà, plusieurs entreprises les utilisent pour faire la surveillance des abords de leurs édifices. Mais ces hélicoptères petit format peuvent faire plus pour l’industrie manufacturière. Beaucoup plus. 

Les chercheurs Omid Maghazei et Torbjørn Netland, de l’Université ETH Zurich en Suisse, ont mené une étude approfondie sur le sujet. Pour eux, les drones en milieu industriel sont en fait une nouvelle forme de technologie avancée de fabrication, au même titre qu’une machine CNC, des robots de fabrication ou encore une imprimante 3D. 

Ils ont cependant l’avantage d’être mobiles, de pouvoir être automatisés pour fonctionner sans pilote et de pouvoir être munis de divers types de caméras et capteurs afin d’assurer des tâches ennuyeuses, répétitives ou potentiellement dangereuses pour des employés humains, si difficiles à recruter. 

Et ce ne sont pas que des élucubrations d’universitaires. 

Ici même au Québec, à Alma plus précisément dans la région du Saguenay/Lac-St-Jean, est établi le Centre d’excellence sur les drones (CED), qui a notamment pour mandat de faciliter les tests d’opérateurs de drones commerciaux ainsi que leurs travaux de recherche et développement, explique Philippe Landry-Simard, coordonnateur aux opérations du CED. 

Le Centre d’excellence sur les drones est situé à Alma. 

« On est la bulle de sécurité autour des opérations des entreprises qui viennent chez nous », image M. Simard. 

Parmi les clients du Centre, on retrouve Drone Delivery Canada (DDC), une entreprise ontarienne qui offre des services de livraison par drone, en collaboration avec son partenaire Air Canada. 

La flotte de drones de DDC va du Sparrow électrique dont la charge utile est de 10 livres avec un rayon d’action de 30 km, jusqu’au gros Condor à essence qui peut transporter jusqu’à 400 livres de matériel sur 200 km, à une vitesse maximale de 120 km/h. 

« Notre système n’utilise aucun pilote. Il vole sans intervention humaine, automatiquement. Nous ne faisons que superviser depuis notre centre de contrôle des opérations de Toronto », précise Michael Zahra président et chef de la direction de DDC en entrevue au Magazine MCI. 

Voilà un discours qui plairait aux chercheurs Maghazei et Netland, selon qui : « Le remplacement d’un travail manuel par un drone requérant un pilote ne génère que des avantages marginaux. Par contre, le remplacement d’un travail manuel par des drones automatiques est une position d’affaires beaucoup plus avantageuse ». 

Intra-logistique 

« Un bon exemple pour le secteur manufacturier, c’est que plusieurs grandes entreprises ont de grands complexes dans lesquels sont installés de multiples bâtiments. Il pourrait ainsi être plus pratique et plus rapide d’utiliser des drones pour déplacer des pièces ou encore des documents d’un bâtiment à l’autre », explique M. Zahra. 

C’est très exactement ce que fait la multinationale allemande ZF, qui fabrique des composantes pour le secteur de l’automobile. Des drones alimentent en pièces différentes usines rapprochées à partir d’un entrepôt centralisé, dans le cadre de ce qu’il est convenu des opérations d’intra-logistique. 

Selon Michael Zahra, les drones pourraient aussi servir pour s’approvisionner auprès de fournisseurs ou, à l’inverse, livrer des produits à des clients. 

« Souvent dans le processus manufacturier, il y a de nombreux fournisseurs et intermédiaires qui collaborent ensemble à la fabrication d’un produit fini », dit-il, citant justement en exemple le milieu de l’automobile. 

« C’est quelque chose qui va rapidement devenir un besoin pour les entreprises, un moyen d’accélérer leur production », approuve le porte-parole du CED d’Alma. 

Tout le contraire de la proximité évoquée plus haut, il y a des secteurs d’industrie (les mines par exemple) qui se trouvent souvent dans des régions très éloignées et où les accès routiers sont parfois difficiles. Lorsqu’une pièce de rechange manquante cause des temps d’arrêt, chaque minute représente des sommes colossales. 

« Ce sont des cas parfaits pour la livraison par drone », estime le grand patron de DDC, ajoutant que les appareils peuvent par ailleurs servir au transport de carottes de forage ou d’échantillons d’eau des mines. 

Inventaires 

À Milton en Ontario, Drone Delivery Canada travaille présentement avec la firme de logistique DSV afin d’optimiser l’aménagement des inventaires d’un entrepôt qui fait plus d’un million de pieds carrés. Si une boîte qui se trouve à une extrémité de l’entrepôt doit être acheminée à l’autre extrémité, elle est chargée dans un drone DDC qui, par l’extérieur, acheminera la boîte à l’endroit désiré. 

En Europe, L’Oréal et Renault Trucks font appel au service de drones Eyesee du groupe Hardis pour faire le contrôle de leurs inventaires. « À l’aide de ses capteurs et de son système de géolocalisation indoor, Eyesee se déplace dans l’entrepôt selon un plan de vol prédéterminé. Ses caméras capturent les informations des étiquettes logistiques pertinentes pour le contrôle des stocks », explique le groupe Hardis. 

Le drone lit très bien (et plus vite) les codes à barres et les humains peuvent être affectés à des tâches plus valorisantes.  © Groupe Renault 

Plus besoin de demander à des employés de faire la tâche ennuyeuse et répétitive de scanner et scanner encore, au risque de développer des troubles musculosquelettiques. Le drone lit très bien (et plus vite) les codes à barres et les humains peuvent être affectés à des tâches plus valorisantes. 

« Les entreprises qui utilisent des drones peuvent être perçues comme innovantes et tournées vers l’avenir, ce qui peut avoir un aspect positif sur le recrutement, la perception positive du public et la valeur de la marque », notent à cet effet les chercheurs suisses. 

Plus près de chez nous, M. Simard du CED rappelle que la prise d’inventaire va parfois bien au-delà d’objets à forme déterminée avec code barres. « On a eu des discussions avec une grosse entreprise, qui a beaucoup d’installations et divers besoins », dit-il, ne pouvant cependant identifier l’entreprise en question en raison d’ententes de confidentialité. On sait cependant qu’il s’agit d’une entreprise établie au Québec. 

Il serait question d’utiliser des drones dans un hangar pour y faire des calculs volumétriques des quantités d’agrégats à différents moments de la journée. Les drones serviraient également à mesurer avec précision par capteurs scan les volumes de matière expédiée et reçue par l’entreprise. 

Santé, sécurité et rentabilité 

Selon les chercheurs suisses de l’ETH Zurich, les drones pourraient aussi contribuer à améliorer la santé et la sécurité en usine, en plus d’en rehausser le niveau de rentabilité. 

Leurs capteurs thermiques pourraient détecter une perte de chaleur d’une machine de production; ils pourraient également détecter d’éventuelles fuites de gaz et, pour les usines à naître, utiliser la photogrammétrie aérienne pour la modélisation 3D à l’étape du design du bâtiment. 

Les caméras de drones pourraient même filmer les exercices d’évacuation incendie pour identifier les lacunes qui doivent être corrigées. 

Les drones permettent également, dans certaines situations, d’éliminer le besoin de monter des échafaudages qui représentent des risques de chutes. 

Lorsqu’il est nécessaire de vaporiser un antirouille sur une pièce corrodée en hauteur ou de faire l’inspection visuelle de composantes difficiles à atteindre, la machine peut s’en charger tandis que les humains demeurent bien en sécurité au sol. 

Surtout, il n’y a pas d’interruption de production pendant la période de montage et d’utilisation des échafaudages. 

Industrie naissante au potentiel immense 

Selon le ministère de l’Économie et de l’Innovation (MEI) du Québec, la production mondiale de drones atteignait déjà un chiffre d’affaires de 4 milliards de dollars américains en 2015 et, selon les prévisions en cours, la production de ces engins pourrait atteindre une valeur de 25 milliards en 2025. 

« Le secteur des drones, particulièrement celui des drones civils, représente donc un domaine d’avenir pour le milieu aérospatial québécois », affirme le MEI. 

Chose certaine, l’équipe de M. Simard-Landry se tient prête à faire face à ces nouveaux développements. « Ce serait possible dans le hangar du CED de simuler quelque chose de ce type-là », dit-il lorsqu’on évoque des applications de monitoring en usine par drone. 

Le coordonnateur aux opérations du CED rappelle d’autre part que le créneau d’excellence en drones du MEI peut être une porte d’entrée pour obtenir du financement et ou des subventions en matière de projets liés à l’utilisation commerciale des drones. 

Nous laisserons le mot de la fin aux scientifiques de l’ETH de Zurich : « Les drones ne révolutionneront pas le secteur manufacturier à eux seuls, mais ils ont le potentiel d’améliorer de façon significative l’efficacité de certaines tâches de ce secteur. » 

Par Eric Bérard 


Hydro mise sur les drones pour l’inspection de ses lignes 

Hydro-Québec a signé récemment une entente avec l’entreprise française Drone Volt pour l’industrialisation et la commercialisation d’un drone destiné à l’inspection des lignes de transport d’électricité à haute tension. 

L’entente prévoit qu’Hydro-Québec se portera acquéreur de plusieurs exemplaires du drone. 

L’appareil, appelé LineDrone, est unique en son genre puisqu’il peut réaliser des mesures très précises sur des lignes sous tension, au moyen de capteurs mis au point par les équipes du Centre de recherche d’Hydro-Québec, sans qu’il soit nécessaire d’interrompre le service d’électricité. 

Le LineDrone dispose d’une immunité aux champs électromagnétiques de 400 kV, est doté de huit moteurs et hélices et peut rouler sur les lignes pour en faire l’inspection. 

Grâce à cette solution, on diminue considérablement les risques pour les travailleurs tout en limitant les inspections traditionnelles par hélicoptère, ce qui réduit d’autant les émissions de gaz à effet de serre. 

« Cette entente fait naître une solution zéro émission, économique, rentable, et sécurisante pour les personnels d’intervention », a déclaré Dimitri Batsis, président-fondateur de Drone Volt. 

De son côté, Jean Matte, directeur principal de l’Institut de recherche d’Hydro-Québec, estime que « Cette expérience est complémentaire à celle du Centre de recherche d’Hydro-Québec et permettra à terme de déployer notre technologie de drones au Québec et ailleurs dans le monde ». 

Sources : Drone Volt et Hydro-Québec 

Par Eric Bérard 


D’autres dossiers exclusifs du Magazine MCI pourraient vous intéresser

Laisser un commentaire

En savoir plus sur

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading