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Réduction des émissions de GES: chauffage Saint-Malo

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Chauffage Saint-Malo (CSM), producteur et distributeur de vapeur du parc industriel Saint-Malo, a été récemment vendu par son ancien propriétaire, Claude L’Heureux, qui exploitait les installations depuis 1985.

Deux ingénieurs forestiers de la région de Québec, Jean-François Côté et André Proulx, se sont associés à Mohammed (Simo) Lakhmiri, un spécialiste des centrales thermiques de la région de Montréal, pour racheter l’entreprise. La vente a été conclue dès le début de 2012, mais elle a pris du temps à se concrétiser le temps de réaliser les études environnementales sur le site.

Parallèlement aux démarches entreprises pour acheter les actifs de l’entreprise, les nouveaux propriétaires ont entrepris les démarches pour trouver le financement de leur nouvelle technologie. Le gouvernement du Québec vient d’ailleurs de leur accorder une aide financière d’un million de dollars. La Ville de Québec s’intéresse aussi au projet (voir encadré).

Grâce à cette aide financière, CSM implantera un procédé qui permet de transformer de la biomasse résiduelle en une poudre de bois, qui peut être utilisée telle quelle ou convertie en granules pour la combustion dans des fours. CSM fera aussi l’acquisition d’une presse à granules et d’un brûleur hybride (à la poudre de bois et au gaz naturel) qui peuvent tous deux s’adapter à une chaudière à combustible standard.

Une lettre d’entente a déjà été conclue avec une grande chaîne de détaillants pour écouler toute la production de granules.

Selon l’entreprise, le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) du projet et du déploiement de ses technologies ailleurs au Québec en 2022 sera de 100 000 tonnes en équivalent CO2, ce qui équivaut aux émissions annuelles de 30 000 automobiles.

« Produire une énergie moins chère et plus propre est évidemment au cœur de la mission de CSM », précise Jean-François Côté, président de l’entreprise.

CSM produit et distribue de l’énergie aux industries et bâtiments avoisinants à travers un réseau de vapeur de près de 1,5 km. Jean-François Côté confirme ses intentions d’élargir le bassin de clients, notamment auprès des deux hôpitaux du quartier Saint-Sacrement et de la Cité verte, située entre les deux (voir photo de la clientèle ci-dessus).

Biomasse sèche

MM. Côté et Proulx s’intéressent à la valorisation de la biomasse forestière depuis plusieurs années. La combustion des résidus d’usine de sciage (écorces, sciures, planures) est utilisée depuis longtemps pour alimenter les bouilloires des séchoirs de bois.

Transformer la biomasse verte en copeaux pour ensuite produire de l’énergie thermique ou alimenter une turbine dans une centrale de cogénération est également un procédé connu dans l’industrie papetière.

Quand les installations fonctionneront à pleine capacité, CSM aura besoin d’environ 15 000 tonnes vertes de biomasse. Celle-ci proviendra des écocentres de la région de Québec où sont envoyés tous les débris de type CRD (construction, rénovation et démolition).

Ces débris sont ensuite triés par un sous-traitant qui séparera la biomasse propre, par exemple le bois de palettes, et la biomasse où l’on peut trouver des contaminants comme de la peinture et des adhésifs. La poudre tirée du matériau propre servira à la production de granules, tandis que l’autre alimentera les chaudières de CSM.

Procédé unique

Le brevet du système de désintégration cinétique (KDS) Micronex appartient à la société First American Scientific Corporation (FASC) établie à Vancouver. La technologie KDS a été développée dans un laboratoire d’Hydro-Québec, raconte M. Côté.

À l’époque, on voulait transformer les boues de papetières en engrais, mais le système ne fonctionnait pas à cause de la trop grande teneur en humidité du produit.

Le procédé KDS permet d’extirper l’eau de toutes les formes de biomasse en séparant l’eau de la biomasse qui est déchiquetée par les quatre pales tournant à 1750 tours-minute. La biomasse est broyée et la teneur en humidité est réduite à 10 %.

Le processeur mesure 27 pieds de haut, mais il ne couvre que 200 pieds carrés. Le système consomme peu d’énergie et exige peu d’entretien. Il peut sécher n’importe quelle biomasse pour la transformer en engrais. On l’utilise en Malaysia pour réduire en poudre la biomasse des palmiers dont on a déjà extrait l’huile.

L’intérêt de CSM est de créer une vitrine technologique pour le procédé KDS. Les installations sont suffisamment grandes pour que CSM offre l’opportunité aux chercheurs de l’Université Laval, de FPInnovations ou d’autres laboratoires de mener divers travaux d’expérimentation, notamment pour l’utilisation d’autres types de résidus pour produire de l’énergie.

« À l’heure, le fabricant FASC a livré entre 35 et 50 processeurs KDS un peu partout dans le monde, mais il est impossible d’en voir un à l’œuvre, explique Jean-François Côté. Nous croyons énormément au potentiel de cette technologie et nous voulons que d’autres s’en inspirent. »

Comme c’est le cas pour la chaudière principale à CSM, les prochaines centrales pourraient être dotées d’un brûleur hybride qui peut tout autant brûler la poudre de bois que d’autres types de carburant (gaz naturel ou mazout).

Prix et concurrence

L’approvisionnement en biomasse et le conditionnement représente environ 70 % du coût de production des granules, selon M. Côté. Transformer ainsi des rebuts de démolition en granules coûte moins cher que d’utiliser la biomasse forestière. La production énergétique à base de poudre de bois demeure concurrentielle malgré le prix très peu élevé du gaz naturel.

Le prix actuel du gaz naturel est à son plus bas en Amérique du Nord. Il coûte deux fois plus cher en Europe et trois fois plus en Asie. « À moyen terme, les analystes prévoient que le gaz naturel deviendra un produit de commodité dont le prix sera le même partout dans le monde », précise l’entrepreneur.

Le brûleur à granules pourrait être employé pour alimenter des centrales thermiques et fournir de l’énergie et de la chaleur pour des installations situées en régions éloignées qui ne seront jamais desservies par le réseau gazier. Souvent, comme on le voit dans les villages isolés du Nunavik, l’électricité est produite par des centrales de combustion au mazout.

Aide du programme Technoclimat

Le ministre du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation et ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale, Sam Hamad, a confirmé l’octroi d’une aide financière de 1 M$ à Chauffage St-Malo le 20 juillet dernier. Il en a fait l’annonce au nom de son collègue Clément Gignac, titulaire du ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF). L’argent provient du programme Technoclimat géré par le Bureau de l’efficacité et de l’innovation énergétiques.

Ce programme, qui découle du Plan d’action 2006-2012 sur les changements climatiques, a pour objectif de financer des projets innovateurs de démonstration qui doivent viser une réduction des émissions de GES au Québec, présenter un bon potentiel de réplication et de commercialisation et être réalisés au Québec. « Le projet de l’entreprise Chauffage Saint-Malo servira de vitrine technologique à toutes les industries et institutions du Québec pour lesquelles il y a un potentiel de transfert technologique », souligne le ministre Hamad. Son collègue Clément Gignac ajoute que « le programme Technoclimat est un outil important pour soutenir les projets de démonstration des technologies vertes visant la réduction des émissions de GES ».

Le maire de Québec, Régis Labeaume, se réjouit de l’investissement. « La Ville de Québec encourage ce type d’innovation. J’espère que le projet de Chauffage Saint-Malo incitera d’autres industries de la région à réduire leur empreinte écologique. Au cours des prochaines années, de plus en plus d’éléments seront construits selon les principes du développement durable. Je souhaite que ces nouvelles sources d’énergie deviennent une signature pour la ville de Québec », a conclu le maire Labeaume.

Dans son communiqué, la Ville applaudit aussi à la vision des promoteurs de produire davantage de chaleur, notamment en approchant des serriculteurs pour qu’ils s’installent sur les toits plats des bâtiments inoccupés du parc industriel.

Alain Castonguay

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