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Perspectives économiques 2024 : croissance, taux d’intérêt, inflation, investissements, main-d’œuvre, taux de change…

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Par Eric Bérard

« Tenez bon ».

Si on devait résumer en deux mots ce que les grands analystes prévoient pour l’avenir économique du Québec en 2024, ce serait ceux-là. Pas « tout va bien aller », mais quelque chose comme « encore un petit effort et le pire sera passé ».

C’est ce que nous retenons après avoir passé en revue les réflexions que le magazine MCI a recueillies auprès de Mia Homsy, vice-présidente main-d’œuvre et intelligence économique chez Investissement Québec et de Pierre Cléroux, vice-président de la Banque de développement du Canada (BDC)

Croissance

Selon Mme Homsy, l’économie d’ici a connu une forte croissance après l’arrêt presque complet de la pandémie, croissance suivie d’un ralentissement que l’on ressent toujours. Elle parle ni plus ni moins que de stagnation.

Mais une récession ne serait pas sur le radar. Selon l’experte d’Investissement Québec, la croissance de l’économie du Québec en 2024 devrait se situer dans une fourchette allant de 0,6 % à 1 %. Situation similaire à l’échelle canadienne puisque Pierre Cléroux table sur une croissance de 0,9 % du PIB au pays en 2024.

La bonne nouvelle c’est que cette croissance serait appelée à se poursuivre puisqu’on pourrait viser 1,7 %, mais pas avant 2025. Croissance modeste, mais croissance tout de même.

L’embellie devrait commencer à poindre vers juin ou juillet 2024. « L’activité devrait toutefois s’améliorer en deuxième moitié d’année, une fois que les taux d’intérêt commenceront à baisser », observe M. Cléroux.

Taux d’intérêt

Mia Homsy va dans le même sens. Elle fait valoir qu’il faut de 12 à 24 mois avant que la hausse des taux d’intérêt fasse sentir son effet sur une économie inflationniste. À la fin décembre 2023, elle estimait donc elle aussi que c’était une question de mois avant que cet effet signale à la Banque du Canada que le temps est venu d’envisager une baisse graduelle des taux.

Les conditions de crédit sont une donnée cruciale pour le secteur industriel, qui doit emprunter pour acquérir de la machinerie ou financer des projets de modernisation ou d’expansion.

« Même si l’économie devrait profiter d’un environnement plus prévisible, les taux d’intérêt élevés continueront de peser sur la vigueur de l’activité économique », analyse l’expert de la BDC, selon qui on ne peut espérer un taux directeur à 2,5 % (il est présentement à 5 %) avant 2025.

Il tempère toutefois ses propos en disant que des tensions géopolitiques – comme le conflit qui s’éternise entre l’Ukraine et la Russie – pourraient fausser le marché de l’énergie et redonner de l’élan à l’inflation, ce qui refroidirait de nouveau les banques centrales.

Les taux élevés actuels ne touchent pas que les ménages et les entreprises. Les gouvernements se sont lourdement endettés au cours des derniers mois et années. Conséquence : le service de la dette accapare une part plus importante de leurs budgets.

« Ce que ça veut dire, c’est que les gouvernements ont très peu de marge de manœuvre », résume Mme Homsy.

Inflation

L’inflation et les taux d’intérêt vont de pair en économie puisque la montée des taux vise à calmer la surchauffe inflationniste.

Le vice-président de la BDC croit que la situation est appelée à s’améliorer, les hausses de taux ayant déjà faire leur œuvre selon lui.

« Nous nous attendons à ce que l’inflation continue de baisser et reste comprise entre 2 % et 3 %. Nous ne pensons pas qu’une inflation stable de 2 % sera atteinte avant la fin de 2024 », dit M. Cléroux.

L’économiste d’Investissement Québec prévoit elle aussi un dégonflement de l’inflation, du même ordre que celui énoncé par son collègue de la BDC.

Mme Homsy met toutefois un bémol. Il faudra selon elle surveiller l’incertitude des gens par rapport à leur emploi. Parce que s’ils se mettent à dépenser moins, cela pourrait causer une contraction de l’économie.

Investissements et productivité

Cela peut paraître contre-intuitif, mais une période économique au point mort comme en ce moment est l’occasion idéale d’investir pour accroître sa productivité.

« L’adoption de nouvelles technologies peut contribuer à stimuler la productivité et à améliorer la compétitivité. Les entreprises qui agissent maintenant seront en meilleure position pour tirer parti du redémarrage de l’économie », dit M. Cléroux.

Ces paroles trouvent écho chez Investissement Québec. « La pire chose à faire c’est d’arrêter, c’est de ne rien faire, de retenir son souffle puis d’attendre que ça passe. Parce que pendant qu’on fait ça, il y en a d’autres qui avancent », lance Mme Homsy. Il vaut donc mieux prendre les mesures nécessaires pour être au-devant de la parade lorsque la reprise sera au rendez-vous.

D’autant plus que les gestionnaires ont plus de temps à consacrer à leur planification de réorganisation. Pendant la période de croissance effrénée, ils travaillaient des heures impossibles pour tenter de soutenir le rythme des commandes, surtout en contexte de pénurie de main-d’œuvre.

Ils et elles peuvent maintenant souffler et faire le point, notamment sur des stratégies de numérisation qui peuvent à la fois réduire le besoin en main-d’œuvre et redonner du moral à celle qu’on a.

« Plus tu es automatisé, plus les gens ont un sentiment qu’ils font quelque chose à valeur ajoutée », illustre Mia Homsy.

La première moitié de 2024 serait également un bon moment pour envisager des projets permettant de réduire l’empreinte carbone des entreprises manufacturières.

Pas seulement parce que ça fait joli dans les publicités, mais parce qu’omettre de le faire pourrait signifier perdre des contrats auprès de donneurs d’ordres de plus en plus sélectifs, dans un contexte où les changements climatiques ont commencé à perturber les chaînes d’approvisionnement.

« La tendance s’amplifie. C’est un mouvement qui est inévitable, la transition énergétique est là. Le coût du carbone, c’est une notion qui fait partie de la réalité économique. Ça va augmenter, donc préparez-vous maintenant », prévient Mia Homsy.

Main-d’œuvre

Le ralentissement actuel fait en sorte que les entreprises reçoivent un peu plus de CV lorsqu’ils affichent un poste. C’est bien, mais ça ne durera pas selon nos experts. « Le vieillissement de la population continuera toutefois de rendre l’embauche plus difficile pendant des années », dit le vice-président de la BDC.

Même son de cloche chez Investissement Québec, alors que Mme Homsy souligne que les baby-boomers quittent le marché du travail à un rythme de 100 000 personnes par année tandis que les jeunes ne sont que 50 000 par année à joindre le marché du travail d’ici. Ce déséquilibre devrait perdurer jusqu’à la fin de la présente décennie.

De là l’importance, dit-elle, de faire des efforts de rétention auprès des employés de 55 ans et plus afin de les garder en emploi, par exemple en leur offrant d’ajuster leurs conditions et horaires de travail.

Dollar à 75 cents

Une stabilité des taux de change en Amérique du Nord est à prévoir en 2024, estime Pierre Cléroux, qui table sur un dollar canadien se maintenant dans une fourchette de 72 à 75 cents par rapport à la devise américaine.

« Le dollar américain restera fort par rapport à la plupart des autres devises, y compris le dollar canadien. Un huard plus faible pourrait rendre les exportations canadiennes moins chères », analyse le vice-président de la BDC.

L’économiste d’Investissement Québec dit qu’elle gardera elle aussi un l’œil attentif sur ce qui se passe au sud de la frontière. Les gendarmes autoproclamés de la planète sont vulnérables aux tensions géopolitiques et, en année électorale pour la présidence, l’adoption du budget fiscal des États-Unis risque de ne pas passer comme une lettre à la poste.

Tenez bon, le pire sera bientôt derrière nous.

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