Il y a de l’action dans le secteur minier au Québec, à la fois sur et sous la terre. Au moment d’écrire ces lignes, on compte 22 mines en activité, dont 5 mines de minéraux non-métalliques. Neuf sont à ciel ouvert et 13 sont souterraines, indique l’Association minière du Québec (AMQ).
Au cours des prochains mois, il faudra surveiller l’évolution du dossier de la nouvelle mine d’or Odyssey en Abitibi, piloté par le Partenariat Canadian Malartic (Mines Agnico Eagle et Yamana Gold) et dont la direction vient de donner le feu vert à un investissement de 1,7 milliard de dollars sur sept ans.
Lorsque les questions environnementales et de baux miniers seront réglées, il est estimé que la mine sera en exploitation jusqu’en 2039 et donnera de l’emploi à 1 500 personnes au plus fort de ses activités, aux environs de 2031.
«Nous nous réjouissons que des joueurs majeurs de l’industrie décident d’aller de l’avant avec ce projet porteur et développé par une compagnie responsable, près des gens et soucieuse des préoccupations du milieu», a déclaré la présidente-directrice générale de l’AMQ, Mme Josée Méthot, lors de l’annonce de l’investissement.
EnvironnementCe n’est pas un hasard si Mme Méthot a mis l’accent sur «les préoccupations du milieu» dans sa déclaration. À l’occasion d’une entrevue au magazine MCI, elle indique en effet que, contrairement à certaines idées reçues, l’industrie minière du Québec a depuis des années entamé un très sérieux virage vert.
Mme Méthot est elle-même issue du milieu environnemental. Ingénieure chimique de formation, elle a mis à profit ses compétences, notamment dans le secteur de la gestion des matières résiduelles avant de se joindre à l’AMQ.
La technologie joue un grand rôle dans des initiatives qui ont souvent un impact positif sur la rentabilité financière en plus de contribuer à la préservation de l’environnement.
À titre d’exemple, la numérisation permet maintenant d’automatiser la ventilation des mines souterraines afin d’en évacuer la chaleur, des gaz qui pourraient nuire aux travailleurs ou encore de la poussière de sautage. Plutôt que fonctionner en continu comme c’était le cas auparavant, des systèmes de ventilation peuvent être activés seulement lorsqu’ils sont nécessaires.
«Dans une mine éloignée, de l’énergie c’est des gaz à effet de serre pour nous », explique Mme Méthot, rappelant que certaines mines ne sont pas connectées au réseau d’Hydro-Québec et doivent produire leur propre électricité à partir de génératrices fonctionnant au diesel.
D’autre part, comme le système de ventilation fonctionne un moins grand nombre d’heures par mois, il requiert moins d’entretien et moins de pièces de rechange devant souvent être transportées sur de longues distances.
TélécommunicationsLa technologie est partout dans le secteur minier mais cette omniprésence est plus récente dans les mines souterraines, grâce aux avancées en matière de télécommunications.
« Les mines à ciel ouvert et les mines souterraines n’ont pas les mêmes enjeux de numérisation», déclare Mme Méthot, donnant pour exemple le fait que les premières ont plus facilement accès aux satellites de communication.
«En mine souterraine, quand je suis à un kilomètre sous terre, il n’y avait pas de satellites qui se rendaient là. Donc on avait une problématique de télécommunications », ajoute-t-elle.
Mais au cours des dernières années, de nouvelles technologies ont été développées qui permettent d’obtenir du wi-fi sous terre. «Maintenant on a développé des technologies LTE qui nous permettent de communiquer. On peut avoir des données à deux kilomètres sous terre et les remonter à la surface facilement», indique la patronne de l’AMQ.
Ce n’est pas anodin puisque cela permet à une mine souterraine d’avoir une salle de contrôle en surface plutôt que sous terre et d’automatiser et numériser plus de types d’opérations, avec davantage de précision, par exemple le contrôle à distance de l’équipement minier dans le souterrain (équipement de forage, de transport du minerai par chargeuses navettes sans conducteur, etc.)
Selon Mme Méthot, l’industrie minière est donc bel et bien plongée dans le 4.0. « Cette transformation industrielle-là, on la vit dans l’industrie minière », dit-elle.
Accélération de la numérisationLe gouvernement du Québec a reconnu l’importance de ce virage technologique et a attribué une somme de 1,3 million $ pour la transition numérique du secteur minier en mars dernier. L’initiative s’inscrit dans les orientations du Plan québécois pour la valorisation des minéraux critiques et stratégiques 2020-2025, dévoilé l’automne dernier.
«Nous sommes dans une nouvelle ère minière, présentant une effervescence numérique. Les opérations autonomes se déploieront au cours des prochaines années », a d’ailleurs déclaré M. François Vézina, vice-président des services techniques chez Osisko Développement Corp., lors de l’annonce.
Mme Méthot accueille favorablement le geste posé par Québec en collaboration avec l’industrie, disant que l’investissement contribuera à rendre les minières d’ici plus concurrentielles. « Notre terrain de jeu, ce n’est pas seulement le Québec. Nos compétiteurs sont partout sur la planète », rappelle-t-elle.
« La numérisation permet d’augmenter la productivité parce que tu ne peux contrôler que ce que tu mesures », ajoute Mme Méthot.
À titre d’exemple, la numérisation va permettre de mieux mesurer l’entretien prédictif de la machinerie utilisée dans les mines. L’entretien prédictif est beaucoup plus efficace et moins coûteux que l’entretien préventif traditionnel, qui applique des politiques d’entretien «mur à mur» à toutes les unités, même celles qui n’en ont pas vraiment besoin à ce moment précis. Cela génère du gaspillage et des pertes de temps aussi inutiles que coûteux.
Santé et sécurité« La numérisation va également nous aider en santé et sécurité », estime Mme Méthot, faisant référence à des technologies de localisation des travailleurs qui permettent une intervention plus rapide et efficace en cas d’incident.
La mine d’or Éléonore à la Baie-James a déjà mis en place des systèmes de puces électroniques qui permettent un suivi des véhicules et des employés sous terre, des camions parfois électriques équipés de systèmes anticollisions, ou encore des sondes d’analyse de la qualité de l’air. On est loin du légendaire canari dans la mine…
Et si l’on en croit Josée Méthot, ce n’est que le début. «La numérisation va nous permettre d’aller vers l’intelligence artificielle. Mais pour pouvoir un jour développer de l’intelligence artificielle, on a besoin de faire de la collecte de données. Et ça passe par la numérisation», conclut-elle.
Par Eric Bérard