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Feb

Transformation agroalimentaire. Tout va bien sauf que…

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Le Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ) rappelle que bien qu’elles se portent bien, bon nombre d’entreprises de ce secteur réalisent en fait de faibles profits. Dimitri Fraeys, agronome et vice-président, Innovation et Affaires économiques du CTAQ, explique :

« Près de 85 % des entreprises qui œuvrent en agroalimentaire au Québec ont moins de 50 employés. Elles ont des marges bénéficiaires de 7 %, comparativement à 10 % en Ontario. Comme ce sont des PME, elles gardent leurs employés même quand ça va moins bien et paient plus cher, entre autres, pour les charges sociales, ce qui explique l’écart. »

Il est temps que l’on cesse de tenir le secteur agroalimentaire pour acquis et qu’un livre de l’alimentaire au même titre qu’un plan Nord soit mis en place. C’est une question économique, car chaque augmentation de 1 % des livraisons manufacturières crée 1412 emplois soit 559 emplois directs et 853 emplois indirects. Dimitri Fraeys, agronome et vice-président, Innovation et Affaires économiques du CTAQ.

Conséquence, ces entreprises investissent moins en recherche et développement, en infrastructure comme en automatisation parce qu’elles doivent puiser les fonds à même leur poche.

« En 2014, 510 millions de dollars ont été investis dans le secteur la transformation alimentaire, comparativement à 700 millions tant pour l’agriculture que l’aéronautique. Cela a un impact sur la productivité », constate M. Frayes.

Arrêter de parler et agir

En décembre dernier, le ministre de l’Agriculture des Pêcheries et de l’Alimentation, Pierre Paradis a annoncé la tenue d’un Sommet sur l’Alimentation en 2016. Cette future consultation ne plaît pas à tous les intervenants du secteur agroalimentaire qui aimeraient que l’on cesse de parler et qu’on agisse.

« La réflexion a été amorcée en 2008 par le rapport Pronovost. Les besoins sont identifiés depuis plusieurs années. Ce sommet ne fera que reporter à plus tard des actions qui devraient être menées aujourd’hui », croit Marcel Papin, président de la Fédération de l’UPA Lanaudière.

Pour donner le ton, le CTAQ a fait une sortie publique demandant au gouvernement de mettre de l’avant une stratégie québécoise de l’agroalimentaire.

« Il est temps que l’on cesse de tenir le secteur agroalimentaire pour acquis et qu’un livre de l’alimentaire au même titre qu’un plan Nord soit mis en place. C’est une question économique, car chaque augmentation de 1 % des livraisons manufacturières crée 1412 emplois soit 559 emplois directs et 853 emplois indirects », explique M. Frayes.

Parmi les revendications incluses dans cette stratégie québécoise, l’adaptation des crédits d’impôt à la recherche et au développement afin qu’ils couvrent le développement de produits.

« Dans le secteur agroalimentaire, l’innovation passe par le développement de nouveaux produits et leur amélioration, par exemple : le prolongement de leur durée de vie sur les tablettes. Mais des milliers de nouveaux produits ne rentrent pas dans la définition de recherche et développement du gouvernement et c’est ce que nous aimerions qui change », mentionne M. Frayes.

Le fait que le secteur de la transformation alimentaire relève du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) pose aussi problème aux représentants du CTAQ. En fait, ce ministère dispose d’une enveloppe de 35 millions pour une période de cinq ans dont 13 millions sont dédiés à la transformation pour soutenir les entreprises en recherche et développement et en innovation. Cette somme est nettement insuffisante selon Sylvie Cloutier, présidente-directrice générale du CTAQ.

« La mission principale du MAPAQ est d’aider les producteurs agricoles. Notre secteur est moins considéré. Nous aimerions qu’on reconnaisse notre apport à l’économie et que nous puissions avoir accès aux services et à l’expertise du ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation (MEIE). Dans notre manifeste, on estime qu’il faudrait à notre secteur 100 millions de dollars. »

Stefano Bertolli, vice-président aux communications chez Lassonde, mentionne que même si son entreprise n’a pas participé à l’élaboration de la stratégie québécoise de l’agroalimentaire, elle voit d’un bon œil cette démarche, surtout que Lassonde met près de 20 nouveaux produits sur le marché chaque année.

« L’innovation fait partie de notre ADN. Nous avons un département consacré uniquement à cela. Les ventes de jus stagnent, il faut toujours être l’affut pour conserver et augmenter notre part de marché », mentionne M. Bertolli.

L’Union des producteurs agricoles (UPA) appuie également les dires du CTAQ. Elle croit que cette industrie a besoin de croître pour être plus compétitive et que pour y arriver, elle doit être mieux soutenue.

« La défunte Société générale de financement, SOQUIA avait été conçue pour l’industrie bioalimentaire et elle a aidé les Lassonde et les Agropur à se développer. La Financière agricole et le programme Innov’action ne peuvent pas remplacer le trou laissé vacant par la SOQUIA. Il faut un fond qui puisse investir en capital de risque et qui se spécialise dans ce créneau », mentionne Marcel Groleau président de l’UPA.

La baisse du dollar canadien, défi pour certains et bienfait pour d’autres

Les entreprises bioalimentaires québécoises ont vendu pour plus de 5 milliards de dollars de produits en 2014 aux Américains, soit 63 % de toutes les exportations hors Canada. Pour 2015, les chiffres faisaient état d’une augmentation de 25 %, une performance résultat entre autres de la faiblesse du dollar canadien.

Si cette baisse fait le bonheur de certains, elle crée aussi certaines difficultés pour des entreprises qui importent des matières premières au sud de la frontière. La Presse rapportait le cas de l’entreprise Piedmont Dora qui produit notamment une tartinade chocolat-noisette et qui a vu ses marges de profits diminuer en raison de l’augmentation de 30 % du coût d’achat des noisettes.

Le géant du jus de fruits Lassonde a également eu à faire face à une hausse du prix de ses intrants. Par chance, l’entreprise de Rougemont a réussi à contourner cette problématique grâce aux installations qu’elle a acquises en 2011 aux États-Unis.

« Nous vendons en américain ce que nous produisons aux États-Unis. L’impact du taux de change est amoindri de cette façon », souligne Stefano Bertolli.

Peu importe la force du dollar canadien, André A. Coutu, président-directeur général du Groupe Export agroalimentaire Québec, croit que les entreprises canadiennes sont bien positionnées grâce l’innovation dont elles font preuve. D’ailleurs, selon lui, avec de la volonté politique, il serait même possible pour les entreprises canadiennes de tripler le nombre d’exportations en sol américain.

« Il y a 350 millions de personnes aux États-Unis. C’est un marché énorme continuellement en développement. Des Américains se déplacent lors de nos salons parce qu’ils nous disent que plusieurs de nos produits sont cinq ans en avance sur ce qu’ils voient aux États-Unis. J’ai confiance en notre industrie. »

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