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L’industrie du plastique, mal-aimée et pourtant essentielle

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Lorsqu’on pense plastique, le réflexe est souvent de penser au suremballage de produits alimentaires ou encore aux questions environnementales liées à notre consommation de bouteilles d’eau. Les médias généralistes alimentent cette perception négative du plastique, oubliant que ce matériau est pourtant souvent plus vert que bien d’autres. Nous avons discuté avec deux entreprises québécoises spécialisées dans la fabrication et la distribution de produits de plastique, pour jeter un regard nouveau sur ce matériau plus essentiel que jamais.

Demandez aux principaux joueurs de l’industrie du plastique quel est le plus grand défi auquel ce secteur manufacturier fait face, ils vous répondront d’une seule et même voix : la mauvaise presse et l’image négative véhiculée sur leurs produits.

« Notre principal défi, c’est celui de la mauvaise information au niveau des plastiques, la mauvaise presse sur l’industrie du plastique, qui nous nuit énormément, » nous dit Christophe Lavoie-Cardinal, directeur ventes et marketing au Groupe PolyAlto. « Il faut vraiment distinguer le plastique à usage unique et le plastique de performance. C’est le plus gros défi, de vulgariser les avantages du plastique versus les autres matériaux. »

Un défi encore plus lourd pour certains segments de l’industrie, notamment pour les produits de polystyrène et polypropylène de l’entreprise de Granby, Polyform.

« Le plastique a mauvaise presse, et le polystyrène est le mal aimé du plastique », souligne Philip Beauchesne, responsable marketing & communication chez Polyform.

Perçu comme polluant et peu ou pas recyclé, le plastique est pourtant plus vert qu’on ne le croit.

« Les gens ont le réflexe de penser que le carton et le papier sont ce qu’il y a de plus écologique et recyclable. Mais le plastique est tout aussi recyclable. Et même, pour la production, l’utilisation, le recyclage et la valorisation, le plastique consomme vraiment moins d’énergie. Donc le bilan écologique de tous les plastiques est positif. »

Christophe Lavoie-Cardinal va dans le même sens, soulignant l’importante différence entre les plastiques à usage unique et les plastiques qui peuvent être recyclés.

« Il faut vraiment distinguer le plastique à usage unique et le plastique de performance. C’est le plus gros défi, vulgariser les avantages du plastique versus les autres matériaux. Même du point de vue environnemental, l’énergie nécessaire pour créer et travailler les polymères n’est pas du tout la même que l’énergie nécessaire pour faire fondre ou travailler les métaux, ou même le papier, le bois. 90% des plastiques qui sont thermoformables, donc réutilisables, mais ça, on ne le mentionne pas. »

Pourtant, ces deux entreprises travaillent d’arrache-pied pour réduire les impacts environnementaux de leurs produits. Chez PolyAlto, on recycle entièrement toutes les retailles issues de la découpe de feuilles de plastique, pour les réutiliser, les retransformer et ultimement, les vendre. L’objectif est clair : aucune perte, aucun déchet.

« L’enjeu n’est pas que l’utilisation des plastiques, mais plutôt l’utilisation saine des plastiques », nous dit Christophe Lavoie Cardinal. « Chez PolyAlto, les plastiques à usage unique sont complètement proscrits. C’est complètement contre nos valeurs. Notre objectif est vraiment d’offrir un matériau durable, qui répond aux besoins et qui peut être revalorisé. Et le plastique répond à ces critères, dans la majorité des cas. »

Cette sensibilisation à l’impact environnemental des plastiques à usage unique, on la retrouve aussi chez Polyform. L’entreprise a développé un polystyrène biodégradable, et travaille présentement sur une nouvelle gamme de produits dotés de propriétés qui optimiseront sa dégradation. Par ailleurs, l’entreprise ne fabrique pas de barquette en polystyrène expansé pour l’industrie alimentaire, l’un des produits très décriés par les environnementalistes.

Mais le polystyrène est aussi recyclable que les autres plastiques. Toutefois, ce recyclage pose quelques défis difficiles à surmonter.

« Le premier, le transport », souligne Philip Beauchesne de Polyform. « Le polystyrène est très volumineux pour un faible poids. Il faut se souvenir qu’une pièce de polystyrène, c’est 98% d’air, 2% de plastique. Dans le système de recyclage au Québec, les entreprises qui recyclent ne sont pas intéressées à acheter du polystyrène usagé, parce que ça vient mobiliser une remorque de 53 pieds pour 2% de produit. Le coût du transport devient trop élevé pour la valeur de la matière. Économiquement, c’est vraiment difficile. »

Polyform a travaillé en étroite collaboration avec plusieurs Écocentres pour développer des solutions. Mais l’autre grand défi : les contaminants. Clous, matériaux de construction, restes d’aliments, tout se retrouve pêle-mêle avec le polystyrène.

« Pour bien recycler le polystyrène, c’est vraiment important qu’il soit libre de contaminants. On a essayé pendant des années, mais le constat est là : les citoyens n’étaient pas prêts à bien séparer les matières. C’est triste parce que je suis convaincu que 90% des gens le faisaient bien, mais le 10% qui ne fait pas attention est venu détruire tous les efforts des autres. »

Polyform procède toutefois à la collecte auprès de ses clients industriels réguliers, pour récupérer la matière qui peut être recyclée.

« On est fier de dire que tout ce qu’on produit, lorsque les clients collaborent avec nous, c’est réutilisable à l’infini. Il n’y a rien qui va à la poubelle chez Polyform, dans la mesure où le client collabore avec nous et aménage un espace pour accumuler son polystyrène. »

Les gouvernements canadien et québécois ont d’ailleurs lancé un grand chantier pour réduire l’utilisation de plastique à usage unique. Dans le Plan d’action 2019-2024 de la politique québécoise de gestion des matières résiduelles, Québec prévoit investir 20 millions $ pour la réduction de ces plastiques, via notamment une consommation plus responsable. Chez PolyAlto, Christophe Lavoie-Cardinal souligne que les objectifs de l’entreprise vont dans le même sens.

« Il faut investir pour trouver des solutions, plutôt que de bannir des matériaux qui sont essentiels. C’est à nous de mettre en place des solutions pour que ces matériaux ne nuisent pas à l’environnement. Comme tout le monde, nous avons une grande conscience environnementale et pour nous, c’est essentiel qu’on ait de meilleures façons de consommer en tant qu’individus. »

Une industrie en constante évolution

Au-delà des questions d’image et d’environnement, l’industrie du plastique au Québec est en mode innovation. Résultat de l’union de deux entreprises, Plastique Alto et Plastique Polyfab, l’une œuvrant principalement dans la distribution et l’autre dans la fabrication de produits de plastique, Groupe PolyAlto cumule près de 50 ans d’expertise et se positionne comme référence de l’industrie au Québec. Aujourd’hui, la distribution compte pour 60% de ses affaires, alors que la transformation et la fabrication de produits de plus en plus complexes constituent 40% de ses opérations. C’est sur ce deuxième volet que l’entreprise met l’accent.

« Les produits à valeur ajoutée sont vraiment ceux sur lesquels on met nos efforts pour la croissance de l’entreprise », explique Christophe Lavoie-Cardinal. « On a mis des efforts dans le déploiement de tout ce qui est découpe numérique, par l’acquisition de nouvelles machineries, et la restructuration de nos méthodes de fabrication et de nos procédés. Ça nous a permis d’être vraiment plus efficaces. »

L’entreprise a notamment développé une grande agilité pour les projets de grande envergure, comme la fabrication de gros bassins industriels pour l’industrie du placage ou de la galvanisation. Elle a aussi accru sa capacité à livrer des projets à gros volumes.

« Depuis un an et demi, on est sur un projet pilote d’automatisation, avec une machine de découpe qui nous permet de produire de grands volumes avec moins d’effectifs. Ça fonctionne vraiment bien, on a plusieurs projets qui roulent là-dessus. »

Chez Polyform à Granby, l’entreprise est aussi en mode « Usine 4.0 ». Première étape : doubler la superficie de sa principale usine, pour l’amener à un total de 200 000 pieds carrés. Là encore, l’objectif est d’offrir à sa clientèle bien plus que de simples panneaux de polystyrène, avec une production de plus en plus centrée sur des produits à valeur ajoutée.

« On s’est doté d’équipements spécialisés pour pouvoir fabriquer des produits sur mesure, uniques », souligne Philip Beauchesne. « Plus les années avancent et plus nos efforts sont priorisés sur des produits semi-finis. C’est pour ça qu’on a modernisé nos installations. On offre aussi un service d’ingénierie pour la conception du produit selon les besoins du client, et un service d’usinage qui nous permet de mouler la pièce sur mesure pour le client. »

L’entreprise a d’ailleurs participé, en collaboration avec Protections Kocask inc., au développement d’une toute nouvelle génération de casques protecteurs pour le patin artistique, les casques Wuevo, qui respectent les normes de protection exigées au hockey.

Polyform a d’ailleurs profité de la pandémie pour mettre en place plusieurs projets pour améliorer ses méthodes et processus.

« Avec les principes de l’usine 4.0 pour automatiser ou être plus efficient, on devient plus efficace et on réduit de beaucoup les erreurs. C’est bien pour le client, mais c’est aussi excellent pour l’environnement, car quand il n’y a pas d’erreur, il n’y a pas de rejet. Même si on recycle, c’est de l’énergie qu’on peut mettre ailleurs. »

L’approvisionnement : un défi constant

Les défis liés à l’approvisionnement n’ont pas épargné l’industrie du plastique. Tout comme dans bien d’autres industries touchées par les problématiques de la chaîne d’approvisionnement dues principalement à la pandémie de Covid-19, le Groupe PolyAlto a dû se retrousser les manches pour préserver ses stocks et mettre la main sur la matière première essentielle. Outre la demande accrue pour la fabrication d’équipements de protection personnelle pour les gouvernements et les commerces (on n’a qu’à penser aux fameux plexiglass présents partout), les fermetures d’usines aux États-Unis et ailleurs ont diminué l’offre de matière première disponible. Résultat : une offre inférieure à la demande.

« Actuellement, la demande est toujours un peu trop forte par rapport à l’offre », explique Christophe Lavoie-Cardinal du Gourpe PolyAlto . « Donc les délais de livraison sont vraiment longs, alors les gens commandent d’avance, se bâtissent un inventaire plus élevé pour répondre aux besoins de la clientèle. Ça crée un cercle vicieux : plus les délais sont longs, plus les entreprises gonflent leurs achats, et plus elles le font, plus la demande est élevée, et plus les délais sont longs. »

Cette situation a aussi eu un impact inévitable sur les prix.

« Selon le type de résine, on fait parfois face à des augmentations jusqu’à 30%. Habituellement, les augmentations arrivent de façon trimestrielle, là, on voit des augmentations chaque semaine d’un fabricant ou d’un autre. Il faut donc continuellement ajuster nos prix. »

PolyAlto bénéficie d’un bon inventaire qui lui permet de répondre à la demande de sa clientèle, et l’équipe d’approvisionnement reste très à l’écoute des tendances pour voir où seront les prochaines augmentations ou problématiques d’approvisionnement.

Après de très bons mois durant la pandémie, notamment pour les équipements de protection individuelle, PolyAlto a constaté une certaine baisse dans le secteur manufacturier, touché par la Covid-19. Une reprise est-elle en vue?

« Ça reprend graduellement, mais la relance n’est pas incroyable », nous dit Christophe Lavoie-Cardinal. « Il y a des investissements qui seront annoncés dans certains secteurs qui nous touchent beaucoup, comme la rénovation et remise à neuf de certains secteurs dans nos marchés. Mais il n’en demeure pas moins que le secteur manufacturier est lent à repartir. »

Par Claude Boucher

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