L’embarrassante déclaration du ministre canadien de l’environnement, Mme Rona Ambrose, lors de la conférence de Bonn sur les changements climatiques en mai dernier, fut l’occasion pour chacun de se découvrir une vocation écologiste. Mme Ambrose avait alors affirmé que le Canada n’avait pas l’intention de respecter ses engagements, sous prétexte que les objectifs définis étaient inatteignables.
Piètre performance, qui a surtout contribué à entacher la réputation du « plus meilleur pays du monde » (incidemment le plus grand producteur mondial de gaz à effets de serre (GES) par habitant et justement dénoncée au Québec, tant par les Péquistes que par les Libéraux.
Malheureusement, cette apparente conscience écologique apparue si subitement semble puiser ses racines, de part et d’autre, dans des intérêts d’un tout autre ordre.
Le Parti Libéral du Québec (PLQ) ne cesse de se lamenter du refus d’Ottawa de conclure une entente tenant compte de la situation particulière du Québec. Ce dernier, responsable de seulement 13% des émissions de GES au Canada fait bonne figure, comme le montrent les chiffres présentés en juin dernier dans le plan d’action sur les changements climatiques1.
Ce plan prévoit que le Québec atteindra 72% des objectifs du protocole de Kyoto, en vertu duquel chaque pays signataire devrait réduire de 5%, par rapport aux émissions de 1990, ses émissions de GES. Quant aux 328 millions qui lui avaient été promis par le gouvernement fédéral, le PLQ continue de les réclamer à hauts cris, mais se heurte à une sourde indifférence.
Rappelons que, même si l’ancien ministre de l’environnement Stéphane Dion avait jadis affirmé que le Canada serait incapable d’atteindre les objectifs de Kyoto, il avait néanmoins engagé son gouvernement dans une démarche sérieuse et consenti au Québec une aide en ce sens. Mais que peut-on espérer d’un gouvernement dont la ministre de l’environnement est la première à remettre en question l’engagement du Canada pour la réduction des GES?
Les Libéraux du Québec, certes, ne s’offensent qu’à demi de la stagnation et de l’obstination des Conservateurs dans ce dossier. Politiquement, c’est une manne sur laquelle ils capitalisent à souhait. En effet, c’est à se demander s’ils ne se servent pas du populaire dossier de Kyoto pour mousser l’indignation de la population face au méchant gouvernement fédéral, qui refuse de les appuyer dans l’application des mesures nécessaires à la réduction des GES et pour justifier, par le fait même, les délais dans leurs actions.
Quant aux mousquetaires du Parti Québécois, plus que conscients de l’importance qu’a pris le sujet de l’environnement aux yeux des électeurs, ils n’en font ni plus ni moins qu’une des nouvelles raisons fondamentales de faire la souveraineté. Un Québec souverain serait définitivement plus vert. Jacques Parizeau déjà défendait depuis quelques années une argumentation nouvelle que les sbires du Parti n’ont pas bien su s’approprier et qui consiste à choisir la souveraineté comme moyen de protection contre les lois du commerce international.
L’affirmation forte d’un pays aux valeurs claires lui aurait permis de définir les règles qu’il souhaitait voir adoptées par les instances internationales chargées de faire respecter les règles décidées, qu’il s’agisse de l’OMC ou d’autres regroupements de pays concluant des ententes de commerce international. Le fait est que personne au Parti Québécois ne paraît disposé à reprendre avec conviction le discours de l’ex-premier ministre. C’est que le sommet du G8 qui s’est tenu à Québec en 2000 avait fourni la preuve que le souci unique du Québec était de pouvoir assister aux travaux du G8 comme partenaire égal au gouvernement fédéral et non pas d’y siéger à titre d’objecteur de conscience et de défenseur des lois nationales de protection de l’environnement!
Quoi qu’il en soit, le vent d’enthousiasme exprimé par la population face à la perspective de voir atteints et réalisés les objectifs de Kyoto semble, jusqu’à maintenant, n’avoir soufflé que sur des moulins à paroles.
Nos politiques se couvrent de la vertu verte, mais ne rougissent pas suffisamment du transfert de la responsabilité des entreprises vers les citoyens, qui devront modifier des comportements et des habitudes nuisibles à l’environnement tandis que des lois laxistes et des factures peu salées autoriseront encore le secteur de l’industrie à de considérables émissions de GES.
En effet, d’après ce que prévoyait le plan d’action présenté par Ottawa en avril 2005, les contribuables seront amenés à assumer 85% du coût d’une facture de 10 milliards de dollars d’ici 2012, tandis que les entreprises n’assumeront que 15% de cette même facture2. Est-il nécessaire d’ajouter que cette répartition est loin d’être équitable, compte tenu de leurs contributions respectives aux émissions de GES?
Myrna Chahine et Manuel Roy Professeurs de philosophie Cégep Marie-Victorin