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Transformation de l’usine de Thurso, de la pâte kraft à la soie … forestière

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La communauté s’était donné rendez-vous à la mi-octobre sur les berges de la rivière des Outaouais pour voir l’arrivée spectaculaire sur des barges de quatre immenses lessiveurs et réservoirs. Les pièces d’équipements de 100 tonnes chacune ont mis dix-huit jours pour faire le trajet de la Finlande à Thurso. Des employés ont même interrompu brièvement leur travail pour admirer l’arrivée de leur futur gagne-pain.

« En plus des huit énormes pièces d’équipements, il y a dix-sept autres conteneurs qui vont arriver dans les prochaines semaines avec des valves et autres équipements de l’usine en Finlande que nous avons achetée et démantelée, précise celui qui est au cœur du sauvetage de l’usine et maintenant chef des opérations à Fortress cellulose spécialisée, Marco Veilleux. La véritable relance de l’usine de Thurso va se faire au début de l’été prochain avec le début de la fabrication d’un produit de bioraffinerie », précise monsieur Veilleux.

Fortress Specialty Cellulose (FSC) de Colombie-Britannique a acheté l’usine Papiers Fraser, en mars 2010, au coût de 3 M$ grâce au travail du comité de relance. Les 325 employés sont retournés au travail en mai 2010 après une fermeture de près d’un an pour redémarrer l’usine et fabriquer de la pâte Kraft, en attendant de passer à un nouveau produit, la pâte de rayonne, prévue à l’été 2011.

C’est la pâte Kraft qui est le secret de la sauvegarde et de la transformation de cette usine de l’Outaouais, selon Claude Daneault, directeur du Centre de recherche en pâtes et papiers de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).

« Les procédés de fabrication de pâte Kraft et de pâte cellulosique ou de rayonne se ressemblent énormément. La conversion est toute naturelle comparativement à l’usine d’AbitibiBowater à Gatineau qui fabrique une pâte thermomécanique ne pouvant pas être transformée pour produire de la pâte de rayonne ».

La pâte cellulosique, pâte de rayonne ou viscose est un vieux procédé de fabrication, selon monsieur Daneault. « Le pétrole peu dispendieux a remplacé le bois qui était jadis utilisé pour produire la rayonne qui sert entre autres, à fabriquer du fil servant à confectionner des vêtements. Aujourd’hui, la hausse du coût des produits pétroliers et la popularité pour des produits “verts” et écologiques rendent la fabrication de la pâte de rayonne avec du bois plus rentable et plus populaire ».

Nouvelle pâte

En plus du fil écologique pour les vêtements, la nouvelle pâte produite à Thurso pourrait servir à de nombreux produits, indique Claude Daneault. « La pâte de rayonne peut être modifiée pour faire d’autres types de produits comme des boyaux de dialyse, des boyaux cellulosiques, du cellophane, des produits spongieux et même une meilleure qualité de papier pour certains produits ».

Bien avant de commencer la fabrication de la soie forestière, la compagnie Fortress a déjà trouvé preneur pour 85 000 tonnes de sa nouvelle pâte cellulosique sur les 200 000 qu’elle produira. Selon le chef des opérations, Marco Veilleux, le démarrage est prévu l’été prochain.

Parallèlement au projet de pâte cellulosique, M. Veilleux ajoute, « il y a l’usine de cogénération qui s’en vient. C’est un chantier qui va ouvrir en mars 2011, comprenant turbine et nouvelle chaudière pour vendre 25 mégawatts d’électricité à Hydro-Québec. Cette électricité sera produite en utilisant les rejets de la production de la pâte. Ça nous permet de valoriser les résidus et les écorces qui restent en forêt et de faire de l’électricité à partir des boues de traitement d’affluents secondaire à l’usine. Ceci va donc régler de façon permanente le problème d’odeur qu’on a ici ».

Les vieux équipements servant à fabriquer la pâte Kraft sont conservés. M. Veilleux a d’autres projets. « Dans notre plan d’affaires, à titre exploratoire pour 2012, on veut faire de la bioraffinerie, extraire différents produits du bois et pénétrer d’autres marchés que la pâte cellulosique ».

Université Laval

La relance de l’usine de Thurso avec des produits de bioraffinerie suscite partout de l’intérêt. « La direction du Département des sciences du bois et de la forêt à l’Université Laval veut étudier la dynamique sociale qui a mis au monde le projet avec un partenariat entre des acteurs locaux et le développement de bioproduits », confie le professeur Luc Bouthillier.

Il estime que le projet de Fortress Paper est un exemple à suivre au Québec et ailleurs au Canada. « On ne peut pas refaire le même projet partout, mais le salut des papetières passe probablement par l’industrie chimique. Les entreprises de produits de synthèse ont toutes sortes de filières pour fabriquer des produits vraiment sur mesure pour des clients. C’est un changement de culture pour l’industrie papetière », commente monsieur Bouthillier.

UQTR

Le Centre de recherche en pâtes et papiers de l’UQTR est aussi prêt à collaborer avec la première usine québécoise de fabrication de soie forestière. Claude Daneault nous confie que le Centre est prêt à collaborer avec Fortress cellulose spécialisée de Thurso pour trouver de nouveaux produits à partir de la nouvelle pâte de rayonne. « On travaille présentement sur les nanofibres de cellulose et on essaie de modifier les fibres pour développer de nouveaux produits. Le fait que ce soit une cellulose régénérée, donc pure, signifie peut-être qu’on peut faire des choses avec ce type de pâte-là, en cherchant à la modifier puis en essayant de trouver de nouveaux produits ».

Pour le professeur Bouthillier, « Thurso est un exemple pour imaginer le futur pour un paquet d’autres usines de pâtes et papiers au Canada ».

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