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Jun

Un thermos géant comme solution à la crise forestière

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Scierie Bionor n’est qu’un exemple de ces PME qui réussissent à tirer leur épingle du jeu dans un univers miné par un effondrement du marché et une raréfaction de la matière première. Grâce à une technologie unique en son genre et dont elle garde jalousement le secret, cette entreprise fondée en 1994 à Granada, un quartier rural de Rouyn-Noranda, arrive à écouler des produits de luxe à partir d’essences sous-utilisées.

Son secret? Un séchoir à bois mis au point par ses employés et dans lequel le bois est séché sous vide. Cette technique particulière permet de contrôler à la perfection l’atmosphère interne de la machine. «On peut ainsi sécher même les essences les plus humides sous n’importe quelle condition climatique, alors que les séchoirs conventionnels offrent souvent un rendement moindre en hiver et lors des journées pluvieuses, à cause du fait qu’ils utilisent de l’air provenant de l’extérieur», explique Raymond Lessard, directeur des opérations de la PME.

Thermos géant

L’appareil mis au point par Scierie Bionor prend la forme d’un énorme cylindre hermétiquement clos dans lequel on réduit la pression de l’air avant d’y envoyer la chaleur. L’eau contenue dans le bois arrive ainsi à bouillir à 85° Celsius au lieu de 100°.

La pression plus basse évite aussi à la vapeur de circuler partout dans le séchoir. Elle se condense plutôt au fond du cylindre. En plus de réaliser des économies substantielles en énergie, Scierie Bionor arrive ainsi à réduire de 75% le temps requis pour le séchage. Et comme l’opération est contrôlée au degré près, l’entreprise peut utiliser des essences habituellement boudées par l’industrie.

C’est le cas du mélèze. En raison de son fort taux d’humidité, les planches façonnées à partir de ce bois ont une fâcheuse tendance à se déformer ou même à se fendre lors du séchage. Mais pas dans les séchoirs de Scierie Bionor. La PME arrive donc à offrir des produits uniques en leur genre, par exemple du bois de patio résistant à la pourriture et à la déformation, sans produits chimiques.

10 ans d’avance

Car Scierie Bionor ne fait pas que sécher du bois. Refusant la facilité de fournir uniquement de la matière première à des entreprises de l’extérieur de la région, la PME a décidé qu’elle transformerait elle-même son bois, réalisant avec plus de 10 ans d’avance ce que le gouvernement du Québec avance aujourd’hui comme solution pour relancer l’économie forestière de la province.

«À partir de mélèze, de frêne, de merisier, de pin rouge, de pin blanc, de tremble, de cèdre et de bouleau, nous fabriquons des planchers, de la planche murale, des revêtements extérieurs, des patios, des poutres d’apparence, des moulures, des rampes d’escalier, des dessus de comptoir et des meubles de jardin», précise M. Lessard.

Aujourd’hui, l’entreprise reçoit de six à sept commandes par semaine, principalement de l’Abitibi-Témiscamingue. Il arrive cependant que des étrangers soient intéressés par ses produits. «Nous avons vendu des pièces en mélèze jusqu’à Toronto et Baie-Comeau, indique Raymond Lessard. En termes de volume, nous ne serons jamais capables de concurrencer les usines les plus importantes, qui réalisent en une heure ce que nous produisons en une semaine. C’est pourquoi nous nous concentrons sur des produits de niche. On le fait depuis près de 15 ans et on ne l’a jamais regretté».

Une grande diversité

Ce qu’il y a de réjouissant dans l’exemple de Scierie Bionor, c’est que son cas est loin d’être unique. Selon le répertoire des entreprises de transformation du bois réalisé par l’Association forestière de l’Abitibi-Témiscamingue, on retrouve sur le territoire de la région plus de 70 entreprises spécialisées dans la 2e et la 3e transformation du bois.

Plus surprenante encore, est l’étonnante diversité d’activités que ces PME proposent. Papier hygiénique, boîtes d’échantillonnage de minerai, palettes de manutention, clôtures, armoires, mobiliers de maison et de jardin, jeux de société en bois, litières d’animaux, fermes de toit, maisons en bois rond, maisons préfabriquées, la seule limite semble être l’imagination.

Malgré la crise qui frappe le domaine du sciage, le secteur forestier de l’Abitibi-Témiscamingue, grâce à la technologie et aux produits de niche, semble tout de même promis à un bel avenir.

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