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Perspectives énergétiques canadiennes 2021 : horizon 2060

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L’Institut de l’énergie Trottier de Polytechnique Montréal, en collaboration avec le Pôle e3c de HEC Montréal et la firme ESMIA, vient de publier une étude sur les Perspectives énergétiques canadiennes 2021 : horizon 2060, qui a pour but de projeter l’évolution de la production et de la consommation d’énergie ainsi que des émissions de gaz à effet de serre (GES) du Pays.

Pour mieux mesurer les impacts des stratégies de réduction, l’étude a comparé des scénarios de transformation s’étalant sur les quarante prochaines années, selon que le Canada atteigne la carboneutralité en 2045, 2050 ou 2060. Cet exercice de modélisation énergétique est fondé sur la description technologique la plus riche en la matière au pays.

Priorisation du secteur énergétique

Le Canada s’est donné des objectifs exigeants en matière de réduction de GES. Ainsi, puisqu’il est à lui seul responsable de plus de 80 % des émissions, le secteur énergétique doit être ciblé comme secteur à décarboner en priorité. Sachant qu’il compte pour 10,2 % du PIB et que les Canadiens sont fortement énergivores en arrivant au 2e rang des plus grands consommateurs par habitant parmi les pays membres de l’OCDE, sa transformation s’annonce déterminante pour l’avenir du pays.

Pour assurer la réussite d’une transition énergétique et technologique qui se veut sans précédent, les chercheurs indépendants se sont tournés vers la modélisation. Ils ont analysé les voies d’actions possibles pour atteindre la carboneutralité au Canada et ont évalué le coût et l’impact de diverses trajectoires au niveau national et province par province, tenant compte des importantes différences entre les profils énergétiques de celles-ci.

« L’objectif, c’est de donner l’heure juste et de proposer le chemin à suivre pour atteindre nos cibles dans les temps. Les analyses, fondées sur des données probantes, pourront guider les politiques et les investissements. Pour cela, il faut absolument que les décideurs politiques s’approprient les résultats. », souligne M. Simon Langlois-Bertrand, chercheur à l’Institut de l’énergie Trottier de Polytechnique Montréal et auteur principal du rapport.

L’objectif de carboneutralité change tout

La conclusion la plus forte du rapport est que l’objectif de carboneutralité affecte en profondeur la nature de la transition. Maintenant que les solutions technologiques qui ne réduisent que partiellement les émissions sont écartées, les énergies dites « de transition », comme le gaz naturel, sont foncièrement incompatibles avec l’objectif « net zéro » et doivent par conséquent être évitées dès maintenant.

De même, devant l’ampleur du défi, il est économiquement nécessaire d’éliminer d’abord les émissions de GES partout où c’est possible et de réserver la capture et la séquestration de GES aux secteurs impossibles à décarboner, tels que l’agriculture et certains procédés industriels.

L’atteinte des objectifs climatiques est encore possible

D’un point de vue purement technico-économique, la transformation est réalisable et économique, affirment les auteurs. Bien que l’ensemble des implications de la décarbonation complète est impossible à prédire, le coût projeté de cette opération pour l’économie canadienne diminue rapidement, à mesure que les technologies progressent. Alors que le coût marginal de la dernière tonne pour une décarbonation de 65 % de l’économie canadienne d’ici 2050 devait être supérieur à 1 100 $ dans l’édition 2018 de ce rapport, les projections actuelles estiment que le coût marginal de la décarbonation de 80 % et de 100 % de l’économie canadienne d’ici 2050 serait de 400 $ et 1 100 $, respectivement.

Avec des améliorations technologiques rapides et des mesures appropriées appliquées avec diligence, l’atteinte de la carboneutralité pourrait même s’avérer rentable.

Le leadership et le pouvoir d’action reviennent à l’État

Au cours des dernières années, les gouvernements au Canada ont dépensé des milliards de dollars dans la transition énergétique avec relativement peu de résultats. Les Perspectives énergétiques 2021 montrent que cet échec peut être évité à condition que les gouvernements agissent avec stratégie et audace pour forcer des transformations en profondeur, en acceptant les risques d’échec, plutôt que de jouer à la marge des approches établies.

Par quels secteurs commencer?

Dans une perspective d’optimisation des coûts, l’atteinte des objectifs de réduction des GES d’ici 2030 doit passer par des réductions importantes liées à la production d’électricité, aux émissions industrielles et commerciales et à celles du secteur pétrolier et gazier. Les gouvernements devront fixer des objectifs et élaborer des programmes sectoriels spécifiques pour chacun des secteurs susmentionnés.

  • Bâtiment : Le secteur du bâtiment présente le meilleur potentiel de transformation (réductions possibles de GES de 32 % en 2030 par rapport à 2016, et de 97 % en 2050). Sur le plan du chauffage des locaux, d’importants gains peuvent être réalisés à court terme grâce au remplacement des systèmes alimentés aux combustibles fossiles par l’électricité. De plus, une réglementation qui impose la carboneutralité des nouveaux bâtiments et encourage une meilleure isolation du bâtiment existant ainsi qu’une transition massive vers des pompes à chaleur électriques sera déterminante.
  • Transports : Le transport sera le secteur le plus difficile à décarboner. Bien qu’elles soient au cœur des efforts de réduction des émissions de GES, les transformations qui y sont requises sont difficiles et prendront du temps en raison des coûts plus élevés, des besoins de développement d’infrastructures lourdes et des défis technologiques liés au transport de marchandises. Il faudra plus qu’une décennie pour que les efforts de décarbonation de ce secteur aient un impact notable.
  • Industrie : Les résultats de la modélisation montrent que la décarbonation de l’industrie nécessite un mélange de solutions technologiques incluant, mais sans s’y limiter, le captage des émissions de carbone. Ces solutions comprennent : l’innovation technologique, le changement de combustible, le changement de produit, le captage des émissions et une part importante de la production d’énergie à partir de biomasse couplée au captage et à la séquestration du carbone (BECCS).
  • Agriculture : L’agriculture présente une capacité de réduction globale des GES d’au mieux 31 % d’ici 2050 dans les scénarios carboneutres. Les trajectoires explorées suggèrent que le secteur sera responsable d’un tiers de toutes les émissions restantes d’ici 2050. À moins de changements drastiques dans les méthodes et les quantités de production, ces émissions ne peuvent être évitées et ne peuvent être captées sur site. C’est un domaine où des recherches considérables devront être menées pour examiner le potentiel d’une meilleure gestion de l’utilisation des terres, des changements alimentaires et des méthodes de production alternatives.

Au niveau du gouvernement et de la population, l’étude nous permet de conclure qu’il sera important que les gouvernements concentrent leurs actions en premier lieu sur le front industriel et commercial. Le rôle des actions quotidiennes des citoyens et citoyennes dans l’atteinte des objectifs climatiques est, pour l’instant, limité à quelques secteurs. Moins de 20 % de toutes les émissions de GES peuvent être directement attribuées aux choix directs de la population, y compris le chauffage résidentiel (6 %) et le transport personnel (véhicule individuel 11 % et avion 1 %).

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