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Le projet le plus prometteur consiste en un produit composite à base de résine et de cellulose, une matière extraite des arbres lors du procédé de fabrication de la pâte. Protégé depuis 2005 par un brevet, ce produit a été développé par la filiale ARC Resin, dont les laboratoires sont situés au complexe industriel que possède Tembec à Témiscaming, berceau de la multinationale situé à l’extrême sud de l’Abitibi-Témiscamingue.

L’intérêt de ce matériau composite réside dans le fait qu’il est doté d’une résistance qui égalerait celle de l’acier, tout en demeurant extrêmement malléable. La matière première, peut-on lire dans le brevet, pourrait être extraite directement des arbres lors de la fabrication de la pâte ou encore de fibres recyclées, voire même d’herbe ou de résidus agricoles.

Contexte actuel

De la forêt au chemin de fer

Si les débouchés pour cette résine cellulosique sont nombreux, qu’on pense par exemple à des structures portantes pour les ponts et les viaducs, Tembec a choisi de se concentrer, à court terme, sur les traverses de chemin de fer comme produit-pilote. Le marché représente quelque 700 millions d’unités désuètes à remplacer uniquement en Amérique du Nord. En Europe, les traverses traitées à l’huile de créosote sont même désormais interdites en raison des nombreux problèmes que pose le remplacement des unités endommagées ou trop vieilles.

En effet, s’il imperméabilise le bois et ralentit le processus de putréfaction, le créosote dégage, par contre, des fumées extrêmement toxiques, voire même cancérigènes, lorsqu’il brûle. Les traverses de bois actuelles ne cadrent donc plus avec les sévères normes environnementales en vigueur de l’autre côté de l’Atlantique. On cherche ainsi un produit de substitution plus écologique, un créneau que Tembec entend bien occuper. Son nouveau matériau ne dégage pratiquement aucune fumée nocive lors de la combustion. Sans compter qu’il ne nécessite aucun traitement chimique pour assurer sa durabilité.

Rejeté, puis accepté

Malgré le potentiel du produit, le financement pour construire une usine-pilote, qui oscillerait entre 1M$ et 3M$, demeure difficile à obtenir. Les banques hésitent à financer les compagnies forestières, qui peinent toujours à sortir de la crise, tandis que les gouvernements se font tirer l’oreille. En juillet 2007, le projet de Tembec avait d’ailleurs été rejeté par Développement économique Canada, sous prétexte qu’il ne cadrait pas avec les paramètres des différents programmes du ministère.

Il aura fallu l’intervention en chambre du député d’Abitibi-Témiscamingue, Marc Lemay, en novembre, pour que le dossier aboutisse directement sur le bureau de Jean-Pierre Blackburn. Impressionné par le potentiel de ce projet, le ministre a alors décidé de s’en occuper personnellement.

À l’heure actuelle, DEC serait sur le point d’accorder à Tembec l’aide dont la compagnie a besoin. Il ne reste plus qu’à obtenir l’aval du ministère du Commerce extérieur. En vertu de la dernière entente sur le bois d’oeuvre conclue avec les États-Unis, le Canada n’a en effet plus le droit de subventionner des projets de première transformation. Le ministre Blackburn ne veut pas courir le risque de relancer à nouveau le conflit entre les deux pays.

De simples copeaux aux possibilités infinies

Tembec ne compte pas seulement sur sa résine cellulosique pour diversifier ses activités. Depuis des années, la transformation des copeaux, étape essentielle à la fabrication de la pâte, permet aussi à la multinationale québécoise de produire de l’éthanol à 95%, à raison de 15 millions de litres par année.

Cet alcool très pur est notamment utilisé par l’industrie du vinaigre pour obtenir, grâce à une fermentation supplémentaire, ce condiment tant apprécié des amateurs de frites. La plupart des vinaigres et des marinades offerts sur les marchés de l’Est du Canada sont d’ailleurs produits à partir des alcools de Tembec. L’alcool obtenu à Témiscaming entre aussi dans la fabrication de plusieurs produits destinés aux soins corporels, tels les gels à raser Gillette, le rince-bouche Listerine, le savon Dove et les shampoings Fructis et Suave.

Bien entendu, il faudra plus que des traverses de chemin de fer ou du vinaigre pour assurer la survie de l’industrie des pâtes et papiers le jour où les marchés connaîtront une dépression. Mais dans un secteur où les fluctuations sont la règle plus que l’exception, il est bon de diversifier ses sources de revenus.

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