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Mar

Retour sur 2022 et perspectives économiques 2023

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Guerre, inflation, taux d’intérêt, pénurie de main-d’œuvre…

Par Eric Bérard

La mondialisation de l’économie en a pris pour son rhume en 2022. « La guerre en Ukraine, les sanctions qui en ont résulté pour la Russie et un fort ralentissement en Chine ont pesé sur la croissance mondiale des 12 derniers mois », déclarait à l’occasion de son bilan de fin d’année Pierre Cléroux, vice-président, recherche et économiste en chef de la Banque de développement du Canada (BDC).

En entrevue au Magazine MCI, Véronique Proulx, présidente-directrice générale de Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ), cite elle aussi les enjeux géopolitiques qui ont perturbé les chaînes d’approvisionnement l’an dernier.

La politique la politique zéro COVID de la Chine a particulièrement fait mal selon elle.

« Ça a mis davantage de pression sur la capacité de production de la Chine et donc sur la chaîne d’approvisionnement pour ceux qui y font affaire », déclare Mme Proulx, faisant référence aux fermetures d’usines forcées ainsi qu’à la fermeture de plusieurs ports dans l’empire du milieu.

M. Cléroux et Mme Proulx citent également l’inflation à titre d’élément économique qui a marqué l’année 2022, poussant la Banque du Canada à augmenter le taux d’intérêt directeur, qui est passé de 0,25 % à 4,25 %, avant de s’établir à 4,5 % le 25 mars 2023.

On ne peut bien sûr passer à côté de la pénurie de main-d’œuvre, qui a marqué l’économie en 2022 comme elle le fera sans aucun doute également en 2023. Pierre Cléroux souligne que la course aux travailleurs a eu incidence majeure sur les salaires.

« Ces derniers ont connu une croissance fulgurante en 2022 et tout porte à croire qu’ils augmenteront encore davantage en 2023 », dit-il au sujet des salaires, ajoutant s’attendre à une augmentation moyenne de 4 % en 2023, bien au-dessus de la tendance prépandémie de 2,7 %.

Mais les entreprises manufacturières ont pâti de la pénurie de main-d’œuvre bien au-delà de l’aspect salarial, affirme MEQ dans sa revue de 2022. « Le Québec a laissé sur la table 7 milliards $ en raison de la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur manufacturier, en raison des pertes entraînées par des contrats refusés et des retards accumulés et des pertes résultant d’investissements retardés ou annulés », dit l’organisation.

Ralentissement économique en 2023

Tous les experts s’entendent pour dire que 2023 sera marquée par un ralentissement économique. Reste à savoir l’ampleur que celui-ci prendra.

Le vice-président de la BDC préfère voir le verre à moitié plein, notamment parce que plusieurs entreprises ont modifié leurs pratiques d’approvisionnement.

« Nos sondages montrent que 88 % d’entre elles étaient rentables en octobre [2022] tandis que 69 % des PME disaient être bien préparées pour affronter un ralentissement économique ou une récession », dit M. Cléroux.

Ce climat d’imprévisibilité agace la patronne de MEQ, qui croit qu’il aura pour effet de nuire à des projets d’investissement importants, notamment en automatisation dont le secteur manufacturier a pourtant cruellement besoin dans le contexte de rareté de main-d’œuvre.

« L’inflation augmente, les taux d’intérêt augmentent, les prix des matières premières : toutes nos composantes au niveau de l’approvisionnement les prix ont augmenté, donc on a moins de marge de manœuvre, on a moins de fonds de roulement pour réinvestir », explique Mme Proulx.

Devises et protectionnisme

« Le dollar canadien restera relativement faible par rapport à la devise américaine, ce qui favorisera les exportations au détriment des importations », estime Pierre Cléroux.

Selon Mme Proulx, qui craint par ailleurs les effets nocifs de mesures américaines protectionnistes telles que l’Inflation Reduction Act, il faut sortir de la logique selon laquelle seul un dollar canadien faible par rapport à la devise américaine permet d’offrir nos produits à bon prix sur les marchés extérieurs.

Elle aimerait qu’on mise bien davantage sur l’amélioration de la productivité pour arriver au même résultat d’abordabilité.

« Il faut accélérer nos investissements dans l’automatisation et la robotisation pour être capables de faire plus avec moins de travailleurs et être capables d’offrir nos produits à des prix plus compétitifs. Il faut être moins dépendants de la variation des taux de change », affirme Mme Proulx.

Dépenses des ménages

Pour que le secteur manufacturier se porte bien, encore faut-il que les consommateurs désirent – et soient capables dans un contexte d’inflation galopante – de se procurer les produits qu’il fabrique.

Selon l’expert de la BDC, la baisse du prix des actifs, notamment des résidences, « aura un effet négatif sur les dépenses de consommation alors que le boom de la réouverture postpandémie continuera de s’atténuer. »

La présidente de MEQ estime que, en début d’année à tout le moins, les dépenses des consommateurs n’ont pas encore tellement ralenti.

« Mais c’est clair que si les ménages réduisent leur consommation, ça a un impact sur la demande des produits qui sont fabriqués ici et ailleurs. Donc ça peut contribuer à faire ralentir la croissance de nos entreprises manufacturières », dit Mme Proulx, soulignant toutefois que ces dernières ont bénéficié d’une demande très soutenue au cours des deux dernières années.

Heures travaillées et embauches

La plupart des économistes s’attendent à ce que les hausses successives des taux d’intérêt contribuent à faire reculer l’inflation, au risque toutefois d’un ralentissement économique.

Pour Pierre Cléroux toutefois, celui-ci de 2023 sera différent des précédents où, de façon classique, ralentissement égale mises à pied massives.

« Dans le contexte actuel de pénuries de main-d’œuvre, la contraction devrait davantage se traduire par une baisse des heures travaillées et un ralentissement des embauches. Le manque d’effectifs touche encore beaucoup d’entreprises. Le Canada comptait toujours environ un million de postes vacants en septembre », rappelle l’expert de la BDC.

Véronique Proulx est d’une opinion similaire, estimant que les entreprises manufacturières devront continuer de se démarquer pour obtenir la précieuse main-d’œuvre dont elles ont toujours cruellement besoin en 2023.

« Je pense que tant que la pénurie de main-d’œuvre va mettre de la pression sur le secteur manufacturier. Les gens vont vouloir être créatifs, vont mettre en place différents moyens pour être plus attractifs », dit-elle.

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