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L’industrie de la défense est prête à appuyer l’Ukraine avec des produits et services canadiens

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Chaque année, le SIPRI (Institut international de recherche sur la paix de Stockholm) publie la liste des 100 plus importants manufacturiers d’armement et pourvoyeurs de services militaires au monde. Dans le classement publié en décembre 2021, on retrouvait une seule entreprise dont le siège social est au Canada, soit CAE, anciennement Canadian Aviation Electric, une société spécialisée dans l’aviation civile, la défense, la sécurité et la santé. En 2020, les ventes de matériel de défense et sécurité de CAE se chiffraient à 910 000 000 $, soit 41 % de ses ventes totales de 2 224 000 000 $ et un peu moins que le total de 1 milliard de dollars de ventes de matériel de défense et sécurité atteint en 2019.

Ce sont cinq entreprises américaines qui détiennent les cinq premiers rangs de ce classement SIPRI pour 2020. Voici les 10 premières entreprises de ce classement et le total des ventes (en millions de dollars US) d’armement en 2020 :

Rapport sur les exportations militaires

Au Canada, un Rapport sur les exportations de marchandises militaires est déposé chaque année au parlement. L’initiative mise en place en 2019 favorise la transparence au sujet des exportations canadiennes d’articles militaires en fournissant de multiples données. La valeur des exportations canadiennes de marchandises et technologies militaires contrôlées totalisait 1 966 milliards de dollars, un montant en baisse importante par rapport aux 3 757 milliards de dollars enregistrés en 2019. Mais selon les experts, cette diminution n’est pas surprenante, car elle est attribuable à la baisse des exportations militaires vers l’Arabie Saoudite, qui ont diminué de 1 553 milliards de dollars en un an. Certaines décisions diplomatiques et géopolitiques peuvent avoir un impact important sur les ventes de certains produits.

Durant la pandémie de Covid-19, le traitement des demandes de licences d’exportation et de courtage de matériel militaire et de défense était considéré comme un service essentiel et prioritaire. Une portion de 75 % (1 473 milliards de dollars) de toutes les exportations était destinée à des pays qui ne sont pas membre de l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique Nord). En faisant abstraction des États-Unis, le principal marché d’exportation des manufacturiers canadiens de fournitures militaires, c’est justement l’Arabie Saoudite qui est le gros marché en achetant pour 1 311 milliards de dollars de produits canadiens. La seconde destination en importance, outre les États-Unis toujours, est le Royaume-Uni avec des achats totalisant 122 88 millions de dollars. Plus de 63 % des toutes les exportations canadiennes de matériel militaire étaient des véhicules terrestres et leurs composants. Le total des exportations de produits militaires ailleurs qu’aux États-Unis était de 1 965 729 983.61 $ en 2020.

Le marché canadien

Il ne faut jamais oublier que le marché mondial pour les produits et services de défense en est un hautement protégé qui ne ressemble en rien à un libre marché. Ce marché est exclu de la majorité des accords commerciaux internationaux comme l’OMC (Organisation mondiale du commerce) et l’ACEUM (Accord Canada – États-Unis – Mexique). Il s’agit aussi d’un marché où les principaux clients sont des gouvernements qui favorisent ouvertement leur propre secteur de la défense. Les gouvernements peuvent avoir une plus grande influence sur la croissance du secteur de la défense et sur son incidence sur l’innovation que dans toute autre industrie.

Le Québec, où logent des entreprises faisant dans les munitions, les capteurs aériens, les systèmes de contrôle de tir et de contremesures ainsi que les systèmes de simulation d’aéronef, représente 28 % du marché canadien. De son côté l’Ouest canadien accapare 20 % du marché (Engineering Revision Request – ERR de navires militaires, ERR d’aéronefs, construction navale et conversion) alors que les provinces de l’Atlantique représentent 14 % du marché (Construction navale et conversion, Evolutionary Power Reactor – EPR d’aéronefs, capteurs aériens, contrôle de tir et contremesure). L’Ontario mène le bal avec 38 % du marché canadien (fabrication de véhicules de combat, aéronefs et fabrication de pièces d’aéronef, capteurs terrestres, contrôle de tir et contremesures).

CAE réalise sa plus grosse acquisition

CAE n’est pas un fabricant d’armement proprement dit, l’entreprise fournit plutôt des solutions de formation et de soutien opérationnel en immersion numérique pour les opérations multidomaines (aériennes, terrestres, maritimes, spatiales et cyber). Le 2 juillet dernier, la société dont le siège social est situé dans l’arrondissement montréalais de Saint-Laurent annonçait l’acquisition de la division de Formation militaire de l’Américaine L3Harris Technologies (10e du classement SIPRI). Cette division comprend notamment Link et Doss Aviation, des entités spécialisées en simulation et en formation.

Il s’agit de la plus importante acquisition de l’histoire de CAE. En intégrant la division Formation militaire de L3Harris Technologies à ses activités, CAE peut maintenant se targuer d’être mondialement la plus importante entreprise en simulation, formation et soutien opérationnel, quelle que soit la plateforme. CAE est reconnue depuis plus de 70 ans comme une entreprise axée sur la simulation et la formation et peut aujourd’hui profiter des 90 ans d’existence de Link Simulation and Training, une pionnière de ce secteur depuis 1929.

Grâce à cette acquisition, CAE USA, filiale américaine de la multinationale canadienne, est dorénavant le principal artisan de programmes clés tels le USAF Simulators Common Architecture Requirements and Standards (SCARS), le F-16 Simulators Training Program (STP) de la USAF (Unités States Air Force), le système d’entrainement des équipages F/A-18 de la US Navy/Marine Corps, l’entrainement Ground Based Strategic Deterrent (GBSD) de la USAF, le système d’entrainement B-2 de la USAF et de nombreux autres.

Mais en ce moment, les gens de CAE n’ont rien à dire sur le conflit qui se déroule en Ukraine. Pour Catherine Thibault, directrice des affaires publiques et communications mondiales chez CAE, la compagnie ne répond pas à des questions sur le sujet. « Nous n’avons rien à annoncer et nous n’avons pas reçu de nouveaux contrats. Il faut savoir que dans le domaine de la défense, ce sont des contrats à très long terme. Les commentaires sur le sujet sont à la discrétion de nos clients. Nous continuons à soutenir les forces de l’OTAN comme nous le faisons toujours », dit-elle.

Rheinmetall Canada

« Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, un événement vraiment fâcheux, nous avons reçu des demandes d’information, mais sans plus. Rheinmetall Canada comme toutes les entreprises de l’industrie de la défense est liée par les limites imposées par le gouvernement du Canada par rapport à cette guerre en Ukraine. Dans notre industrie les règles sont très strictes et nous ne pouvons pas vendre à n’importe qui, nous devons toujours obtenir des licences d’exportation des autorités fédérales. Nous sommes prêts à répondre à toutes les demandes du gouvernement canadien si jamais il fait appel à Rheinmetall Canada pour les efforts de guerre en Ukraine », explique Alain Tremblay, vice-président de l’Expansion commerciale, de l’Innovation et de la Robotique chez Rheinmetall Canada.

Cette dernière est une entreprise possédant une usine à Saint-Jean-sur-Richelieu et des bureaux à Ottawa. Filiale du groupe allemand Rheinmetall, premier fournisseur européen de technologies de défense et de sécurité, Rheinmetall Canada conçoit des solutions novatrices pour l’intégration des systèmes de véhicules et la défense aérienne, des systèmes d’armes, systèmes de commandement et communication, systèmes du soldat et système robotique ainsi que des équipements aéroportuaires de soutien au sol.

L’industrie de l’aérospatiale

L’industrie de l’aérospatiale canadienne englobe de nombreux secteurs et manufacturiers de produits et service dont certains cadrent bien avec l’industrie militaire comme les systèmes de sécurité et de défense électroniques et quelques autres. L’aérospatiale est un secteur industriel important au Canada alors qu’il contribue pour 22 milliards de dollars au produit intérieur brut (PIB) et employait 207 000 personnes en 2020, selon l’Association des industries aérospatiales du Canada. L’aérospatiale a été fortement touchée par la pandémie alors que ces chiffres sont en baisse de 6,2 milliards de dollars et 27 900 emplois par rapport aux statistiques de 2019. L’industrie aérospatiale canadienne exporte 75% de tous ses produits manufacturés ici vers 186 pays sur six continents.

Prix à la hausse

Un article de la plume d’Hélène Baril dans La Presse + du 9 avril 2022 démontrait qu’il n’y a pas juste les fabricants de matériel militaire et de sécurité qui profitaient de ce conflit entre la Russie et l’Ukraine. Par exemple, le Québec produit 95% de l’aluminium canadien et les alumineries tentent tant bien que mal de répondre aux commandes de clients touchés par les sanctions occidentales sur l’industrie russe en augmentant la production et profiter des prix à la hausse, résultant des sanctions. Ce faisant, Hydro-Québec profite également de la consommation à la hausse dans les alumineries.

L’industrie de la défense est prête

Pour Christyn Cianfarani, présidente-directrice générale de l’Association des industries canadiennes de défense et de sécurité (AICDS) et vétérane de la Marine Royale Canadienne, ce qui se passe présentement en Ukraine touche profondément l’industrie canadienne de la défense : « Nous sommes des canadiens et des canadiennes et l’industrie de la défense est remplie de vétérans et ce que l’on entend et voit de la guerre en Ukraine, devient personnel et nous voulons appuyer l’Ukraine dans son combat. Nous demandons toujours ce que nous pouvons faire pour aider sans oublier que tous les équipements que nous pourrions fournir sont réglementés par le gouvernement. »

« Nous ressentons ce que les Ukrainiens peuvent ressentir et nous avons avisé le gouvernement canadien que nous sommes prêts à aider, à agir. Le sujet de la guerre en Ukraine est au premier rang des sujets de toutes les discussions entre nos membres et avec le gouvernement fédéral. Le récent budget comprenait une somme de 500 000 000 $ pour la guerre en Ukraine. Nous espérons que le gouvernement aura la volonté de concrétiser ses promesses. L’Ukraine a déjà déposé sa liste de besoins auprès du Canada. Est-ce que l’Ukraine requiert de l’équipement, des services de support, ce n’est pas très clair, mais nous avons averti le gouvernement du Canada que l’industrie de la défense et de la sécurité au Canada était prête à augmenter la cadence de production, s’il le faut, pour répondre aux besoins de l’Ukraine », de conclure Christyn Cianfarani.

Par Guy Gébert

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