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Oct

Pétrole à Anticosti : un cadeau empoisonné?

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Peu de gens oseraient dire qu’ils sont délibérément contre l’environnement ou encore contre le développement économique. Malgré tout, il semble bien difficile de mettre ces deux enjeux sur un même pied d’égalité. Beaucoup présenteront l’un comme prioritaire à l’autre. Évidemment, ces subordinations d’un développement à l’autre ne ratent jamais de semer la controverse au passage!

C’est un peu ce qui se passe dans le débat entourant l’exploration de pétrole sur l’île d’Anticosti. D’un côté comme de l’autre, l’on tente de faire valoir pourquoi la vision économique ou écologique devrait être prioritaire. Que l’alternative, au fond, est minime. Jusqu’à ce que la discussion tourne autour d’un calcul coûts/bénéfices et que l’on ajuste sa conclusion personnelle à la mathématique.

La responsabilité post-extraction

Un aspect bien souvent négligé du calcul est la question de la responsabilité une fois le pétrole complètement amassé. Étant donné la nature non-renouvelable de la ressource, l’attitude durable prescrivant le long terme urge à tout le moins de prendre en compte cet aspect de l’ « après » extraction.

En d’autres termes, les trous à reboucher une fois la terre vidée de son pétrole, qui s’en occupera? Qui s’occupera de la décontamination des sols et des coûts indirects reliés aux effets de la pollution sur la santé? Ces facteurs, de par leur nature flous, incertains et parfois difficilement mesurables, peuvent pourtant peser énormément dans ce qui répondra à la question : le risque en vaut-il la chandelle?

Avant de penser aux précieux emplois pour cette population précaire, avons-nous pensé que sans la restauration des terrains, de la faune et de la flore, l’économie de cette communauté insulaire principalement basée sur la chasse, la pêche et le tourisme ne pourra pas reprendre? Une responsabilité consistant à remplacer le capital qui a été perdu.

L’intervention de l’État

Par ailleurs, les incertitudes, les risques très graves souvent mis de côté sous prétexte qu’ils ne sont qu’un risque, comment arrive-t-on à les intégrer au calcul?

Un environnementaliste vous répondrait par la règle d’or : le principe de précaution. Une règle d’autant plus nécessaire si le gouvernement qui s’en est occupé a démontré un manque de transparence dans le dossier.

De fait, la conciliation entre le développement économique et le développement durable est plus difficilement envisageable sans l’intervention de l’État, pour au moins une raison incontournable : l’imposition de standards comme incitatifs à investir dans le développement durable.

Ironiquement, un point crucial qui a été beaucoup critiqué du gouvernement libéral dans la gestion du dossier est son laisser-faire étatique.

L’impressionnante Norvège

Est-il réellement possible, voire même souhaitable, pour un État d’accorder économie et environnement? Il semble qu’à tout le moins, la Norvège soit un cas extrêmement intéressant dont le Québec tirerait profit à s’inspirer. En plus de compter parmi les pays les plus riches au monde et d’avoir un taux de chômage très bas, ce pays scandinave réussit en plus à obtenir le rang premier au classement de l’Indice de développement humain.

Un pays social-démocrate réussissant à développer sa production énergétique vers des technologies respectueuses de l’environnement grâce à une véritable coopération entre les autorités et le secteur des entreprises.

Autre fait à noter : malgré que leurs programmes sociaux dépendent jusqu’à un certain point de ce que peut rapporter comme recettes le pétrole à l’État, les Norvégiens ont tout de même déjà opté pour un moratoire sur l’exploration pétrolière en certaines circonstances.

Le lieu en question se situe aux îles Lofoten et les principales raisons évoquées pour la tenue du moratoire consistent à dire que cet archipel possède un écosystème particulièrement fragile et dont le revenu de la population locale est essentiellement basé sur la pêche et le tourisme. Ça vous rappelle un endroit?

Au moment d’écrire ces lignes, les élections provinciales n’ont pas encore eu lieu. À tout le moins, une chose est certaine : considérant ce qu’en coûteront toutes les promesses électorales qui ont été faites tout au long de cette campagne, quel que soit le prochain gouvernement, celui-ci pourrait gagner énormément en s’inspirant du modèle norvégien de conciliation économique et environnemental.

Car, sans cet effort de vouloir encadrer la gestion de nos ressources collectives ainsi que de procéder à une évaluation environnementale en bonne et due forme, cet espoir pourrait bien devenir un cadeau empoisonné.

Emmanuelle Gauthier-Lamer Étudiante, Université de Montréal

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