Et selon Pierre Fillion, directeur général de l’Association au Québec, la clé réside dans l’évolution des modèles d’affaires industriels. À son avis, le Manufacturing Unit, qui est à l’image de la prise de commande, de la planification de production, de l’assemblage et du conditionnement, de la livraison et du paiement, doit s’orienter vers l’Intelligence Business Unit, c’est-à-dire un modèle mettant plutôt l’emphase sur la commercialisation, l’innovation et l’optimisation de la production.
«Les Chinois ne peuvent pas adopter ce plan parce qu’ils sont entièrement concentrés sur la productivité de masse. Depuis vingt ans, ils ont les meilleures techniques d’amélioration continue, ce qui leur permet de fabriquer des produits de qualité et de livrer dans les délais prévus. Mais pendant ce temps-là, c’est à nous d’être plus intelligent et plus vite».
Après l’Ontario, l’industrie des plastiques est la deuxième en importance au Québec. Selon les plus récentes données, quelque 800 entreprises de toutes tailles oeuvrent dans le secteur: fabricants de moules, fabricants de machineries et d’équipement, fournisseurs de matières premières et recycleurs. Les plastiques donnent de l’emploi direct à 30 000 personnes et les revenus annuels atteignent les 5 milliards $.
À Montréal seulement, plus particulièrement dans l’Est, cela représente de 3 000 à 5 000 emplois.
«Nos entreprises vont relativement bien. Bien des recherches sont en cours pour s’orienter vers des plastiques biodégradables le plus vite possible», indique le directeur général de la Société de développement économique Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles-Montréal-Est (SODEC), Jean Gauthier. Pour lui, plusieurs industriels songent à se relocaliser à l’étranger comme en Chine. «C’est un problème auquel il faut s’attarder. Tant que le nombre d’industriels chinois en quête de se trouver des distributeurs locaux augmentera, moins nos entreprises seront florissantes».
M. Gauthier se montre déçu du fait qu’il n’a toujours pas réussi à obtenir l’aide nécessaire des gouvernements pour construire un centre en recherche et développement à l’intention des entreprises dans le secteur des plastiques. «Ça serait utile pour fabriquer autre chose que des capsules et des contenants de plastique».
À l’Association, on prétend que l’action des Chinois aura finalement été l’élément le plus positif de toute l’industrie pour la forcer à se mobiliser, à évoluer et lui donner le sentiment d’urgence à agir. «L’état de santé des plastiques demeure fragile, mais elle est encore bien présente.
Tout cela est attribuable en grande partie à nos actions, aux projets structurants, aux missions à l’étranger, aux études réalisées depuis six ans. À présent, nous avons une industrie proactive par rapport aux enjeux et aux défis de la mondialisation. Mais tout n’est pas gagné. Souvent, le carnet de commandes est là, mais pas la rentabilité»,relate M. Fillion.
La nouvelle vision du modèle d’affaires est un incontournable à l’ACIP. Le capital humain doit servir à autre chose que la production à la chaîne. «L’Intelligence Business Unit vise trois objectifs principaux: la productivité optimale, l’innovation soutenue selon huit fonctions et la commercialisation mondiale qui vient chapeauter le tout».
Pierre Fillion estime que les entreprises qui n’emboîteront pas le pas à cette nouvelle réalité seront toujours à bout de souffle et confrontées à la menace chinoise. Déjà, plusieurs centaines de sociétés participent aux actions de l’ACIP.
«C’est au Québec que l’on retrouve autant de dynamisme et de performance. Les gouvernements ont investi entre 3 M$ et 5 M$ et, n’eût été de toutes les actions entreprises, l’industrie serait dans une situation beaucoup plus précaire avec une marge de manœuvre moindre, des ressources diminuées et une capacité de production affaiblie».
Avec une devise qui va atteindre bientôt la parité avec le dollar américain, des hausses de prix de la résine, une pénurie de main-d’oeuvre spécialisée et une pression économique des pays émergents, Pierre Fillion estime que l’industrie des plastiques tire bien son épingle du jeu malgré tout. Celui-ci est allé à trois reprises en mission officielle en Chine, ce qui lui a permis de connaître les forces et les faiblesses de ce pays, de même que les opportunités qui pouvaient se présenter.
«Nous sommes les seuls à avoir réalisé une étude comparative pour mieux comprendre la nouvelle réalité. La Chine a d’autres cartes stratégiques que celle de la main-d’oeuvre à bon marché. La menace asiatique est notre raison de bouger et d’aller plus vite».
À l’ACIP, il est clair que les entreprises d’ici doivent repenser à leurs stratégies, leurs tactiques. «Les sociétés sont de plus en plus globales et le réseautage est un pas obligatoire à franchir pour assurer une compétitivité. Pierre Fillion croit qu’il faudra au moins dix ans avant que le nouveau modèle d’affaires soit adopté par un minimum d’entreprises.
«Ce modèle est porteur d’avenir et il va falloir encore frapper pendant plusieurs années pour en arriver à changer complètement les habitudes et la vision des entreprises vouées au secteur des plastiques».