Bien qu’elles envisagent leurs perspectives d’affaires avec optimisme pour l’année 2019, les entreprises du pays affirment avoir atteint leur pleine capacité. Cette situation hors du commun – la pénurie est un phénomène nouveau au Québec – les obligera entre autres à modifier la façon d’investir.
« Un plus grand nombre d’entre elles investiront dans des actifs incorporels, tandis qu’on s’attend à ce que les dépenses relatives aux actifs corporels diminuent. L’un des facteurs clés qui soutiennent cette tendance est le besoin d’adopter de nouvelles technologies pour leur permettre de rester concurrentielles dans la nouvelle économie numérique », peut-on lire dans l’étude de la BDC.
En effet, quatre entreprises sur 10 (43%) prévoient consacrer l’ensemble ou une partie de leurs investissements aux nouvelles technologies. La proportion grimpe à plus de 50% pour les jeunes entrepreneurs, les exportateurs, les entreprises à croissance élevée, les moyennes entreprises, les sociétés internationales, les entreprises en démarrage ainsi que les entreprises technologiques.
« Dans une économie de plus en plus fondée sur l’automatisation et le numérique, ce type d’actif est au cœur de la capacité des entreprises à produire des biens et à offrir des services de façon concurrentielle. D’après une autre étude de la BDC, celle-ci publiée en mai 2018, les entreprises qui réussissent le mieux investissent davantage dans des actifs incorporels, ce qui leur permet d’être plus productives et plus rentables », précise aussi le document.
Somme toute, les perspectives d’investissement demeurent bonnes pour les exportateurs grâce à la faible valeur du dollar canadien et à la forte demande des États‑Unis en matière de biens et de services canadiens, malgré certaines incertitudes relatives au commerce avec le voisin du Sud.
Le document insiste aussi sur un lien entre le manque de travailleurs et le ralentissement de la croissance des ventes d’une entreprise, puisque la situation est loin de se résorber. Toujours selon la BDC, les changements démographiques risquent d’empirer la pénurie de main-d’œuvre au cours des 10 prochaines années.
Cette situation n’a rien de surprenant puisque l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) a récemment confirmé que le Québec est l’un des moteurs de la croissance de l’emploi au Canada en 2018, avec l’Ontario, l’Alberta et la Colombie-Britannique. En effet, dans son plus récent État du marché du travail au Québec, l’ISQ avance que la province enregistre une progression de 38 900 emplois en moyenne (+ 0,9%) par rapport à 2017. Il s’agit d’une hausse pour une quatrième année consécutive. Le taux de chômage diminue sous la barre des 6% pour s’établir à 5,5% en 2018. Il s’agit du plus bas niveau observé depuis 1976.
« Au Québec, le manque de main‑d’œuvre nuit à l’investissement malgré la confiance élevée dans l’économie et les bonnes perspectives de croissance, note l’étude de la BDC. Le secteur des services et les entreprises à l’extérieur de Montréal sont particulièrement touchés par la pénurie de main‑d’œuvre et n’ont pas tous la capacité de mettre leurs plans d’investissement à exécution. D’un autre côté, les intentions d’investissement vont s’accélérer à Montréal et dans le secteur de l’exportation. »
Cette situation amène par ailleurs son lot de changements dans l’attitude des propriétaires d’entreprise, puisque la rareté de la main-d’œuvre les contraint souvent à embaucher des employés parfois moins expérimentés. Au lieu de rechercher des travailleurs qui ont de l’expérience, ces entrepreneurs se concentrent avant tout sur l’attitude du candidat et sa compatibilité potentielle avec la culture de leur entreprise. Ils comptent combler les lacunes du nouvel employé grâce à de la formation.
Toutefois, cette méthode a un prix. Le temps et les efforts supplémentaires requis afin de former des employés novices empêchent le personnel plus chevronné de se consacrer à des tâches à forte valeur ajoutée, comme le renforcement des relations avec les clients ou de nouveaux projets.
L’étude de la BDC sur les intentions d’investissement en 2019 est fondée sur un sondage téléphonique mené auprès de 4 024 propriétaires d’entreprise à l’automne 2018.
Par Alexandre Lampron