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Feb

Pas de récession en vue, mais un ralentissement, croit la BDC

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Les entrepreneurs québécois devraient-ils être optimistes ou pessimistes par rapport aux perspectives économiques pour la nouvelle année 2020? Selon Sylvie Ratté, économiste principale à la Banque de développement du Canada (BDC), rencontrée par le Magazine MCI le 6 novembre dernier, les projections économiques s’annoncent globalement assez positives pour le Canada et le Québec. Une attention très particulière devra toutefois être portée aux tensions commerciales qui caractérisent présentement l’économie américaine et à leurs impacts chez nous.

Mme Ratté croit que la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, qui perdure depuis déjà quelques mois, pourrait avoir des répercussions au Canada et au Québec, car le poids des barrières commerciales est passé de 1 % de l’économie mondiale à 8 % en l’espace de 10 ans. Il faut également garder un œil attentif à l’élection possible d’une nouvelle administration en 2020, qui pourrait aussi avoir pour effet de ralentir l’économie.

De plus, Mme Ratté dit remarquer un ralentissement de la production manufacturière un peu partout sur la planète et la situation n’est pas étrangère chez nos voisins du Sud. Les chaînes de valeur se polarisent et ont pour effet que les marchés entrent dans une phase de ralentissement et, donc, ont une influence sur le prix des matières premières.

« Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit une croissance mondiale de 3 %. C’est positif, mais cela commence à être inquiétant. C’est avant tout un avertissement qu’il fait à tous les pays pour les inciter à s’entendre et à résoudre leurs problèmes commerciaux. C’est évident que dans une économie où les partenaires commerciaux sont capables de travailler ensemble et de résoudre des problèmes de façon coopérative, nous en sortons tous gagnants et la croissance mondiale pourrait être plus élevée », explique l’économiste de la BDC.

Une croissance au ralenti

Pour le Canada, Sylvie Ratté soutient que le fait que notre l’économie soit très diversifiée joue grandement en notre faveur. L’économie va globalement très bien au pays, « mais nous ne sommes pas isolés », précise-t-elle. Par sa position géographique, le Canada se trouve dans un contexte où le potentiel économique est un peu plus faible et risque de l’être à nouveau en 2020, en raison de ce qui se produit aux États-Unis.

La moyenne des prévisions économiques prévoit 1,5 % de croissance pour l’année 2019 et un peu plus en vue de 2020, alors que le Québec va croître à 2,4 % en 2019. Cela peut sembler faible, mais Mme Ratté rappelle toutefois que « le potentiel de croissance tourne autour de 1,5 % ».

Ces données viennent rejoindre celles dévoilées en novembre dernier par le ministre des Finances du Québec, Éric Girard, dans sa mise à jour économique et financière. En effet, en dépit du contexte international, l’activité économique au Québec devrait demeurer somme toute dynamique, et ce, malgré un ralentissement prévu en deuxième moitié de 2019 et en 2020.

« La progression du PIB réel devrait s’établir à 2,4 % en 2019 et à 1,8 % en 2020, après avoir atteint 2,5 % en 2018. Il s’agit de révisions à la hausse de 0,6 point de pourcentage pour 2019 et de 0,3 point de pourcentage pour 2020 par rapport à la prévision de mars 2019 », avait annoncé le ministère en novembre dernier.

Les économistes de la division « Marchés des capitaux » de la Banque de Montréal (BMO) prévoient aussi des prévisions optimistes, selon leur analyse favorable de la conjoncture économique et budgétaire au Québec qui se retrouve dans l’édition du bulletin Provincial Monitor publié au début du mois de décembre.

Son économiste principal, Robert Kavcic, croit que « l’économie québécoise demeure forte alors qu’elle connaît sa meilleure performance en 15 ans, avec une croissance du PIB qui devrait se conclure à 2,3 % en 2019, la plus forte parmi les provinces au Canada ».

Pour 2020, la BMO croit que le tout ralentira autour de 1,7 %, mais cela demeure tout de même « un taux de croissance solide », alors que les conditions économiques s’annoncent encore favorables à l’emploi, aux investissements et au marché immobilier au cours de la prochaine année.

Le secteur pétrolier, les tensions commerciales entre les pays ainsi que l’incertitude caractérisent en ce moment l’économie canadienne et font en sorte que la croissance soit un peu plus faible que les prévisions l’avaient anticipé. Ces mêmes éléments risquent par ailleurs d’avoir une incidence sur les perspectives économiques de 2020, précise aussi la BDC.

« Bien malin celui ou celle capable de prévoir ce qui arrivera avec le prix du baril de pétrole dans les prochaines années, mais nous pensons que les forces en présence, l’offre et la demande, feront en sorte que le tout continuera à se stabiliser autour du prix actuel, soit 55 $ le baril. Les perspectives sont néanmoins intéressantes, mais il existe des enjeux très importants, surtout dans l’Ouest canadien », avance Sylvie Ratté.

Une conjoncture positive

Selon la BDC, le marché de l’habitation, les exportations ainsi que les gouvernements qui investissent sont des points positifs qu’il est important de souligner afin d’expliquer notre bonne performance économique. Les chiffres dévoilés l’automne dernier par l’organisme Montréal International ont montré, par exemple, que la région de Montréal s’illustre avec la plus forte croissance économique du Canada depuis 2018. Avec une croissance de 5,6 % de l’emploi total entre 2016 et 2018, elle s’est glissée en 3e place des 20 plus grandes métropoles du Canada et des États-Unis.

« Cette forte création d’emplois au sein de la métropole s’explique notamment par le dynamisme de ses secteurs technologiques. En effet, sur la même période, l’emploi dans les secteurs de haute technologie a augmenté de 9,1 %, ce qui positionne Montréal au 2e rang du top 20, devançant ainsi d’importants marchés tels que San Francisco, Los Angeles, Seattle et New York », soutient l’organisme.

La création d’emploi soutient du même coup les dépenses de consommation. Parce que la consommation représente à elle seule plus de 60 % de notre croissance économique, « c’est un indicateur important qui a un effet d’entraînement dans tous les secteurs », ajoute aussi l’économiste de la BDC.

Par ailleurs, diverses mesures ont été mises en place au Canada dans les derniers mois pour restreindre les investissements dans l’immobilier à cause de la surchauffe du secteur vu du côté des grandes villes comme Vancouver et Toronto, mais moins à Montréal. Ces mesures pourraient aussi avoir une incidence en 2020.

Une croissance inégale au Canada

Sylvie Ratté souligne également que la croissance est cependant très inégale d’une région à l’autre au pays. De sa propre analyse, Mme Ratté avoue du même souffle que c’est que le Québec fait figure de champion, un phénomène assez rare dans l’histoire économique du Canada. En effet, c’est au Québec où la croissance est la plus forte au pays, ce qui est de bon augure pour l’année 2020 qui approche.

« Ce sont surtout les secteurs de l’aéronautique et du transport, principalement liés au secteur manufacturier, qui vont bien, et qui ont des effets très positifs sur les exportations québécoises, affirme Mme Ratté. Ce à quoi nous assistons présentement au Canada, c’est un déplacement de notre activité économique dans les dernières années, de l’Ouest vers les provinces centrales, et le Québec bénéficie énormément de la conjoncture actuelle. »

Le secteur manufacturier québécois performe mieux qu’en moyenne au Canada, ajoute-t-elle. Le Québec possède un secteur manufacturier diversifié, très performant, ce qui est un avantage en soi. La BDC a par ailleurs fait plusieurs études sur le secteur manufacturier, sur le virage numérique, l’automatisation, et les conclusions sont parfois surprenantes.

« Souvent, certains pensent qu’au Québec, nous sommes en retard, mais nous ne sommes pas si en retard que cela, de manière générale. Nous voyons plutôt que les entreprises québécoises performent très bien par rapport à leurs concurrents du même secteur dans les autres provinces, et c’est très positif », déclare l’économiste.

D’autre part, il faut rappeler que le taux de chômage est historiquement bas au Québec. Il existe en fait des régions qui atteignent le cap du 3 %. Cela fait en sorte que les salaires commencent à monter de manière plus significative et que les consommateurs québécois sont plus confiants.

Il y a également un effet stimulant de la part des gouvernements. Le Plan québécois des infrastructures (PQI) du gouvernement du Québec, par exemple, qui s’échelonne sur une période de dix ans, démontre que les investissements prévus aux infrastructures sont à la hausse.

La pénurie de main-d’œuvre à surveiller

Le problème que génère cette activité économique comme nous la vivons en ce moment, c’est la pénurie de main-d’œuvre. Cela fait déjà un bout de temps que cette expression est sur toutes les lèvres, mais des entrepreneurs continuent néanmoins de douter de son existence.

Aux dires de la BDC, c’est pourtant le principal élément qui limite la croissance, ce qui fait que les taux de croissance du PIB ne sont pas plus forts. À ce jour, selon Sylvie Ratté, le nombre de postes vacants atteint 140 000 au Québec seulement, et avec le taux très faible de croissance de la population active des 15 – 64 ans dans les années à suivre, le Québec n’est pas sorti de l’auberge, malheureusement.

Bien que le Québec ne soit pas à l’ombre d’une récession, mais plutôt d’un ralentissement économique, les entreprises peuvent néanmoins se préparer adéquatement afin d’y faire face. La BDC suggère d’abord que les entreprises se dotent d’une proposition de valeur très forte si une entreprise souhaite conserver sa main-d’œuvre et être capable d’attirer de bons travailleurs chez elle.

« Les entreprises qui performent le mieux, qui tirent le mieux leur épingle du jeu dans le contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre, sont avant tout les entreprises qui ont une rémunération équivalente ou supérieure à la rémunération de leurs pairs dans le même secteur d’activités. C’est important de regarder quelles sont les augmentations salariales dans le secteur et de s’assurer d’être concurrentiel », explique l’économiste de la BDC.

Par ailleurs, il faut également prévoir des investissements dans les technologies, particulièrement dans le secteur manufacturier avec l’automatisation et la numérisation. Il faut aussi développer de différents partenariats avec des organisations qui vont aider les entreprises à recruter des travailleurs, autant au pays qu’à l’étranger, et créer des maillages intéressants avec le secteur de l’éducation.

L’économie du Québec demeure cependant à risque, prévient la BDC. Il existe en fait plusieurs facteurs qui peuvent accentuer ce risque. Le niveau d’endettement des ménages est notamment à surveiller. La consommation représente une part importante de la croissance économique. À l’aube de 2020, plus de 60 % des consommateurs sont de plus en plus endettés, ce qui peut expliquer, en partie, le frein de la croissance.

« Au Québec, nous sommes peut-être un peu moins endettés, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Le prix du pétrole au Canada, aussi, est à surveiller. Cela représente moins un risque pour le Québec, mais pour l’économie canadienne, dans son ensemble, un prix du pétrole plus élevé fait que nous sommes plus riches. Comme les prix s’enlignent pour demeurer, il faudra que l’Ouest canadien diversifie son économie, comme nous l’avons fait ici, au Québec. De plus, les tensions commerciales seront bien sûr à surveiller, car cela crée beaucoup d’incertitude pour nos petites et moyennes entreprises », croit Sylvie Ratté.

En somme, les économistes s’entendent pour parler d’un léger ralentissement de la vitesse de la croissance mondiale, dû majoritairement à une pénurie de main-d’œuvre, mais des années de prospérité devant nous pour le Québec. À moins, évidemment, que l’ombre des tensions commerciales qui caractérisent nos voisins du Sud ne gagne encore plus de terrain dans les prochains mois.

À suivre !

Par Alexandre Lampron

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