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Jun

Un secteur manufacturier plus mobilisé que jamais

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Il y a maintenant plus d’un an, du jour au lendemain, les manufacturiers québécois ont répondu à l’appel des gouvernements pour produire les biens essentiels à la protection de la population et des travailleurs de la santé.

Nous avons assisté à la plus grande mobilisation industrielle depuis la Seconde Guerre mondiale : plusieurs de nos usines se sont réinventées pour produire des respirateurs, des masques ou des blouses chirurgicales.

La pandémie a ainsi mis en lumière toute l’importance du secteur manufacturier, particulièrement en temps de crise. Elle a aussi permis de constater l’importance de prévenir et d’investir dans nos usines pour faire face à ces crises.

En effet, l’absence de capacité pour produire les vaccins en est un exemple frappant. Tributaires de stratégies d’approvisionnement internationales, le Canada et le Québec se sont retrouvés à mener une course contre d’autres pays. Comment expliquer que nous ayons pu nous retrouver dans cette position de dépendance en période de pandémie ?

Assurer la compétitivité du secteur manufacturier : une priorité !

Le secteur manufacturier québécois emploie près d’un demi-million de personnes et représente 14 % du PIB ainsi que 89 % des exportations. Il a généré des ventes globales de près de 170 milliards de dollars en 2019.

Au cours des dernières années, la production et les exportations de produits manufacturés canadiens ont augmenté à un rythme beaucoup plus lent que dans d’autres pays développés. Ceci est en grande partie attribuable à une baisse constante de l’investissement manufacturier qui a commencé au début des années 2000.

Au Canada, nous accusons un retard important en termes de productivité. Rappelons que la croissance de l’investissement en capital des entreprises dans les cinq dernières années était de 8,8 % au Canada, alors qu’il était de 30,4 % au Royaume-Uni et de 28,1 % aux États-Unis. Cela démontre que l’écart se creuse.

Cette érosion de notre compétitivité industrielle a un impact direct sur la capacité de nos entreprises manufacturières à répondre à la crise actuelle ou aux futures.

Or, la dernière année nous démontre clairement l’importance de ne pas attendre pour investir dans notre capacité manufacturière. Il le faut pour assurer notre autonomie, mais aussi pour demeurer compétitif face à ce qui se fait ailleurs dans le monde. Les apprentissages réalisés au cours des derniers mois ne doivent pas être perdus !

Mieux soutenir le secteur manufacturier

À cette fin, trois leviers peuvent être activés par le gouvernement pour mieux soutenir le secteur manufacturier :

  • Pallier la pénurie de main-d’œuvre pour augmenter la compétitivité du secteur manufacturier

Il est essentiel de s’attaquer à la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur manufacturier. Les besoins des entreprises manufacturières étaient criants avant la pandémie, et le sont toujours autant, à la fois pour des travailleurs spécialisés (soudeurs, électromécaniciens, etc.), que non spécialisés (journaliers, manutentionnaires, commis, etc.).

Encore récemment, un manufacturier en région qui travaille à des projets d’infrastructures stratégiques m’expliquait que, faute de trouver suffisamment de travailleurs, il devait assurer le déplacement de plusieurs dizaines d’employés vers Montréal, matin et soir, pour être en mesure de compléter ses commandes. Vous pouvez imaginer que les coûts supplémentaires non prévus associés à ces allers-retours quotidiens sont de plusieurs millions de dollars. Et ce, même si le salaire qu’il offre est de 30 $ l’heure. La pression est si forte que cet employeur souhaite maintenant diminuer son volume d’activité.

On pourrait croire qu’il s’agit d’une anecdote. Il n’en est rien : les entreprises manufacturières dans toutes les régions du Québec font face aux mêmes problèmes.

17 530. C’est le nombre de postes vacants à pourvoir dans les entreprises manufacturières partout au Québec, selon l’Institut du Québec. Une hausse de 7 % par rapport à 2019, et alors que la main-d’œuvre continue de vieillir.

Une étude de la BDC soulevait d’ailleurs qu’au « Québec, le manque de main‑d’œuvre nuit à l’investissement ». La pénurie a un impact majeur sur la compétitivité du secteur.

Quand les manufacturiers québécois refusent des commandes et peinent à honorer leurs contrats actuels, faute de travailleurs, elles exportent moins et ne créent pas de nouvelles occasions d’affaires. Ce sont des entreprises ailleurs dans le monde qui ont accès aux travailleurs et aux talents, et donc qui en profitent.

Les entreprises se battent pour les mêmes candidats. On déshabille Pierre pour habiller Paul. Pendant ce temps, des entreprises considèrent l’idée de s’installer aux États-Unis, là où il y a des travailleurs.

Les postes vacants ne vont pas se pourvoir seuls. Des actions sont nécessaires.

Le virage 4.0, la robotisation et l’automatisation sont des avenues intéressantes qu’empruntent déjà nos entreprises manufacturières. Néanmoins, pour manœuvrer ces machines, il faut quand même des gens, bien souvent spécialisés et avec des compétences spécifiques. Et je n’aborde même pas les questions de littératie et de numératie dans le marché du travail actuellement, qui compliquent ce virage numérique.

Plusieurs solutions s’offrent au gouvernement pour appuyer les manufacturiers, que ce soit par la formation et la requalification de la main-d’œuvre, le rehaussement des compétences, mais également par l’immigration.

  • Favoriser l’innovation et la compétitivité

Les entreprises manufacturières sont engagées, à divers degrés, dans l’automatisation des équipements et la numérisation de la production. Il faut bien les soutenir dans ce virage et augmenter leur productivité.

L’incertitude économique causée par la COVID-19 a eu des répercussions sur les projets d’investissement en matière de productivité et d’innovation. Pour certains manufacturiers, le contexte actuel a offert l’occasion de mettre à niveau leurs installations alors que, pour d’autres, les projets ont été mis sur la glace.

D’ailleurs, lors d’une tournée de consultations régionales effectuée par MEQ l’été dernier, les manufacturiers nous ont clairement énoncé qu’ils souhaitaient avoir accès à davantage d’aides directes et des crédits d’impôt remboursables plus significatifs plutôt que des programmes, et ce, afin d’avoir un réel incitatif à l’investissement.

C’est vrai pour les grandes entreprises, mais surtout pour les PME qui n’ont pas les ressources internes pour se familiariser avec les programmes et soumettre leur application. La lourdeur administrative des multiples programmes en décourage plusieurs.

MEQ demande donc de favoriser les crédits d’impôt plutôt que la mise en place de nouveaux programmes afin d’inciter davantage l’innovation et assurer la compétitivité de nos entreprises manufacturières.

  • Stimuler la fabrication locale

Avec la montée du protectionnisme partout dans le monde, il est temps de stimuler la fabrication locale en valorisant l’achat québécois au sein même des stratégies d’acquisition, des appels d’offres et de l’attribution de contrats publics.

Il nous faut soutenir une relance économique forte et cela passe notamment par des contrats publics qui favorisent l’achat local. Il est d’ailleurs possible de poser des gestes en ce sens tout en respectant les accords internationaux de libéralisation des marchés publics.

Certains pays, comme les États-Unis, choisissent de financer une partie de leurs innovations technologiques par leur ministère de la Défense, favorisant ainsi le développement de produits américains. D’autres pays mettent en place des politiques publiques en matière d’approvisionnement pour stimuler l’achat local et l’innovation manufacturière, en tout respect des règles du commerce international. Le Québec peut en faire autant.

C’est pourquoi MEQ recommande de mettre en place une véritable politique publique qui valorise l’achat de produits et services québécois de qualité lors des appels d’offres publics, dans les ministères, organismes, sociétés d’État ou établissements des réseaux de la santé et de l’éducation.

La règle du plus bas soumissionnaire doit donc être revue, car elle ne tient plus la route. Plusieurs critères peuvent déjà être mis en place afin de faire une discrimination positive pour les produits fabriqués ici. Il faut aller au-delà du critère du prix, notamment en incluant de réels paramètres liés à la qualité, la proximité, à l’empreinte environnementale ou à des produits jugés essentiels pour lesquels le gouvernement souhaite avoir une autonomie, par exemple.

Les marchés publics peuvent favoriser l’innovation et l’amélioration de nos façons de faire, tout en créant un savoir-faire qu’il nous sera possible d’exporter. C’est dans cette direction qu’il faut aller.

La relance économique passe par le manufacturier

Plus que jamais, le secteur manufacturier est mobilisé et souhaite contribuer à une relance économique durable.

La dernière année nous démontre clairement l’importance de ne pas attendre pour investir dans notre capacité manufacturière. Il s’agit d’assurer notre autonomie dans certains secteurs, mais aussi de demeurer compétitif face à ce qui se fait ailleurs dans le monde.

Le secteur manufacturier est un véritable moteur de l’économie. Assurons-nous maintenant de lui donner les moyens nécessaires afin d’assurer sa compétitivité, car la relance économique passe par le manufacturier.

Par Véronique Proulx, présidente-directrice générale de Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ)

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