Extraire, produire, consommer et jeter : tel est le crédo de l’économie traditionnelle. Pour contrer cette idéologie linéaire menant à un cul-de-sac des matières premières, un important courant international prône la mise en place d’une approche dite « circulaire » favorisant une utilisation en boucle fermée des ressources planétaires.
En effet, avec l’accroissement important de la population mondiale (en particulier de la classe moyenne) dans les prochaines années et dans un contexte où les ressources mondiales sont fixes et finies, créant ainsi une pression de plus en plus grande sur celles-ci, on s’oriente vers un problème majeur d’approvisionnement en ressources naturelles si on veut être en mesure de combler nos besoins.
Selon Daniel Normandin, directeur général de l’institut de l’environnement, du développement durable et de l’économie circulaire (EDDEC), « à cause de cette pression démographique et celle sur les ressources, les prix des matières premières deviennent de plus en plus volatiles, amenant de l’insécurité dans le marché. Il devient alors plus difficile pour les entreprises manufacturières d’établir le coût de revient d’un produit au-delà d’un certain nombre d’années. Et pour être capable de donner plus de résilience à l’économie, et diminuer la volatilité des matières premières, il est apparu un nouveau concept : le concept de l’économie circulaire où on vise à augmenter la productivité et l’efficacité des ressources qui circulent déjà dans le marché. »
Par ailleurs, une autre forme de ce courant économique, « l’économie collaborative », qui consiste à partager des produits ou des services entre individus ou entreprises. Les services Uber, qui exploitent des applications mobiles de mise en contact d’utilisateurs avec des conducteurs et ainsi optimisent l’utilisation des voitures locales, en sont un bon exemple. Les partages de maisons ou d’appartements ou encore d’outils de rénovation ou de construction vont dans le même sens. « Au lieu d’acheter un produit par individu, commente M. Normandin, on partage ce produit entre plusieurs individus et on contribue à augmenter la productivité de ces biens. »
La location de produits ou encore le prêt d’équipement va dans la même veine. Ainsi, au lieu de vendre des photocopieurs, la compagnie Xérox installe des machines et vend l’impression annuelle de copies, tout en assurant l’entretien et la valorisation en fin de vie utile et en demeurant propriétaire de ses équipements. On ne vend plus le produit lui-même, mais le service associé au produit.
« La force de l’économie circulaire est de rassembler de manière cohérente un ensemble de stratégies autrement isolées les unes des autres, tout en profitant de l’avènement des nouvelles technologies et des nouveaux modes de production et de consommation pour se diriger vers un développement plus durable » – Daniel Normandin Directeur exécutif de l’EDDEC.
C’est ce qu’on nomme « l’économie de fonctionnalité », qui s’inscrit dans ce courant. En demeurant propriétaire de son produit, l’entreprise a tout intérêt à ce qu’il soit bien conçu, réparable, réutilisable et que ses composantes soient recyclables. Une fois sa vie utile terminée, elle pourra le démanteler et réutiliser des pièces dans de nouveaux produits.
Ce modèle économique intéresse également Pratt & Whitney. Pionnière dans le domaine, l’entreprise croit qu’il faut changer la manière dont on conçoit, on produit et on entretient les moteurs d’avion.
« On veut conserver le plus longtemps possible les alliages qu’on utilise pour fabriquer nos moteurs, » mentionne Robert Cadieux, directeur, environnement et développement durable chez Pratt & Whitney Canada.
« Certains métaux comme le titane, par exemple, proviennent d’Australie et peuvent subir parfois jusqu’à sept fontes pour enlever les impuretés. En fin d’utilisation, ils prennent le chemin du recyclage. Ces métaux doivent retourner dans notre chaîne d’approvisionnement afin de conserver toute leur valeur en étant refondus pour fabriquer d’autres pièces, au lieu parfois de se retrouver dans un bâton de golf. »
« Entreprise de la région de Laval cherche preneur pour 206 kg d’éthoxylate de nonylphénol. Prix à débattre. » « PME du Centre-du-Québec donne gratuitement 2 500 kg de fibres textiles. » « Société de la Montérégie offre du bois de palettes brisées. »
Des annonces du genre se multiplient depuis plusieurs années. « Considérer un déchet comme un produit, pense Frédéric Bouchard, président de Second Cycle, peut être intimidant pour un directeur d’usine dont la fonction principale est la production de son produit réel. »
Cette perception des résidus de fabrication qu’on appelle « écologie industrielle » constitue un autre aspect de la circularité, reflet d’une synergie industrielle. « Détourner des rejets de production tout en créant des revenus représente une stratégie gagnante-gagnante de développement durable, étonnamment simple et rentable que n’importe quel industriel peut suivre, » ajoute M. Bouchard.
Le Japon est probablement le premier pays à s’être lancé pleinement dans l’économie circulaire au début des années 2000. Son pouvoir coercitif aidant, la Chine, quant à elle, s’y emploie pleinement depuis 2009 et intègre le nouveau modèle économique dans sa législation. L’Europe est également en avance sur nous.
Certains pays ont déjà adopté des réglementations en ce sens. On doit mentionner qu’enfouir les déchets coûte 10 fois plus cher sur le vieux continent qu’au pays. Quant au Québec, le concept en est à ses premiers pas. Les appels d’offres gouvernementaux notamment ne favorisent pas nécessairement cette avenue en raison d’une politique du prix le plus bas.
« La force de l’économie circulaire, conclut le directeur de l’EDDEC, réside dans le fait de rassembler de manière cohérente un ensemble de stratégies autrement isolées les unes des autres, tout en profitant de l’avènement des nouvelles technologies et des nouveaux modes de production et de consommation pour se diriger vers un développement plus durable. »
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