Parce qu’ils voulaient maîtriser la chaleur sans pour autant se brûler, les humains ont maîtrisé le feu. Puis ils ont voulu transmettre la chaleur et mieux la contrôler, alors ils se sont tournés vers le glycol.
Ce liquide un peu visqueux a de formidables propriétés de transfert de chaleur. Selon la proportion dans laquelle il est mélangé à de l’eau, il abaisse son niveau de congélation et augmente son niveau d’ébullition. C’est du glycol éthylène – la forme la plus répandue – qui circule dans le radiateur et le système de refroidissement de nos voitures pour en empêcher le moteur de surchauffer en été ou d’éclater sous les grands froids d’hiver.
Sous sa forme propylène, moins toxique pour l’environnement, il est aussi utilisé pour dégivrer et retarder la formation de glace sur les ailes d’un avion.
Dans le secteur industriel, le glycol joue essentiellement un rôle de « recyclage » de la chaleur engendrée par la friction des composantes en mouvement des machines utilisées pour les opérations de fabrication, évacuant cette chaleur pour éviter qu’elle détruise ces mêmes machines que les industries paient des dizaines et des centaines de milliers de dollars.
Le glycol gardant sa forme liquide sous une plage de température extrêmement étendue, on peut le faire circuler dans des canalisations pour réutiliser la chaleur indésirable au point « A » mais nécessaire au point « B ».
À titre d’exemple, le glycol peut passer à travers une machine pour la refroidir et ensuite être redistribué à travers une usine pour en assurer le chauffage. Ou encore être acheminé alors qu’il est encore brûlant après sa mission de refroidissement vers une autre étape d’un processus de fabrication qui, lui, exige un degré de chaleur élevé, précise Paul Lefebvre, directeur national et service aux opérations de Recochem, une firme de produits chimiques dont le siège social se trouve à Montréal et qui dispose d’usines à Toronto, Edmonton et Vancouver en plus de celles de Montréal et de la raffinerie de Napierville.
Ce transfert de chaleur est particulièrement apprécié dans des applications alimentaires, ou encore le traitement des plastiques par moulage, alors que la matière ramollie par la chaleur est plus malléable.
Le glycol utilisé en milieu industriel à des fins de refroidissement est pourvu d’additifs qui exercent différentes fonctions lors du passage dans les entrailles de la machinerie, notamment l’inhibition de la corrosion.
C’est l’une des raisons pour laquelle le spécialiste de Recochem déconseille fortement d’utiliser l’eau du robinet lors de la préparation de la mixture eau/glycol selon la proportion – souvent 50/50 – qui convient à votre application industrielle.
« Dans l’eau du robinet, il y a plusieurs éléments qui peuvent causer de la corrosion », indique M. Lefebvre en entrevue à Circuit Industriel, faisant référence aux métaux, sels et autres contaminants que contient l’eau de nos puits et aqueducs.
Il est donc absolument crucial que le glycol ne soit mélangé qu’à de l’eau distillée ou déionisée. La dernière option est la plus populaire auprès des utilisateurs puisqu’elle est moins coûteuse, sa production requérant moins d’énergie, précise M. Lefebvre.
La plupart des fournisseurs de glycol procurent aussi cette eau traitée aux industries utilisatrices désireuses de préparer leur propre mixture de glycol mais la grande majorité des clients optent pour du glycol pré-mélangé. La précision et l’exactitude du mélange – dans des proportions de 50/50, 60/40, 70/30, les combinaisons sont infinies – assurent la bonne quantité d’additifs qui vont faire le travail pour lequel ils ont été conçus, soit le contrôle de température et la protection anticorrosive.
Ce calcul de concentration n’est pas anodin. S’il y a trop d’eau dans votre mélange, le manque d’additifs protecteurs peut menacer l’intégrité de votre machinerie. S’il y a trop de glycol, vous payez un produit chimique que vous utilisez en trop grande quantité pour rien.
Si les références à la corrosion – ou à la rouille si vous préférez – sont si nombreuses, c’est que celle-ci est l’ennemie jurée de la machinerie industrielle à plus d’un titre. Dans un premier temps, une composante corrodée à l’excès cessera de fournir son plein rendement ou, pire encore, peut se briser pendant son fonctionnement. Cela forcerait l’arrêt imprévu des opérations de production, le cauchemar de tous les directeurs d’usine tant ces pertes de productivité imprévues sont coûteuses.
Puis, il y a le fait que les particules de rouille tendent à s’agglomérer et à se déposer en des endroits précis, gênant le passage du liquide de refroidissent et créant ainsi des points de concentration de chaleur, aussi appelés « hot spots » en anglais.
Si cela se produit, c’est un véritable cercle vicieux qui s’enclenche. Les particules de rouille agglutinées nuisent à la circulation du glycol et en font augmenter la température. Cette température plus élevée dégrade les additifs – notamment les inhibiteurs de corrosion – du glycol et les rend moins efficace, ce qui crée encore plus de rouille et engendre encore plus de chaleur, etc. La spirale est sans fin.
« Protéger l’équipement pour ne pas qu’il y ait formation de rouille ou de corrosion, c’est une des fonctions de ces liquides, en plus de transférer ou capturer la chaleur » rappelle à juste titre M. Lefebvre.
L’entretien préventif des systèmes de transfert de chaleur est la seule manière d’éviter ce cycle infernal.
On peut dans un premier temps recueillir et retirer les particules de rouille qui se déposent dans les bassins de rétention souvent conçus à cet effet à même les machines. « En ouvrant les drains et en retirant les dépôts, les responsables de l’entretien vont maintenir leur système plus fonctionnel plus longtemps », explique l’expert de Recochem.
La vérification sur une base régulière de la concentration adéquate des niveaux d’eau et de glycol en est la première étape et s’effectue souvent au moyen d’un outil appelé réfractomètre. Cette vérification de concentration est nécessaire parce que les systèmes industriels sont rarement étanches à 100%. S’il y a des fuites par égouttement ou évaporation par contact avec l’atmosphère, la concentration en eau diminuera progressivement et rendra le liquide de refroidissement de plus en plus acide, ce qui favorise la corrosion.
Le bon équilibre alcalinité/acidité (le pH) peut se vérifier en versant quelques gouttes d’un échantillon de liquide sur des bandelettes de papier réactif, parfois aussi désigné sous le nom de papier tournesol, qui change de couleur selon le cas.
Pour plus de précision et de tranquillité d’esprit, l’idéal est d’expédier cet échantillon à un laboratoire spécialisé qui en fera l’analyse. La procédure est souvent offerte gratuitement par votre fournisseur de glycol. Et même si vous devez faire appel à un laboratoire externe, l’analyse coûte environ une centaine de dollars. C’est peu, très peu lorsqu’on considère les frais de réparation et/ou d’improductivité que peut occasionner un liquide de refroidissement dégradé non diagnostiqué.
L’analyse en laboratoire a également l’avantage de favoriser la nature prédictive de vos opérations d’entretien puisque ce que les chimistes trouveront dans votre échantillon de glycol – signes d’usure prématurée par la présence de particules métalliques, état des additifs protecteurs, etc. – peut en dire long sur l’état de vos machines et vous permettre d’en prévenir le bris avant qu’il soit trop tard plutôt qu’après.
Il est extrêmement rare qu’on ait à faire une vidange complète de glycol dans un système de transfert de chaleur. La plupart du temps, le maintien des niveaux et concentrations adéquats par l’ajout de liquide contenant des additifs tout neufs suffira.
« Un bon entretien préventif va aider à assurer un bon niveau d’efficacité du système de transfert de chaleur et à prolonger la durée de vie de l’équipement. Dans un système qui est bien entretenu, le liquide peut facilement durer pendant une vingtaine d’années avec des apports réguliers de mise à niveau pour compenser les pertes », indique M. Lefebvre.
Attention toutefois à ne pas outrepasser les intervalles de vérification. Outre la machinerie qui doit être refroidie, c’est tout le réseau de pompes qui assure la circulation du glycol qui pourrait être endommagé par une négligence d’entretien.
Même inutilisées pendant de longues périodes en raison de pics saisonniers, les machines refroidies doivent faire l’objet d’un programme d’entretien. « La recommandation est de faire circuler le produit dans le système au complet au moins une fois par mois pour que toutes les pièces demeurent mouillées et que les inhibiteurs de corrosion soient bien répartis dans tout le système », conclut Paul Lefebvre.
Par Éric Bérard