Le projet VitaliPré a vu le jour en 1999. Les chercheurs de l’Unité de recherche et de développement en agroalimentaire de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) se sont alors penchés sur des moyens de démarquer le bœuf de la région des autres bœufs produits à travers le monde.
Il s’agissait ici de développer une niche où la région saurait se positionner avantageusement pour offrir des produits à valeur ajoutée, qui peuvent donc être écoulés à un prix plus élevé. Il s’agissait aussi de permettre aux éleveurs de la région de ne plus être dépendants de la consommation de masse et de ses aléas, dont la crise de la vache folle représente la meilleure illustration.
Dès le départ, l’Abitibi-Témiscamingue se distingue par l’alimentation de son cheptel. Alors que dans l’Ouest canadien l’alimentation bovine est composée à 90% de grains et à 10% d’herbages, c’est plutôt l’inverse qui arrive dans la région, en particulier à cause de l’abondance de pâturages. Cette habitude s’est finalement révélée un avantage majeur.
Lors de leurs études, les chercheurs de l’UQAT ont en effet constaté qu’en raison du climat rigoureux, des écarts plus marqués de température entre le jour et la nuit ainsi que des journées plus longues en été, la quantité de sucres renfermés dans l’herbe régionale est plus élevée qu’ailleurs. Ce qui signifie que les fourrages sont plus énergétiques pour les bêtes. Ils ont donc décidé de concentrer leurs efforts sur cet or vert. Un choix qui s’est avéré payant.
Une alimentation riche en fourrages présente l’avantage que les bovins accumulent dans leurs gras des oméga-3 et des acides linoléiques conjugués. Il s’agit de substances qui peuvent prévenir les maladies cardiaques et certains types de cancers, en plus de n’avoir aucune influence sur le cholestérol. Cette viande améliorée, qui se distingue par la coloration jaunâtre de son gras, contient aussi une quantité appréciable de vitamine B12, qui joue un rôle essentiel dans le développement du cerveau et du système nerveux.
En tablant sur le fourrage de l’Abitibi-Témiscamingue, les chercheurs de l’UQAT ont entrepris un projet audacieux: produire un bœuf entièrement naturel (qu’il ne faut toutefois pas confondre avec biologique), sans recourir aux hormones de croissance et aux antibiotiques, qui présente en plus des caractéristiques nutraceutiques.
Une fois la théorie établie et quelques expériences réalisées en laboratoire, il a fallu passer aux essais sur le terrain. En 2005, six éleveurs de la région ont accepté de se prêter au jeu. Trois ans plus tard, les premières pièces de viande VitaliPré ont été mises en vente dans quelques boucheries spécialisées de Rouyn-Noranda et Val-d’Or et dans certains restaurants de fine cuisine. Il n’est cependant pas encore question d’envahir les tablettes des épiceries et encore moins de déborder des frontières de la région.
C’est que les éleveurs qui collaborent au projet ne sont en mesure de fournir que de 200 à 250 bêtes par année et ce, à intervalles irréguliers seulement. Pour que la viande soit commercialisée à grande échelle, il faudrait plutôt une cadence de 40 à 50 carcasses par semaine. De plus, pour répondre aux critères du VitaliPré, les bœufs doivent être abattus avant l’âge d’un an.
Le défi demeure donc de les faire engraisser le plus rapidement possible au cours de cette période sans pour autant recourir aux hormones. Les éleveurs doivent ainsi porter une attention particulière à la qualité de leurs pâturages tout en améliorant constamment la qualité de leur cheptel.
À cela, il faut ajouter le fait que l’Abitibi-Témiscamingue ne possède pas d’abattoir. Les animaux doivent donc être acheminés en Outaouais. Les carcasses reviennent ensuite dans la région où la viande est préparée par des étudiants en boucherie à La Sarre.
Mais dans un contexte économique où ils reçoivent encore pour leurs bêtes ordinaires le même prix aux abattoirs qu’il y a 25 ans et où la menace d’une fermeture des frontières, pour des raisons sanitaires, pèse constamment sur eux, plusieurs éleveurs estiment que le jeu en vaut nettement la chandelle.
La population régionale, dans un geste de solidarité, semble aussi l’avoir compris. Depuis la mise en marché initiale du VitaliPré, la demande pour ce bœuf n’a cessé de s’accroître, lentement mais sûrement.