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May

Vers une filière québécoise de minéraux pour batteries de VÉ?

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À l’occasion d’une conférence de presse en marge d’une visite industrielle, le premier ministre du Québec, M. François Legault, a évoqué son rêve d’une « chaîne d’approvisionnement courte », par laquelle des minéraux extraits du sol québécois permettraient de fabriquer ici des batteries alimentant des véhicules électriques (VÉ).

Le Magazine MCI a profité de ce dossier sur le secteur minier pour interroger des acteurs du milieu et vérifier à quel point ce rêve serait réalisable.

Pour Mme Josée Méthot, présidente de l’Association minière du Québec, le potentiel est là. « On partage l’enthousiasme du gouvernement là-dedans. On pense vraiment que le Québec a une opportunité à saisir actuellement », dit-elle, précisant que ces minéraux critiques et stratégiques sont bel et bien présents dans le sous-sol québécois.

« C’est en amenant ici des compagnies, des manufacturiers qui vont prendre nos ressources et les transformer ici qu’on va arriver à faire ça », ajoute-t-elle.

Elle met le doigt directement sur le bobo.

Selon nos recherches, il n’existe présentement au Québec qu’un seul fabricant de batteries pour VÉ dont les activités touchent l’ensemble de cette chaîne d’approvisionnement.

Il s’agit de Blue Solutions, établie à Boucherville sur la Rive-Sud de Montréal. L’entreprise a déjà été dans le giron d’Hydro-Québec qui y a mené des travaux de recherche et développement, mais elle a été rachetée par la multinationale française Bolloré en 2006.

« Ils ont acheté tous les équipements, les bâtiments et le portefeuille de brevets », explique M. Alain Vallée, directeur général de l’usine de Boucherville à l’occasion d’une entrevue pour le Magazine MCI.

Le mariage des deux expertises a permis d’augmenter de beaucoup les performances de la batterie produite par Blue Solutions, dit-il. Il s’agit d’une batterie de type LMP (Lithium Métal Polymère), une technologie différente des batteries lithium-ion en ce qu’elle ne contient aucun électrolyte liquide. Cela présente l’avantage de mieux résister aux grandes chaleurs et aux grands froids.

Le plus important client de l’usine québécoise de Blue Solutions est Daimler, qui installe ses batteries dans les autobus électriques Mercedes eCitaro qui circulent en Europe.

Puisque la technologie LMP est différente de celle des batteries lithium-ion, Blue Solutions doit s’approvisionner en minéraux transformés souvent rarissimes au Québec comme le soulignait Mme Méthot plus haut.

« La seule source de lithium que je connais ici, c’est Nemaska Lithium, qui fait de l’hydroxyde de lithium à partir du minerai, le spodumène de lithium qui est extrait dans le nord du Québec », indique M. Vallée.

« Moi j’achète du lithium métal en lingots, j’achète du phosphate de fer et j’achète du polymère », explique-t-il. Seulement, les chaînes d’approvisionnement passent presque invariablement par l’étranger, même si le minerai de base a peut-être été extrait ici.

« Des fabricants de lithium métal, il y en a aux États-Unis, en Chine et en Russie, c’est tout », dit-il pour illustrer le parcours parfois long des différentes matières qui se retrouveront éventuellement dans ses batteries faites au Québec. « S’il y avait un fabricant de lithium-métal au Québec, je serais très intéressé », ajoute le porte-parole de Blue Solutions, prévenant toutefois que les Chinois sont très féroces quant aux prix.

Plus que le prix

Mais la donne pourrait changer et l’environnement d’affaires tenir compte de facteurs autres que le prix à lui seul, permettant à des transformateurs québécois d’être concurrentiels malgré nos normes environnementales plus sévères qu’ailleurs.

M. Vallée dit avoir eu des discussions avec l’un des trois grands fabricants automobiles américains que sont GM, Ford et Chrysler. Il ne peut identifier lequel en raison d’ententes de confidentialité, mais il sent que le vent tourne.

« Ils sont très inquiets de dépendre totalement de l’Asie, autant au niveau de la fabrication des batteries que des matières premières. Il y a une réelle volonté de créer une chaîne d’approvisionnement nord-américaine, ou à tout le moins occidentale. »

Les grands fabricants de véhicules sont aussi de plus en plus conscients de l’impact que peut avoir leur empreinte carbone sur leur image corporative et les minéraux provenant de sources propres comme le Québec, où les normes environnementales sont élevées pourraient rapidement devenir beaucoup plus attrayants.

« On va être en mesure de produire le graphite fort probablement le plus vert au monde, le lithium le plus vert au monde », insiste à juste titre la PDG de l’Association minière du Québec.

Du côté du graphite justement, nous avons communiqué avec la minière Nouveau Monde Graphite, de Saint-Michel-des-Saints dans Lanaudière, qui elle aussi est contrainte de chercher à l’étranger des débouchés pour son produit.

« Nous sommes présentement à l’étape de qualification avec plusieurs producteurs de batteries et équipementiers, mais ne pouvons divulguer ces ententes », nous a déclaré la directrice des communications Julie Paquet.

Des mines à batteries?

En discutant avec M. Vallée, nous avons appris que le lien d’affaires entre le secteur minier et les producteurs de batteries pourrait éventuellement se faire dans les deux sens.

En effet, Blue Solutions pourrait très bien fournir des unités de stockage d’énergie aux mines situées en régions éloignées qui doivent utiliser des génératrices au diesel pour s’alimenter en électricité, par exemple en jumelant les accumulateurs à des panneaux photovoltaïques ou à des éoliennes.

« On peut partir de 250 kWh jusqu’à plusieurs MWh », dit M. Vallée, précisant que c’est très exactement la même technologie que celle qu’utilise Mercedes dans ses bus. Seulement en plus gros. Blue Solutions le fait déjà pour des villages reculés en Afrique.

Et les grands froids ne seraient pas vraiment un obstacle puisqu’il n’y a pas d’électrolyte liquide dans ces batteries. « Elles peuvent rester à -20, -25, -30o C pendant deux à trois semaines sans qu’une maintenance soit faite », dit-il au sujet de ces accumulateurs.

À surveiller!

Par Eric Bérard

Photo : Les batteries fabriquées à l’usine de Boucherville de Blue Solutions sont essentiellement destinées aux autobus électriques eCitaro de Mercedes. Cr photo : Blue Solutions

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