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Jun

Voyages d’affaires en toute sécurité

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Une responsabilité à prendre au sérieux

Alors que nous retenons notre souffle en espérant la diminution des risques de transmission de la COVID-19 et un assouplissement des mesures de confinement, certains signes d’une reprise des voyages à l’étranger ne mentent pas : même l’Europe se dit bientôt prête à accueillir les voyageurs vaccinés, compte tenu de leurs pays d’origine. Les voyages d’affaires dont nous avons tous été privés depuis maintenant plus d’un an vont donc pouvoir reprendre. Mais pendant que l’on « zoomait » nos réunions d’affaires internationales, la planète a continué de tourner. Sécuritaires les voyages d’affaires internationaux ? Et qui est responsable lorsque survient un événement dramatique ? Votre magazine MCI s’est penché sur les questions entourant la sécurité des voyages d’affaires.

Une responsabilité partagée

Vous mandatez des employés pour qu’ils se rendent en Europe pour le développement de vos affaires outremer. Durant ce voyage, un de vos employés se blesse gravement et subit des séquelles qui l’empêchent de reprendre le travail. Qui est légalement responsable?

De façon générale, la responsabilité de l’employeur face à la sécurité de ses employés lors de voyages d’affaires est claire. Code civil du Québec, Charte québécoise des droits et libertés de la personne, Loi sur les normes du travail, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, Loi sur la santé et la sécurité du travail, toutes ces lois québécoises pointent en ce sens explique Me Lucie Roy, avocate en Droit du travail et de l’emploi chez Les avocats Le Corre & Associés.

Selon Me Roy, ces lois forment un régime obligatoire pour l’employeur, qui doit s’assurer que ses employés exercent leurs fonctions dans un milieu ou des conditions qui respectent leur santé et sécurité et leur intégrité physique. Les termes changent un peu selon la loi, mais c’est le principe général. Alors que l’employé soit physiquement sur les lieux du travail à Montréal ou ailleurs, il est couvert de la même façon dans la mesure où il est présent à cet endroit par le fait ou à l’occasion de son travail.

Les mots clés à retenir: à l’occasion de son travail. Lorsque c’est clairement le cas, la responsabilité de l’employeur est facile à établir. Mais qu’en est-il des situations hors du contrôle de l’employeur, ou lors d’activités parallèles aux fonctions officielles? Tout est une question de faits nous dit Me Roy. « Par exemple, si mon employeur me demande d’aller en Floride et que je vais jouer au golf pour mon plaisir personnel, sans inviter de clients, et que je me fais mordre par un crocodile, la responsabilité de l’employeur pourrait susciter de nombreux débats, puisque dans un tel cas, l’accident ne surviendrait pas à l’occasion de mon travail. Or, il est fréquent dans les voyages d’affaires qu’une partie du voyage soit consacrée au divertissement sans aucun lien avec le côté affaire. »

« Toutefois, si j’ai invité des clients à une partie de golf qui est prévue à l’horaire du voyage comme activité d’affaires, la responsabilité de l’employeur pourrait être reconnue advenant la survenance d’un accident, tout comme dans les cas où un employé invite un client au restaurant à l’occasion de son travail. Toutefois, la responsabilité d’un accident pourrait retomber sur les épaules de l’employé s’il survenait, par exemple, en raison d’une consommation excessive d’alcool ou lors d’activités illégales, tel que retenir les services d’une escorte. Il en va de même pour tout comportement pouvant être qualifié de négligence grossière et volontaire du travailleur.

« Si un employé met volontairement sa vie en péril lors d’un voyage, l’employeur pourrait soutenir qu’il n’est pas responsable, soit en cas de négligence constituant un écart marqué avec ce qu’une personne raisonnable aurait fait », explique Me Roy.

Des risques à évaluer

L’employeur soucieux de la sécurité de ses employés en déplacement à l’étranger aurait tout intérêt à évaluer les risques posés par ce déplacement. Plusieurs outils sont offerts pour permettre aux employeurs de se faire une idée générale du niveau de risque. Parmi les plus fréquemment consultés, on retrouve le site d’Affaires mondiales Canada et ses conseils et avertissements aux voyageurs. D’autres outils sont encore plus sophistiqués, comme le Rapport annuel sur les risques mondiaux de Crisis24, une division de GardaWorld.

Réalisé en collaboration avec WorldAware, le rapport annuel de Crisis24 analyse les menaces qui pourraient affecter les employés et les opérations des entreprises partout autour du globe.

Ce rapport comporte une foule d’informations détaillées sur l’ensemble des pays, et classe notamment les risques selon leur nature. Disponible sur demande, le Rapport sur les risques mondiaux 2021 offre aussi des cartes détaillées où les niveaux de risques sont établis de minimal à extrême.

MCI a discuté avec M. Martin Plante, chef de la sécurité corporative chez GardaWorld. Selon lui, à l’exception des zones plus à risque bien connues et des zones de conflit ouvert, la menace mondiale n’est actuellement pas plus élevée dans la majorité des régions.

« Ça reste localisé, comme au Burkina Faso, au Mozambique, toujours le Nigéria, la Somalie. Mais le monde local et occidental a appris à travailler dans ces régions, et a trouvé les mécanismes nécessaires pour être capable d’opérer dans ces endroits. »

Martin Plante insiste sur l’importance de bien connaître l’environnement et la culture des lieux où on est appelé à travailler. Et cette règle s’applique même en sol nord-américain.

« C’est plus facile d’opérer en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord, sans trop faire de recherche. Mais il faut rester à l’affût. On peut être dans un quartier très sécuritaire de Washington D.C., et trois ou quatre blocs plus loin, se retrouver dans un quartier à risque, plus problématique. Cette réalité se retrouve autant en Amérique du Nord que dans le milieu de l’Afrique. Il faut connaître son environnement, la culture, et faire attention. »

Historiquement, les ressortissants canadiens sont généralement mieux accueillis et perçus lorsqu’ils voyagent à l’étranger. On n’a qu’à penser aux histoires de jeunes Américains qui accolent un drapeau canadien sur leur sac à dos. Martin Plante estime que cette aura positive est encore présente, mais apporte un certain bémol.

« Selon la position de politique étrangère d’un certain pays, ça peut avoir un impact sur le risque. »

On n’a qu’à penser aux deux Canadiens présentement détenus en Chine, une détention que plusieurs analystes qualifient de représailles pour l’arrestation à Vancouver de la directrice financière de Huawei.

Des bonnes pratiques

Évaluer les risques, c’est bien. Agir en conséquence, c’est mieux ! Le premier pas à faire, pour un employeur qui envoie régulièrement ses employés à l’étranger, sera d’établir une politique claire concernant les voyages d’affaires, explique Me Lucie Roy.

«Pour un employeur, la meilleure façon de se protéger, c’est d’adopter un code d’éthique, un code de conduite ou des politiques claires concernant les déplacements. L’employeur doit également avoir un plan d’intervention auprès de ses employés (surtout en cette période covidienne) qui comprend un encadrement et de la formation en matière de prévention en santé, sécurité du travail; avoir une politique c’est une chose, la faire connaître et la faire appliquer en est une autre. De l’autre côté, l’employé qui représente son employeur doit agir de façon à ne pas porter préjudice à ce dernier. »

Martin Plante de GardaWorld estime que de manière générale, les entreprises canadiennes sont peut-être moins à l’affut des questions de risques à l’étranger.

« Les grandes entreprises sont plus allumées. Pour les plus petites, selon l’endroit où elles opèrent, il y a des réflexions qui s’imposent. Notre pays étant très sécuritaire, il faut une situation à l’interne au point de vue corporatif pour t’amener à penser à ça. Notre culture et notre exposition faible à des attaques terroristes font en sorte qu’on est plus laid-back, plus tolérant (et c’est un avantage…). Comme il y a eu peu de situations majeures au pays comparativement à l’Europe ou ailleurs où il y a plus régulièrement des incidents significatifs, les gens ici sont un peu moins sur leur garde. »

Avec ses quelque 122 000 employés basés dans plus de 45 pays, GardaWorld est une ressource importante en matière de sécurité lors de voyages d’affaires. Outre l’analyse et l’évaluation des risques, GardaWorld et sa division Crisis24 offrent une gamme de services et de programmes pour appuyer les entreprises à tous les niveaux, que ce soit dans l’élaboration des pratiques plus sécuritaires, la formation des employés ou même la résolution de situations problématiques.

Mais si vos moyens ou la fréquence des voyages d’affaires ne justifient pas un énorme investissement, Martin Plante suggère un premier pas tout simple.

« Ce qui est intéressant, c’est d’avoir simplement un endroit central pour coordonner les voyages des employés à l’étranger, une agence de voyage, où les employés réservent les billets et les chambres d’hôtel. Déjà, ça te donne des mécanismes sécuritaires intéressants. Ensuite, est-ce qu’on est assez bien couvert côté assurance? L’assurance couvre-t-elle les incidents à l’étranger? Sans avoir pour autant un programme élaboré de sécurité des voyageurs, comme on offre et qui intègre tout, il y a des mécanismes de base pour aider. »

La sécurité des informations est aussi un point important. Et selon Martin Plante, trop peu de gens ont conscience des risques de vol d’informations lors des voyages d’affaires à l’étranger.

« C’est la base, protéger tes électroniques, prendre un laptop qui n’a pas plus que l’information dont tu as besoin durant le voyage. Le vol d’information sur un laptop en passant aux frontières internationales, c’est super facile. »

Mais au-delà des conseils et des rapports officiels, le chef de la sécurité corporative de GardaWorld estime qu’il faut amener les employés qui voyagent à s’informer et à prendre conscience des questions de sécurité.

« Les plus petites choses du quotidien sont significatives et le plus important c’est vraiment la culture. On a notre façon de vivre ici, mais il faut respecter la façon de vivre ailleurs à travers le monde quand on y est. C’est très significatif. Lorsqu’une personne n’a pas d’expérience de voyage, souvent, c’est là qu’elle peut s’exposer à certains problèmes. »

Pour en savoir plus sur les risques actuels, nous vous invitons à consulter les liens suivants :

Affaires mondiales Canada – Conseils aux voyageurs et avertissements

Crisis24 de GardaWorld – Rapport sur les risques mondiaux 2021

Par Claude Boucher

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