Par Eric Bérard
À la fin du XIXe siècle, alors que l’humanité commençait à peine à envisager l’utilisation de l’électricité à titre d’énergie de masse, les grands cerveaux qu’étaient Nikola Tesla et Thomas Edison s’affrontaient sur la meilleure manière de l’utiliser.
Le premier penchait vers le courant alternatif, tandis que le second n’en avait que pour le courant continu.
Comme c’est souvent le cas dans pareils conflits scientifiques, il s’est avéré que tous deux avaient raison, chacun des modes de transmission ayant ses avantages et ses limites.
De nos jours encore, il faut déployer des trésors d’ingénierie pour convertir l’un de ces courants vers l’autre type, et c’est le défi que relève Hitachi Énergie Canada, qui a pour mandat de voir à ce que le courant d’Hydro-Québec exporté vers la ville de New York depuis le poste Hertel, à La Prairie sur la Rive-Sud de Montréal, soit sous la forme adéquate pour servir les consommateurs de la Grosse Pomme.
L’électricité sera transportée sur un peu plus de 600 km, les lignes étant parfois souterraines et parfois sous-marines. Hitachi va construire un poste de conversion au point de départ au Québec afin de transformer le courant alternatif en courant continu, mieux adapté au transport sur de longues distances puisqu’il perd moins d’énergie en cours de route.
Puis, à Astoria dans le Queens à New York, un autre poste de conversion sera érigé pour le compte de l’organisation américaine Transmission Developers, cette fois afin de ramener le courant continu en format courant alternatif adapté aux besoins des utilisateurs finaux.
En entrevue au Magazine MCI, la directrice des relations gouvernementales et institutionnelles d’Hitachi Énergie Canada, Christine Martin, explique que la technologie de transmission de courant continu à haute tension (CCHT), mise au point par la firme qu’elle représente, est au cœur de ce grand projet.
Le cerveau, c’est la plateforme de commande numérique MACH, que Mme Martin décrit comme une série de logiciels qui servent à contrôler le réseau de 1250 MW.
« C’est assez pour fournir les besoins d’un million de résidents », précise-t-elle.
Des tonnes de GES en moins
Le projet d’exportation d’électricité renouvelable permettra de réduire les émissions de CO2 de l’ordre de 3,9 millions de tonnes métriques en moyenne par année, ce qui équivaut au retrait de 44 % de véhicules automobiles de la ville de New York.
Mais pour y arriver, il faut savoir contrôler les perturbations dans le réseau, causées notamment par les variations de puissance provenant de source comme l’éolien ou le solaire, tributaires des aléas de la nature comme la puissance des vents et les conditions d’ensoleillement.
« Les ordinateurs et les logiciels qu’on a développés avec le MACH, ça réagit très rapidement, en temps réel, ça supervise le réseau et ça offre à la fois contrôle et protection », explique Mme Martin.
« En mettant un système CCHT, ça protège ton réseau, ça rend le réseau presque imperturbable », ajoute-t-elle.
Pour illustrer son propos, notre experte invitée donne l’exemple du black-out de 2003 dans le nord-est des États-Unis, qui avait connu un effet domino, les réseaux rendant l’âme l’un après l’autre. « Au Québec on n’a pas été affectés parce que le CCHT a permis d’éviter ça », souligne Mme Martin.
Des perturbations peuvent également être créées par des variations soudaines de la demande d’énergie par les consommateurs, notamment industriels. « Par exemple une grande industrie où il y a des fours à arc, de gros moteurs, de grosses charges industrielles en somme, ça envoie une charge sur le réseau. Quand tu l’allumes et que tu l’éteins, ça crée des perturbations sur le réseau », explique l’experte.
Étroite collaboration
Hitachi Énergie et Hydro-Québec travaillent main dans la main afin d’assurer la réussite du projet. « L’expertise est des deux côtés. Eux vont spécifier exactement les besoins, et nous on va construire le système en conséquence. Des deux côtés on fait des études. Il y a une longue phase d’ingénierie où les gens travaillent ensemble », dit Mme Martin.
L’équipement requis peut être imposant. Certains transformateurs font un poids d’environ 280 tonnes et peuvent gérer 735 000 volts. Rien à voir avec celui derrière votre maison au sommet du poteau d’Hydro-Québec.
Ces méga transformateurs sont fabriqués à l’usine Hitachi de Varennes, au Québec. « C’est parmi les plus gros transformateurs au monde. Il n’y a que quelques usines dans le monde qui fabriquent ce genre de transformateurs pour les systèmes CCHT », explique fièrement la porte-parole d’Hitachi Énergie.
La connexion internationale entre le Canada et les États-Unis amène également son lot de défis, puisque la région de New York est à 765 kV alors que le réseau québécois est à 735 kV.
« Tu ne peux pas juste les brancher ensemble. Ce sont deux réseaux de la même fréquence, 60 Hertz (Hz), mais ils ne sont pas synchronisés », dit Mme Martin, expliquant que le point d’interconnexion nécessite une forme d’adaptateur. C’est aussi là qu’intervient Hitachi Énergie Canada.
Emplois et expertise
Des projets d’une ampleur pareille ne peuvent qu’avoir un impact positif sur la création d’emplois de qualité et du développement d’une expertise de pointe chez nous.
« Ce sont de gros projets qui ont de gros impacts. Quand on a un gros projet comme ça, c’est certain que le nombre d’emplois est en hausse », explique Mme Martin. Et l’expertise est de classe mondiale puisque Hitachi est présente partout sur le globe et que les gens d’ici sont en contact étroit avec leurs collègues d’ailleurs sur la planète, certains composants pouvant également provenir de pays comme la Suède ou la Suisse.
« C’est une expertise globale et une équipe locale », résume Mme Martin.
Cette équipe, c’est environ 1000 personnes au Canada, dont plus de la moitié sont installées au Québec.
Il y a le siège social canadien de Ville Saint-Laurent où œuvrent environ 150 experts de spécialités diverses, dont la recherche et le développement. Puis, l’usine de transformateurs haute puissance de Varennes où travaillent plus de 300 personnes. La multinationale est également présente à Québec, avec une usine où une centaine de personnes veillent à la production de transformateurs de calibre résidentiel.
Bref, une empreinte corporative qui grandit pour Hitachi Énergie chez nous, tout en réduisant une autre empreinte, carbone celle-là, des centrales électriques américaines alimentées aux énergies fossiles.
Votre entreprise a réalisé un projet d’envergure? Ou infiniment petit, infiniment ingénieux? Modernisé son usine de façon inédite? Vous en avez gardé des photos de bonne qualité? Faites-nous parvenir un courriel à eric.berard@videotron.ca avec une brève description de cette réalisation et vous aussi pourriez être mis en vedette dans MCI, c’est entièrement gratuit.
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