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Mines : l’innovation se multiplie en exploration et en exploitation

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Les gisements miniers aisément accessibles et comportant une forte teneur en minéraux recherchés sont déjà exploités. Pour lancer de nouvelles mines, les exploitants doivent désormais utiliser toutes les nouvelles technologies à leur disposition pour maintenir leurs coûts d’exploitation à un niveau acceptable.

Le 19 novembre dernier au congrès Québec Mines + Énergie à Québec, Benoit Charette, du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN), coprésidait une conférence portant sur l’utilisation des outils d’intelligence artificielle (IA). Nous l’avons joint à la mi-février pour faire le point sur l’IA dans le secteur minier.

Il faut investir beaucoup d’argent avant de mener une mine à la production commerciale. Le financement des projets utilisant l’IA ne semble pas évident, car les ressources humaines requises pour développer des algorithmes d’apprentissage se font rares et coûtent cher. « Les outils d’IA peuvent justement aider à optimiser les travaux et à réduire les coûts, tant du côté exploitation que de l’exploration », indique M. Charette.

De nouvelles applications aident les géologues à mieux cibler les gisements, ce qui permet de bien utiliser les sommes destinées à l’exploration. Les nouveaux outils sont employés par des compagnies établies et qui exploitent des minéraux classiques: or, fer, cuivre-nickel, etc. « Justement, on a des données et l’IA permet de bien les analyser », dit-il. On peut ainsi relancer les travaux d’exploration sur des gisements connus, mais abandonnés. M. Charette rappelle que des algorithmes utilisés dans d’autres secteurs sont déjà offerts en mode « open source » et un certain nombre peuvent être adaptés aux besoins des technologies utilisées en géologie.

L’IA permettra à terme d’améliorer la productivité des employés du secteur minier, ce qui n’est pas négligeable dans le contexte actuel de rareté de la main-d’œuvre, ajoute M. Charette. « Même au MERN, où l’on compile une grande quantité de données, bien des tâches répétitives et manuelles seront automatisées. Les gens pourront se concentrer sur le contrôle de la qualité et la validation des données », dit-il.

Portrait numérique du secteur minier

En novembre 2019, l’Institut national des mines (INMQ) a lancé le « Portrait numérique de l’industrie minière au Québec ». Le document a été produit par le CEFRIO grâce à la collaboration de l’Association minière du Québec (AMQ) et du Comité sectoriel de main-d’œuvre de l’industrie des mines.

Les investissements dans les technologies de l’information (TI) et les technologies opérationnelles (TO) ont été en moyenne de 5,7 millions de dollars (M$) en 2018, soit 3,4 % du budget alloué à ces deux postes dans les mines québécoises. L’amélioration de la santé et de la sécurité des travailleurs contribue à aider les exploitants à attirer et à retenir la main-d’œuvre, ce qui est une nécessité dans le contexte de rareté du personnel qui affecte toutes les industries.

Casa Berardi

En 2017, la mine Casa Berardi est devenue la troisième mine au monde à utiliser un camion autonome, et elle en utilise désormais deux. Les camions fonctionnent de manière prévisible selon des itinéraires programmés et sont équipés de systèmes de détection d’obstacles. Ils effectuent des trajets entre quatre points de chargement et deux points de déchargement. Le chargement est effectué par un opérateur situé dans une salle de contrôle à la surface.

L’accès à la zone automatisée est hautement surveillé et tout accès imprévu arrête immédiatement les camions. Des alertes sont envoyées à l’opérateur si les conditions du sol ne sont pas favorables ou si le camion s’approche trop près d’une paroi de la galerie.

Alain Grenier, vice-président et directeur général de Hecla Québec, souligne que l’entreprise installera un système de puces intelligentes. On s’assurera ainsi que les travailleurs qualifiés peuvent opérer les équipements miniers. La machine reste éteinte si le système détecte que le travailleur ne détient pas les qualifications requises.

Mine LaRonde

Au complexe minier LaRonde d’Agnico Eagle en Abitibi-Témiscamingue, le réseau LTE, soit la quatrième génération des normes de téléphonie mobile (4G), a été implanté en novembre 2017. C’était devenu une nécessité puisque l’exploitant doit composer avec un environnement complexe de plus de kilomètres de roche et de murs épais dans un vaste réseau de 200 km de galeries, de rampes, de corridors et d’étages.

On peut désormais transmettre plus aisément la voix, des données et des images. Le réseau LTE permet l’utilisation de dispositifs mobiles tels que les téléphones intelligents, les tablettes, les ordinateurs portables, les montres connectées, mais aussi de caméras et d’une foule de capteurs dispersés dans les galeries. Le projet a coûté plus de 2 millions de dollars (M$), mais il offre la possibilité d’exploiter la mine à des niveaux plus profonds et de prolonger sa durée de vie.

Mine Lamaque

La production commerciale a été lancée en mars 2019 à la mine Lamaque d’Eldorado Gold, près de Val-d’Or. Parmi ses projets numériques, on note la mise en place d’un système de ventilation sur demande (VOD). Au Québec, les mines très profondes doivent être climatisées, mais il faut aussi parfois chauffer l’air avant de le distribuer. Près de 60 % de la consommation d’électricité d’une mine souterraine est liée à la ventilation. La VOD permet de réduire la dépense d’environ 50 %.

Les travailleurs portent des émetteurs qui servent à repérer leur présence. Les équipements et les véhicules sont aussi dotés d’une puce de localisation. Avec des sondes et des capteurs, l’information est envoyée au centre de contrôle. Le système automatise entièrement le processus de marche et d’arrêt des ventilateurs pour envoyer la quantité d’air nécessaire en fonction du nombre de travailleurs et des équipements en activité.

Le système permet de réduire de manière substantielle les frais associés à la consommation d’électricité et de gaz naturel, puisqu’il répond aux besoins réels de ventilation, là où se trouve la main-d’œuvre. Le système de localisation de la main-d’œuvre et des équipements facilite aussi le déroulement des opérations et la prise de décision.

Mont-Wright

Des foreuses automatisées et un centre de gestion intégrée des opérations (CGIO) ont été implantés à la mine Mont-Wright d’ArcelorMittal. Le projet ADS (« Autonomous Drilling System ») est né en 2014. L’objectif initial était d’optimiser les heures où les activités des foreuses sont interrompues par les pauses, les repas et les changements de poste.

Le système automatisé offre une production normalisée, ce qui réduit l’usure, les dépenses liées à la maintenance et l’entretien. Les opérateurs sont en mesure de se déplacer sans devoir arrêter la foreuse lorsque leur aide est requise ailleurs sur le chantier.

Le CGIO est installé à Longueuil. Pour faciliter l’adhésion du personnel, un centre temporaire est installé sur le site minier pour une période d’expérimentation de six mois. Selon l’exploitant, les interactions entre les spécialistes de différentes disciplines permettent de briser les silos et de s’ajuster en temps réel plutôt que d’attendre les rencontres d’équipe en début de quart de travail.

Projet Matawinie

Le projet Matawinie ne fait pas partie du portrait numérique de l’INMQ, car la mine n’est pas encore ouverte près de Saint-Michel-des-Saints, dans la région de Lanaudière. Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) termine ses consultations sur le projet de mine à ciel ouvert soumis par le promoteur Nouveau Monde Graphite (NMG). Celui-ci vise à produire quelque 100 000 tonnes de graphite par année, durant 26 ans, en traitant quelque 6 500 tonnes de minerai par jour.

La moitié du graphite est destinée à alimenter une usine à construire à Bécancour. Ressources Québec est le deuxième actionnaire de l’entreprise. La production de graphite permettrait de consolider la filière d’électrification des transports en cours de création au Québec.

Si le projet est autorisé, la construction pourrait commencer d’ici la fin de 2020. La mise en service est prévue au deuxième et troisième trimestre de 2022. Dans le sommaire du projet, NMG vise l’opération d’une mine 100 % électrique dès la première année d’exploitation, incluant les équipements mobiles s’ils sont disponibles, ce qui serait une première mondiale.

Comme le projet aura des impacts importants sur les zones de villégiature situées à proximité, les opposants sont nombreux à se présenter devant le BAPE, qui tenait la deuxième partie de l’audience en février et mars 2020.

Appui à l’innovation

Le Programme d’appui à la recherche et à l’innovation du domaine minier (PARIDM) est doté d’une enveloppe globale de près de 3,6 millions de dollars (M$). Le PARIDM offre une aide financière maximale de 40 % des dépenses admissibles ne dépassant pas 600 000 $.

En juin 2019, le titulaire du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN), Jonatan Julien, a fait l’annonce de la prolongation du PARIDM jusqu’en 2022, en marge de l’inauguration de la mine Lamaque d’Eldorado Gold à Val-d’Or. L’entreprise a reçu une aide de 600 000 $ pour évaluer et appliquer une nouvelle méthode de minage plus sécuritaire et productive. À cet effet, la société minière a accordé un contrat de recherche à Polytechnique Montréal pour analyser la méthode de minage mécanisé mise au point par Minrail, une jeune entreprise de Val-d’Or.

Le 13 janvier 2020, le MERN a confirmé l’octroi d’une aide financière de 150 000 $ à Minrail pour l’aider à développer son système pour les gisements de faible pendage, c’est-à-dire lorsque la lentille minéralisée repose à un angle qui se situe entre 10 et 45 degrés. Nommé « Shallow Angle Mining System », ce système regroupe une série de machines qui pourront être déplacées par un système de rail dans les mines, et manœuvré à distance. Selon le président de Minrail, Marc Beauvais, le système permettra aux exploitants de récupérer jusqu’à 95 % du minerai, au lieu de 60 à 70 % actuellement.

Formation en simulateur

En décembre dernier, l’Institut national des mines du Québec (INMQ) a lancé le Portrait des simulateurs d’engins miniers en formation minière. L’INMQ s’est positionné dès 2014 en faveur de l’utilisation accrue de l’apprentissage par simulateur.

Au 1er mars 2019, le portrait rapporte que 37 simulateurs d’engins miniers étaient déployés au Québec, à 90 % dans des établissements d’enseignement. L’un des constats principaux dégagés par le recensement est que les simulateurs de haute fidélité sont encore peu répandus dans les écoles.

La majorité des simulateurs (65 %) se trouvent dans la région du Nord-du-Québec. Un seul des sept établissements d’enseignement ayant participé à l’enquête ne détient aucun simulateur. Seulement au Centre de formation professionnelle (CFP) Inukjuak de la Commission scolaire Kativik, on compte 13 simulateurs. On en trouve 7 au CFP Forestville, en Côte-Nord. Le CFP de la Baie-James compte cinq simulateurs, tout comme le Sabtuan Regional Vocational Training Centre (CSC), aussi dans le Nord-du-Québec.

Parmi les 17 entreprises minières qui ont participé à l’enquête de l’INMQ, seules quatre entreprises établies au Québec ont indiqué qu’elles possédaient leur propre simulateur, dont deux qui sont installés sur les sites miniers.

La qualité des simulateurs est définie selon trois niveaux de fidélité. Les simulateurs de basse fidélité ne sont plus à jour. Parmi ceux qui les possèdent, certains confient qu’ils sont peu ou rarement utilisés. Cinq établissements publics indiquent qu’ils veulent investir pour acheter de nouveaux simulateurs d’ici la fin de 2020, mais les sommes prévues montrent qu’ils n’auront pas les moyens d’acquérir un simulateur de haute fidélité, selon l’INMQ.

Les équipements simulés les plus courants sont la chargeuse-navette et le camion-benne. Ces dernières années, la plupart des travailleurs du secteur minier ayant bénéficié d’une formulation par simulation possédaient moins de cinq années d’expérience. Certains employés plus expérimentés profitent aussi de cet apprentissage lorsqu’ils sont affectés à de nouvelles tâches. Le simulateur est utile pour standardiser la maîtrise des techniques de base et pour simuler des situations d’urgence dans un environnement sécuritaire.

Même si les gains financiers demeurent difficiles à chiffrer de manière précise, l’INMQ recommande de favoriser l’achat de matériel éducatif basé sur la simulation de haute et de moyenne fidélité pour les établissements publics d’enseignement.

Par Alain Castonguay

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