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Jul

On repense l’aérospatiale à Montréal

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À tout seigneur tout honneur, l’événement international a débuté avec Suzanne M. Benoît, pdg de la grappe industrielle Aéro Montréal, Iain Stewart, président du Conseil national de recherches du Canada, Hélène V. Gagnon, vp communications de CAE, Dominique Anglade, vice-première ministre du Québec, et Fassi Kafyeke, directeur Technologies stratégiques de Bombardier.

Ces personnalités ont rappelé à quel point la grande région montréalaise concentre beaucoup d’entreprises du secteur aéronautique. Ces quelque 200 compagnies emploient directement près de 40 000 personnes, ce qui représente 45% de ces types d’emplois au Canada, mais 70% de la recherche et développement. Cette propension à créer de nouvelles technologies et produits – certainement un trait de caractère des gens d’ici – s’explique par de nombreux facteurs, tels que l’aide récurrente des différents palliers de gouvernement, la présence de plusieurs institutions d’enseignement, ainsi que la création au fil des ans d’un pôle efficace d’entreprises complémentaires situées à proximité les unes des autres.

Ces progrès et succès ne doivent pas faire oublier que l’industrie dans son ensemble continue d’avoir de grands défis à relever, tel que le vieillissement de la population et le besoin constant d’obtenir des employés correctement formés. Non sans humour Dominique Anglade, vice-première ministre responsable de l’Économie, de la Science et de l’Innovation en plus de la Stratégie numérique, a avancé qu’une des solutions pourrait être d’accueillir beaucoup plus de femmes que le fait actuellement ce secteur. Les centaines de personnes présentes dans l’immense salle, essentiellement des hommes, ne pouvaient que lui donner raison…

Une plénière d’opinions divergentes

Par la suite une plénière portant sur les technologies de rupture et les nouvelles plateformes aérospatiales a réuni des spécialistes aux opinions tranchées et contradictoires. Humberto Pereira, vice-président du Développement technologique d’Embraer – et l’un des principaux concurrents de Bombardier – a soulevé des points que Rob Dewar, vp et directeur général de la CSeries, et Simon Galpin, vp de l’Aérodynamique chez Airbus, auraient préféré ne pas entendre. Le spécialiste de l’avionneur québécois avait d’abord vanté les prouesses technologies réunies dans le récent appareil, par exemple ses réacteurs PW1500G efficaces et silencieux, ainsi que ses systèmes d’information en continu de l’état de ses composantes. Ce à quoi le Brésilien a répondu que les nouvelles technologies peuvent représenter une occasion de réaliser des produits rapidement, mais peut-être au détriment de la fiabilité, et que cela pouvait susciter des inquiétudes auprès de certains clients, et que des équipes au sol pouvaient avoir des difficultés à entretenir et à réparer ces avions sophistiqués. Et qu’avec l’arrivée rapide de nouvelles technologies le tri de celles qui resteront finalement serait encore à réaliser. Notons toutefois que les 29 avions de la CSeries utilisés par trois compagnies aériennes récolteraient jusqu’à maintenant d’excellents commentaires.

Uber à l’assaut des airs

L’entreprise connue pour ses services de taxis dans les plus grandes villes du monde était représentée par Thomas Prevot (sans s, ndlr), directeur des services aériens d’Uber. Avec Michael Thacker, vp exécutif des Technologies et de l’Innovation pour Bell Helicopter Textron, et la modératrice Cynthia Garneau, présidente de Bell Helicopter Textron, ils ont ensemble présenté ce que pourrait devenir le transport aérien sur demande. Une vidéo, disponible à www.youtube.com/watch?time_continue=16&v=TdU_Bwdf5cI, explique cette nouvelle marque qu’est « Uber Elevate ». « Cette innovation créée par Bell apportera cette nouvelle ère de vol que sera le Bell Air Taxi. Je suis excité par l’idée d’apporter les avantages de l’aviation à plus de gens, à plus d’endroits et dans plus de strates de la société… », soulignait Michael Thacker. L’appareil, capable d’emmener quatre passagers, serait éventuellement un imposant drone au pilotage autonome et à la motorisation électrique. Des pourparlers ont déjà lieu avec les organismes et gouvernements concernés, afin d’atteindre des objectifs de sécurité, de niveau de bruit, de souci environnemental et de respect des populations concernées. Il y a évidemment loin de la coupe aux lèvres mais si cela devait se concrétiser cette technologie révolutionnerait littéralement les déplacements personnels.

Valorisation des données et intelligence artificielle

Certains des importants thèmes de cet événement consacré au transport aérien concernaient l’intelligence artificielle et les données numériques; des sujets qui ne semblent pas à première vue reliés. Au contraire la plénière portant sur le futur de l’aérospatiale, réunissant Charles Vaillancourt, chef de la direction informatique de Pratt & Whitney, Siegfried Usal, directeur Stratégie, Marketing et Technologie de Thales Canada, et Yves Jacquier, directeur exécutif du Studio de services de production d’Ubisoft, a montré des liens étonnants. Par exemple tandis que le motoriste récolte une quantité étonnante d’informations de milliers de moteurs afin de déceler et de prévenir la moindre anomalie, le jeu vidéo permet d’accélérer tout le processus de création d’un produit, d’effectuer les tests et les contrôles de validation en un temps record. Selon eux le jeu vidéo, l’intelligence articielle et la robotisation permettent de soustraire l’humain aux tâches répétitives, pour lesquelles la « machine » est bien meilleure, afin de confier à l’intelligence, aux instincts et à l’inventivité des personnes les besoins et réalisations créatives. Et ajoutons que les cockpits des plus récents appareils, ainsi que les simulateurs de vol, représentent des univers de rêve pour la plupart des « gamers »!

Air Canada – Bombardier : beaucoup de photos

Le repas du midi s’est déroulé en compagnie d’Alain Bellemare, pdg de Bombardier, ainsi que de Calin Rovinescu, pdg d’Air Canada. Peu avant leur arrivée sur la scène de la plus grande salle de nombreux photographes et journalistes avaient envahi les lieux. Ceux-ci ont photographié en rafale les dirigeants, de qui on espérait d’importantes annonces. Par exemple l’adoption d’un nouveau nom pour la CSeries, l’A200, pour ainsi se conformer aux appellations d’Airbus. Ou encore qu’Air Canada achètent finalement plusieurs appareils. Mais les membres de la presse, ainsi que toute l’assemblée, ont simplement appris que M. Rovinescu est difficile à convaincre et qu’il n’acceptera l’achat d’aucun avion avant d’être absolument convaincu d’avoir fait le meilleur choix possible. Heureusement qu’airBaltic a annoncé à la fin de mai l’achat de 30 CS300 afin de maintenir à flot le coûteux programme.

La révolution 3D en marche

La présentation de Greg Morris, spécialiste de la fabrication additive de GE Aviation, a été déplacée en après-midi à cause des difficultés de celui-ci à se rendre à Montréal. Mais comme le présentait Paul Buron, premier vice-président gestion des mandats et programmes gouvernementaux d’Investissement Québec, il valait la peine d’attendre puisque cette technologie est appelée à prendre une place de plus en plus grande dans des domaines tels que les transports, l’énergie et la santé. Ces procédés d’impression en trois dimensions permettent de concevoir à partir d’un document informatique des pièces d’une grande complexité sans recourir à plusieurs opérations ou composantes assemblées difficilement entre elles. Plus léger, plus résistant, cet objet imprimé peut provenir de métaux évolués comme le cobalt-chrome, l’Inconel, l’Hastelloy, le titane, l’aluminium et différents aciers inoxydables. « Plus le design à réaliser est complexe et plus le procédé additif devient rentable en comparaison des techniques de production traditionnelles », souligne M. Morris. Par exemple un récent turbopropulseur a vu son nombre de composantes passer de 855 à 12 seulement, d’être plus efficace, moins polluant, en plus d’avoir pu raccourcir la durée de ses tests de 12 à 6 mois. GE Aviation a investi plus de 1,5 milliard de dollars US dans cette technologie et s’attend à ce que la valeur de cette industrie au niveau mondial passe de 7 milliards à 100 d’ici 2030!

Les facteurs de succès des technologies de rupture pour les PME

Plusieurs ateliers avaient lieu en même temps en après-midi dans de plus petites salles. C’est le cas de celui sur la collaboration étroite qui existe entre le Conseil national de recherches du Canada et des PME afin d’exploiter de nouvelles technologies. Jean-Claude Siew, vp Technologie et Simulation de Bluedrop Training & Simulation, Emmanuel Maes, dg de Stelia North America, François Cordeau, vp Transports et Fabrication du CNRC, ainsi que le modérateur Ibrahim Yimer, dg du Centre de recherche en aérospatiale du CNRC, ont présenté des processus industriels qui ont bénéficié de l’organisme. Bluedrop Training crée des simulateurs et des programmes d’apprentissage par la réalité augmentée pour les industries aérospatiale et militaire. Tandis que Stelia conçoit des structures complexes en matériaux composites et utilise le procédé de contrôle non destructif, qui est utilisé par exemple pour la ligne d’assemblage de l’Airbus A320. Dans tous les cas les collaborations dépassent l’aspect financier pour devenir de réels partenariats d’apprentissage et de création de nouvelles technologies.

En bref l’aérospatiale évolue rapidement, particulièrement dans la grande région montréalaise. De nouvelles technologies dont la fabrication additive et l’intelligence artificielle concurrent à créer des produits durables plus efficacement. Tandis que l’appui des gouvernements et organismes tels qu’Investissement Québec et le CNRC jouent un rôle de premier plan dans la croissance de ces entreprises qui s’affrontent au niveau mondial.

Par Frédéric Laporte

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