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Les camionneurs pris en flagrant délit de pollution recevront des amendes de 100 à 400 $ si leur camion échoue le test d’émission et de 750 à 3 000 $ si le camion n’est pas mis en ordre dans un délai de 30 jours. Les détails des sanctions sont disponibles sur le site du Ministère et, bien qu’effrayants à prime abord, ils n’ont rien pour intimider, considérant la difficulté que constitue l’arrestation des camionneurs en infraction.

Il faut vraiment se retenir pour ne pas mourir de rire quand on sait qu’une soixantaine de contrôleurs traquent près de 18 000 camions ! Bien que toutes les données n’aient pas été colligées, nous savons que 125 avertissements ont été distribués depuis le mois de juin 2006.

Nos mal-aimés de la route, pourtant si indispensables à notre économie, se voient en effet surveillés d’un nouvel oeil, celui du PIEVAL. Vous vous demandez ce que ça mange en hiver ? De la BOUCANE ! Et oui, le programme d’inspection et d’entretien des véhicules automobiles lourds est accompagné d’une réglementation qui est entrée en vigueur le 1er juin dernier.

Ce nouveau règlement donne aux contrôleurs routiers le mandat de pourchasser les véhicules lourds de plus de 3 000 kg produisant de suspicieuses fumées noires (produites par les moteurs diesel) et de fumées bleues (produites par les moteurs à essence).

On vise ici les camions, les autobus, les véhicules d’urgence et les véhicules municipaux. On estime que sur les 130 000 véhicules lourds qui circulent sur les routes du Québec, de 15 000 à 18 000 d’entre eux produisent des émissions qui dépassent les normes en vigueur.

Sur le site du Ministère du développement durable, de l’environnement et des parcs, on nous explique que «ces véhicules rejettent dans l’atmosphère des quantités importantes de polluants atmosphériques, tels que les composés organiques volatils (COV), le monoxyde de carbone (CO), les oxydes d’azote (NOX) et des particules fines.

Or, ces polluants contribuent à la formation de smog dans les zones urbaines et sont la cause de certains troubles pulmonaires et cardiaques graves».

En fait, bien qu’ils ne constituent que 3 % du parc routier du Québec, composé au total de 4 millions de véhicules, les camions lourds sont responsables de 50 % des émissions polluantes attribuables au transport routier.

Déconcertant, n’est-ce pas ! Et pourtant, malgré l’évidence de la nécessité d’un programme d’inspection, la mise sur pied du PIEVAL ne fut pas de tout repos. Il faut ici rendre hommage au travail acharné d’André Bélisle, de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), dont le mérite aura été de convaincre l’ancien ministre de l’Environnement, monsieur David Cliche, d’entamer le travail… en 1996 pour une mise en oeuvre en 2002.

Mais à cette date-là, les élections approchant, le ministre de l’Environnement de l’époque monsieur André Boisclair, avait jugé préférable (pas pour l’environnement, on s’en doute) de remettre le projet à plus tard. L’arrivée de monsieur Mulcair au pouvoir aura enfin permis la concrétisation du travail entrepris depuis près de 10 ans. Toutefois, au fil de sa passation de ministre en ministre, cette politique a perdu des dents.

Sa version révisée, passablement édulcorée, est nettement moins poignante que la version originale. C’est que la juridiction de la réglementation devait s’étendre à l’ensemble des véhicules de toutes catégories, comme c’est le cas en Ontario depuis 1998 et dans la majorité des États limitrophes du Nord-Est des États-Unis, depuis les années 80.

Malgré le retard que le Québec accuse dans ce champ d’action, on demeure ici assez mou quant aux moyens pris pour véritablement lutter contre la pollution de l’air.

Dans sa forme initiale, le projet du PREVAL comportait un volet de prévention qui prévoyait une inspection annuelle obligatoire des véhicules lourds. Cette mesure simple aurait garanti à elle seule de meilleurs résultats que la chasse aux contrevenants dans laquelle on engage maintenant nos contrôleurs routiers. La SAAQ, dont le budget a été mis à mal ces dernières années, hérite une fois de plus d’une mission impossible laquelle on l’espère, ne se limitera pas à du pelletage de nuages… de boucane !

En terminant, je ne peux clore cette chronique sans m’indigner de la poursuite de plus de 5 millions de dollars intentée par l’entreprise de récupération American Iron & Metal (AIM) contre les représentants de groupes écologistes et certains de leurs représentants, dont André Bélisle et Mathieu Castonguay, deux activistes qui militent pour la protection de l’environnement au sein de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA).

Leur faute : s’être soucié du respect des normes environnementales par les activités d’une entreprise privée qui opérait sans permis en règle. AIM accuse ces activistes, de concert avec le comité de restauration de la rivière Etchemin (CRRE), d’être de collusion avec son concurrent, la Société nationale des ferrailles.

C’est qu’en 2005, le CRE et l’AQLPA avaient obtenu une injonction du tribunal, empêchant la poursuite des travaux de construction de l’usine de déchiquetage de métaux de la société AIM à Lévis, sur un terrain contaminé. Pendant que certains politiciens font de la récupération, d’autres lésinent à légiférer pour protéger les citoyens et les groupes sociaux impliqués dans la lutte pour la protection de notre environnement. Après être mort de rire, il y a de quoi mourir de honte…

Myrna Chahine Professeure de philosophie Cégep Marie-Victorin

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