Les fermes porcines québécoises « produisent » quelque neuf millions et demi de mètres cubes de lisier par année. Les plus grandes quantités sont comprises principalement dans les régions de Chaudière-Appalaches, de la Montérégie et du Centre du Québec ; des régions en surplus de lisier, dans le langage des secteurs agroalimentaire, environnemental et gouvernemental.
Une large partie de ce lisier est utilisé comme engrais, pour fertiliser les terres avoisinantes. Le problème, l’épandage disperse des odeurs et en plus, les régions décrites plus haut ne savent plus que faire de leur lisier.
Parmi les nouvelles technologies québécoises naissantes dans le traitement du lisier, il en existe une qui est en quelque sorte le bébé du Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ), car elle a émergé de la tête d’une de ses équipes de chercheurs : il s’agit de la technologie BiosorMD.
Cette technologie utilise un biofiltre fabriqué de matériaux naturels comme par exemple de la mousse de tourbe, des copeaux ou de l’écorce. Elle fait intervenir des additifs chimiques en prétraitement pour favoriser la séparation solide-liquide du lisier. Ceci provoque ainsi une boue flottante ainsi qu’un liquide débarrassé des matières en suspension et du phosphore.
Mise en marché depuis 1999, elle est maintenant commercialisée par H2O Innovation, une entreprise dont la mission est de concevoir, développer et de mettre sur le marché des produits novateurs pour la production d’eau potable et le traitement des eaux usées.
Selon Élise Villeneuve, ingénieure chez H20 Innovation et porte-parole pour la technologie Boisor MD, la technologie s’adapte aisément aux installations existantes dans les fermes porcines notamment et nécessite peu d’entretien.
« Le principe du procédé consiste à faire passer les effluents liquides et gazeux à travers un biofiltre. C’est un immense réservoir rempli de tourbe et de copeaux, un substrat qui agit comme une éponge naturelle. Nous utilisons d’ailleurs les fosses existantes sur les fermes porcines pour accumuler le lisier et c’est une solution simple, dite passive. »
Concrètement, on sépare le liquide des solides soit par une décantation naturelle où les liquides et les solides sont ensemble, ou encore par un système de séparation mécanique ou physico-chimique, qui consiste à installer sous le plancher latté d’un bâtiment porcin un système où les liquides et les solides se sépareront. par gravité. Ainsi, l’urine sera collectée et la fraction solide sera accumulée sur la plancher bétonné du dalot, où un système de récupération la reprendra à son tour.
Jusqu’à maintenant, on retrouve une quinzaine d’installations utilisant le procédé BiosorMD. Parmi celles-ci, deux porcheries appartenant à la coopérative agroalimentaire Purdel, toutes deux situées dans le Bas-Saint-Laurent. La première ferme porcine est située à St-Valérien, à environ 25 km au sud de Rimouski. Elle renferme une maternité de 1 200 truies, une pouponnière de 3 500 places et une production de 26 000 porcelets annuellement.
L’autre installation est située à Saint-Eugène de Ladrière, un peu plus au sud-ouest, où l’on opère un site contenant une maternité de 1 300 truies et une pouponnière de 3 800 places, ce qui permet une production de 30 000 porcelets annuellement.
Plusieurs fermes du Québec ont aussi opté pour cette technologie. À Saint-Isidore en Beauce, la Ferme VIAPORC inc. et Ferme Césy utilisent le processus par séparation.
La technologie s’applique également au traitement des eaux usées d’entreprises et de municipalités. Ainsi Purdel l’utilise également pour sa meunerie au Bic, pour le traitement de ses eaux usées. Il en est de même pour la communauté de Kipawa, située au Témiscamingue.
Par ailleurs, des entreprises relevant de l’industrie du sciage telles que Gérard Crête de Saint-Roch de Mékinac ont appliqué Biosor MD pour traiter les lixiviats provenant de résidus ligneux ou encore du secteur de l’agroalimentaire comme Volailles Giannone de Saint-Cuthbert, pour le traitement de ses effluents.
Ceci dit, il n’y a pas un site aménagé de la même façon. « Nous adaptons le système à l’entreprise. Chaque site comporte ses particularités. Certaines fermes sont conçues pour effectuer la séparation de l’urine et du lisier à la source, et je dois dire que c’est sur cette méthode que nous mettons nos énergies pour l’avenir », indique Mme Villeneuve.