Publié cet automne aux éditions Voix parallèles, cet ouvrage du journaliste et éditorialiste François Cardinal, découd avec un redoutable aplomb, faits et études à l’appui la parure verte d’un Québec à la réputation environnementale surfaite.
Cette dernière ne repose pas sur de solides fondements! Il existe des citoyens convaincus qui appliquent rigoureusement leurs principes environnementaux en y assujettissant systématiquement leurs actes du quotidien. L’auteur ne le nie pas. Cependant, nous n’en sommes pas tous.
Déchets domestiques et industriels, récupération, transports, énergie, consommation, responsabilités citoyenne et gouvernementale figurent parmi les thèmes de ce livre ponctué par le bruit fracassant, que fait retentir l’auteur, de chaque mythe qui sous sa plume s’effondre. Je me contenterai ici de discuter le sujet de l’énergie.
«Bibittes énergivores» enclines au gaspillage et peu conscientes de la disponibilité des ressources, les Québécois habitent le territoire où il se consomme le plus d’électricité au monde après les États-Unis et le Canada, toutes sources d’énergie confondues, [Cardinal, p. 96]. Nous serions tentés d’en imputer la faute aux industries qui font gonfler les statistiques puisqu’elles consomment 43% de l’électricité distribuée au Québec [Cardinal, p.114]. Les particuliers accaparent 34% des ventes d’électricité d’Hydro-Québec.
En général, notre consommation nord-américaine dépasse celle des populations européennes.
La comparaison entre notre consommation locale et celle des pays scandinaves est déconcertante. Il ne semble pas y avoir d’efforts significatifs dans le sens d’une réduction ni de nos besoins, ni de notre consommation.
Au contraire, les fonctionnaires prévoient plutôt une augmentation des besoins. Ces informations troublantes conduisent l’auteur à cette question étonnante que nous modifions quelque peu : comment les québécois entendent-ils concilier leur attitude aussi inconséquente à l’égard de leur consommation d’énergie tout en s’opposant aux différents projets énergétiques mis de l’avant, ainsi qu’à toute augmentation des tarifs?
Il nous rappelle combien une partie de la population avait réagi face aux projets de centrale thermique du Suroît, des ports méthaniers, des éoliennes ou encore de ceux des centrales hydroélectriques, le plus connu étant celui impliquant le détournement de la rivière Rupert.
Cette résistance de la population à tout projet de développement de production d’énergie a pour double conséquence de nous priver collectivement d’une source de richesse économique intéressante et de nous rendre parfaitement inconsistants si nous n’accompagnons pas cette opposition d’une modification radicale de nos comportements de consommation.
Comment inciter les citoyens à diminuer leur consommation? Une des solutions discutées concerne l’augmentation des tarifs autant pour les clients résidentiels qu’industriels, qui jouissent de tarifs hautement compétitifs.
Cette solution semble impérative pour certaines grosses industries, mais laisse dubitatif en ce qui concerne les simples citoyens. Je ne dis pas qu’il ne faut rien changer. Au sujet des vidanges, l’auteur évoque une mesure qui consiste à ramasser gratuitement une quantité fixe de déchets par foyer (calculée en fonction du poids ou du nombre de sacs d’ordures selon des modalités établies par les municipalités), et à imposer un tarif pour toute quantité supplémentaire. Cela a entraîné une augmentation significative de la récupération et du recyclage.
Une mesure similaire devrait exister pour la consommation d’électricité. Au-delà d’un seuil de consommation raisonnable, adéquat et adapté aux besoins normaux d’un foyer, un autre tarif pourrait s’appliquer, et toute consommation supérieure à ce seuil devra être assumée à un coût plus élevé.
La solution ne réside évidemment pas uniquement dans la tarification, mais aussi dans le choix des consommateurs quand vient le temps d’acheter un appareil électrique. La performance, la nouveauté, le look sont autant de considérants qui entrent en ligne de compte avant celui de la consommation d’énergie. Faire payer les consommateurs ne peut être la seule solution.
Il reste aussi beaucoup de travail à faire au niveau de l’éducation à une consommation responsable de l’énergie.
La tendance à une augmentation des besoins en énergie n’est pas que québécoise. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) dévoilait dans son rapport de 2007, que la demande mondiale devrait augmenter de 55% d’ici 2030.
François Cardinal ne s’énerve donc pas pour rien quand il dénonce l’inaction étatique en terme de développement et l’abus des consommateurs qui s’apparente à du gaspillage. Le portrait qu’il dresse invite à réfléchir sur notre réelle connaissance de l’état de situation en environnement au Québec. Notre croyance en une nation québécoise verte semble, à l’issue de notre lecture, ne reposer que sur notre ignorance.
Myrna Chahine Professeure de philosophie Cégep Marie-Victorin