Dans une entrevue exclusive accordée à MCI, le ministre d’État de Développement économique Canada, Denis Lebel, estime que l’utilisation du bois dans la construction d’édifices publics, incluant ceux en hauteur, représente une belle solution d’avenir. Toutefois, précise-t-il, plusieurs éléments doivent, à priori, être pris en considération pour s’assurer que tout se déroule selon les règles de l’art.
« Dans les prochains mois, il faut mettre sur la table des projets de loi pour favoriser l’utilisation du bois dans les édifices publics, tout en veillant à ce que les codes actuels – fédéral et provinciaux – répondent bien aux exigences, de sorte que nos ingénieurs et architectes soient capables d’effectuer leurs calculs en tenant compte du matériau qu’est le bois et que les professionnels déjà en opération aient les moyens, les outils, les logiciels et les techniques pour réaliser avec sécurité leurs projets en bois. »
Au Québec, l’industrie forestière possède plusieurs atouts pour sortir de sa torpeur. Déjà, l’Europe a une longueur d’avance depuis que le bois est utilisé à grande échelle dans la construction d’édifices en hauteur. Ici, les intervenants doivent s’adapter aux nouvelles réalités, ce qui est en train de se faire.
« C’est sûr qu’il y a un grand potentiel de développement. Mais il faudrait connaître le nombre d’emplois que cela peut engendrer. Combien d’édifices fédéraux peuvent être construits en bois chaque année ? Ces questions méritent d’être analysées. Personne ne peut dire pour le moment combien d’usines ou d’emplois pourraient être épargnés. Toutefois, tout ce qui peut nous permettre d’assurer l’avenir de cette industrie doit être pris en considération. »
L’industrie forestière regorge d’éléments pouvant générer des emplois en quantité. Son avenir doit passer impérativement par le développement de plusieurs solutions comme la biomasse, la bioénergie, les biocarburants et autres. C’est la raison pour laquelle, explique le ministre, les certifications des forêts sont importantes.
« Si nous voulons développer les seconde et troisième transformations, elles doivent obligatoirement passer par l’étape du biologique. Or, pour que les coûts soient liés à une certaine rentabilité, il faut que les produits traversent une première opération. Par exemple, avant de ramasser ou brûler des branches, il faudra utiliser le tronc d’arbre afin de le rentabiliser. Chacune des composantes de l’arbre doit être utilisée, c’est-à-dire de la souche jusqu’au client pour bonifier l’industrie. Voilà notre stratégie. »
À plusieurs reprises, le ministre Lebel s’est rendu en Europe – France et Italie notamment – pour constater en personne ce qui se fait sur le terrain. Il admet que l’Europe a une longueur d’avance sur nous pour ce qui est de l’utilisation du bois comme matériau principal dans la construction d’édifices en hauteur.
« Dans la région de Lorraine, en France, il y a une école de formation avec 400 élèves qui étudient la façon d’utiliser le bois. Un matériau qui est répandu pour la construction de ponts, d’immeubles, etc. J’ai constaté à quel point cet établissement était avancé pour la formation de futurs ingénieurs et techniciens. »
À Aquila, en Italie, là où s’est produit le terrible tremblement de terre en avril 2009, un village complet fut reconstruit avec le bois comme matériau dans la province de Trento.
« Lorsqu’il est bien travaillé, le bois a une capacité antisismique. Ce qui nous ouvre de nouveaux horizons, de nouveaux marchés. C’est très intéressant. D’autre part, il y a quelques années, je pense que nous n’étions pas à point dans l’utilisation du bois dans les grands bâtiments. Mais aujourd’hui, avec nos grandes entreprises et nos vastes chantiers qui se mettent en place, je crois que, à coût égal, les professionnels vont assurément charmer leurs clients en offrant le bois, surtout en faisant allusion à toutes les valeurs environnementales du bois. Il y a de bonnes possibilités de développement si on fait les choses correctement. »
On sait depuis longtemps que le principal marché du bois d’œuvre est celui de nos voisins du Sud. Si les Américains ont la grippe, la contagion se répand assurément chez nous. Et cette grippe dure depuis le début de la crise économique. Ce qui fait mal aux entreprises d’ici. Le ministre Lebel en est conscient et multiplie ses efforts pour ouvrir de nouveaux marchés pour dépendre moins des États-Unis.
« Plutôt que d’exporter notre bois dans une proportion de 96 % aux Américains, notre objectif est de réduire ce nombre en ouvrant de nouveaux marchés. C’est le cas avec l’Asie, particulièrement la Chine, l’Inde et l’Europe. Ainsi, en ramenant nos exportations dans une fourchette de 70 % à 75 % vers les États-Unis, nous serions davantage capables d’absorber les problématiques. Plus on développera des marchés différents, moins on sera dépendant. Nous travaillons beaucoup en ce sens. »
Depuis l’accord signé en 2006 sur le bois d’œuvre, il en coûtait 30 % en droits d’exportation aux entreprises. L’an dernier, 75 % du bois canadien exporté vers les États-Unis provenait du Québec.
« Nous avons beau tout faire pour assurer le meilleur avenir de l’industrie forestière, il doit y avoir avant tout une reprise du marché. La crise de l’industrie forestière aura assuré l’ouverture de nouveaux marchés, la diversification, l’amélioration de nos connaissances et permis aux professionnels du bois de devenir meilleurs et d’approfondir leur expertise sur l’utilisation du bois. »