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Utilisations de la biomasse forestière – Une ressource aux nombreuses possibilités

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Il existe plusieurs sources de biomasse forestière, dont les résidus et sous-produits laissés par les procédés de fabrication, les arbres et branches éliminés durant l’éclaircie de peuplements forestiers, les déchets de construction ainsi que les arbres tués par des perturbations naturelles comme les incendies, les infestations d’insectes, les vents violents. Si l’industrie papetière utilise depuis longtemps ces résidus pour subvenir à 62% à ses besoins en énergie, l’essentiel de la biomasse n’est pour l’instant pas utilisé et recèlerait un potentiel et une valeur encore plus élevés que l’ensemble des produits forestiers traditionnels, selon Ressources naturelles Canada.

La liste des bioproduits qui peuvent être extraits de la forêt est impressionnante et comprend des bioplastiques et résines, des composites, des fibres de verre et de carbone, des alcools, ainsi que des éléments chimiques de base qui entrent dans la fabrication d’autres composés chimiques. Encore selon Ressources naturelles Canada, ces matières recèlent de grandes possibilités économiques et peuvent améliorer notre bilan environnemental en remplaçant d’actuels produits chimiques polluants par d’autres procédés meilleurs pour l’environnement, en plus d’être disponibles à proximité et d’être extraits et traités par des gens d’ici.

D’abord pour de la chaleur

À Causapscal, Amqui, Val-d’Irène et ailleurs dans la vallée de La Matapédia, plusieurs sites exploitent la biomasse forestière. Entre autres, pour alimenter en énergie des bâtiments municipaux, hôpitaux, églises et écoles. Selon Renaud Savard, président de Gestion conseils PMI, ces projets ont été mis au point après la hausse qu’a décrétée Hydro-Québec en 2006 pour ses clients institutionnels qui avaient implanté un système de biénergie durant les années 1980. « J’ai effectué un voyage en Finlande et en France pour voir comment ils exploitent la forêt, comment ils se servent de la biomasse. Notre premier projet a été la conversion de la chaufferie de l’hôpital d’Amqui, en 2009, qui brûle depuis des résidus forestiers. L’économie annuelle y atteint 120 000 dollars », explique le consultant, qui a réalisé une quinzaine de projets similaires.

Le fonctionnement d’une telle chaudière est simple : plutôt que d’obtenir l’énergie en brûlant du mazout ou en consommant de l’électricité c’est la combustion de copeaux et de particules de bois qui génère la chaleur désirée. Le système est automatisé en fonction des besoins : les résidus entreposés dans un silo descendent par gravité vers un tapis roulant qui les amène ensuite vers la fournaise. Le mécanisme peut réchauffer l’air, l’eau ou créer de la vapeur selon le système mis en place. La chaudière récolte également les cendres et est dotée d’un système de filtration des particules fines afin de contrôler les émanations polluantes.

Il existe de nombreuses puissances de telles chaudières afin de répondre à plusieurs niveaux d’énergie allant d’une utilisation domestique à une industrielle. À Val-d’Irène, les bâtiments municipaux sont alimentés par une chaudière de marque Ekogren EG de type « Multifuel » qui provient de Pologne. Les niveaux de puissance offerts vont de 20 kilowatts à 600 et les sources d’énergie peuvent être des granules, des briquettes, des résidus de récoltes ou de copeaux de bois. L’ensemble est installé dans un garage près de la mairie comportant une grande porte pour y décharger les résidus. Des conduits isolés circulent sous la terre pour amener la chaleur nécessaire. La chaudière est relativement compacte, franchement propre et sans odeur forte. « Pour l’instant ces chaudières proviennent de Pologne. C’est vraiment un bon produit, bien fait et durable, et beaucoup moins cher que ce qu’on peut en ce moment avoir ici. Mais ça fait partie de nos projets d’avoir un fournisseur local », ajoute M. Savard.

Développer de nouvelles filières

Mais tous ne pensent pas que la production d’énergie en brûlant ces résidus soit la meilleure des solutions. « Produire de la chaleur avec la biomasse, c’est correct, mais ça devrait être la dernière chose à faire après avoir exploité toutes les autres possibilités », pense Patrick Dallain, directeur général du Serex, le Service de recherche et d’expertise en transformation des produits forestiers. Dans ce centre d’Amqui, en plein réaménagement durant notre visite estivale, quelques étudiants universitaires s’affairaient à extraire des composés à partir de résidus forestiers de différentes essences d’arbres pour en analyser les propriétés chimiques.

L’utilisation de tels résidus permet de créer de nombreux produits dérivés, par exemple : des panneaux et des matériaux composites, du bois d’ingénierie, des résines à faibles émissions polluantes, des antifongiques, des panneaux acoustiques et thermiques, des traitements ignifuges à faible impact environnemental, ou encore de populaires bûches écologiques que l’on retrouve dans tout centre de rénovation. Le Serex, qui est un centre collégial de transfert de technologie qui a ouvert ses portes il y a tout juste 20 ans, travaille avec des institutions d’enseignement ainsi que des compagnies privées afin d’étudier les propriétés de la biomasse et de développer des procédés industriels. Entre autres la Filière biomasse Abitibi-Ouest travaille avec le Serex pour valoriser des écorces de résineux en extrayant des tanins à grande valeur ajoutée qui pourraient produire des mousses polymères, des adhésifs, etc.

Mais quelle empreinte écologique?

Utiliser les résidus forestiers pour en extraire de l’énergie ou pour créer des produits tels que des adhésifs et des panneaux implique nécessairement de polluer, de produire des gaz à effet de serre. Mais si le processus est soigneusement examiné et encadré, le bilan écologique peut être nettement meilleur que les actuelles façons de faire. L’un des documents fréquemment étudiés par les spécialistes de ce secteur d’activité est « Empreinte écologique, cycle de vie et bilan carbone du matériau bois », rédigé par le professeur de l’Université du Québec à Chicoutimi Claude Villeneuve en 2010. Dans celui-ci, on examine le cycle de vie des bâtiments et des matériaux, le rôle des forêts captant le CO2 dans le cadre du développement durable, ce qui a un impact sur le réchauffement planétaire. Les résultats de l’étude montrent que le plus important facteur d’émissions est le transport des produits par camions lourds, suivi de la phase de transformation des matériaux, ainsi que des intrants tels que les colles, solvants et emballages. « Pour que le processus de production d’énergie soit acceptable environnementalement il faut que les résidus forestiers soient produits à courte distance, à moins de 100 kilomètres, pour diminuer le transport par camion. C’est ce qu’on a ici dans la vallée de La Matapédia et à d’autres endroits au Québec comme en Abitibi », ajoute Renaud Savard.

Pour en faire du carburant?

D’autres organismes tablent plutôt sur la production de biocarburants à grande échelle à partir des résidus forestiers comme le Réseau BioFuelNet Canada. Selon le document « Vision La Tuque 2021 », il serait possible d’implanter en Mauricie la première usine de bioraffinage forestière commerciale au Canada. On pourrait ainsi produire de l’éthanol cellulosique en utilisant le principe de fermentation ou de la bio-huile par la pyrolyse rapide, qui peuvent être utilisés comme carburants de transport. En plus de créer des emplois et de diminuer la quantité de gaz à effet de serre produite, cette raffinerie améliorerait notablement le déficit commercial du Québec en diminuant les achats actuels de carburants effectués à l’extérieur des frontières québécoises.

Seulement en Mauricie, l’étude précise que ce projet pourrait y utiliser de 650 000 à 1 200 000 tonnes métriques anhydres par an de résidus forestiers selon les deux scénarios concernant la puissance de l’usine. La disponibilité approximative du Québec en branches, feuilles, aiguilles et souches atteint 4,9 millions de tonnes.

Jusqu’où récolter la biomasse forestière?

Mais certains craignent les conséquences importantes de la récolte industrielle de la biomasse, qui est en bonne partie laissée sur le sol après le passage de la machinerie forestière. Ressources naturelles Canada précise d’ailleurs que cela peut avoir des effets négatifs à long terme sur la faune, sur la croissance des arbres et sur le maintien des écosystèmes, donc de la qualité de l’eau, de l’air, de la protection des sols et du stockage du carbone. Des chercheurs du Service canadien des forêts œuvrent afin de déterminer quelle quantité de biomasse, selon l’espèce d’arbre et le type d’écosystème, peut être prélevée sans mettre en danger la santé des écosystèmes forestiers.

Cette inquiétude à extraire trop de biomasse de la forêt a d’ailleurs poussé la Fédération québécoise des coopératives forestières à créer un document à ce sujet. Parmi les critères à respecter on compte : d’éviter la récolte lorsque les sols ont moins de 30 centimètres d’épaisseur, plus de 30% d’inclinaison ou en zone de drainage excessif, de maintenir des zones tampons autour des cours d’eau, de conserver des résidus et des arbres sur pied et de ne pas récolter d’arbres sains destinés uniquement à l’exploitation de la biomasse.

Au gouvernement du Québec, le Scientifique en chef étudie également comment les résidus laissés en forêt ou non affectent la productivité du sol, la performance des semis, les espèces reboisées, le microclimat, etc. Après sept ans, on constate que les résidus laissés en andains stimulent la croissance d’arbres à croissance rapide (principalement des feuillus, ndlr), mais pas les conifères. Et que ces accumulations de matières en monticules favorisent les plantes à fleurs, donc les insectes pollinisateurs et la faune, et que cette façon de faire serait préférable que de répartir uniformément la biomasse sur le sol.

D’immenses possibilités à correctement exploiter

En bref, l’utilisation poussée des résidus forestiers peut apporter au Québec de nombreux bénéfices comme on le constate dans la vallée de La Matapédia. En plus de pouvoir produire de la chaleur et des carburants, cette biomasse entre dans la fabrication de panneaux, d’adhésifs, de mousses et de produits antifongiques entre autres. Ces matières peuvent remplacer d’autres substances chimiques dommageables pour l’environnement. Ces nouvelles industries créeront des emplois, principalement en régions forestières où les besoins à cet égard sont grands. Et avec des sources d’approvisionnement situées à faible distance, on réduit la production de gaz à effet de serre. Il faudra s’assurer de mettre en place des méthodes et balises sûres pour ne pas excéder les capacités de régénération de la forêt, mais le tout en vaut certainement la peine.

Par Frédéric Laporte

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