Cette rareté de main-d’œuvre grandissante touche particulièrement le secteur manufacturier, d’où l’importance pour le Québec d’intensifier ses efforts afin de privilégier l’intégration rapide de nouveaux immigrants sur le marché du travail.
Le 2 décembre 2015, Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ) accueillait avec enthousiasme le dépôt du projet de loi 77. Celui-ci a pour objet la mise sur pied de nouvelles mesures dans le but de permettre aux entreprises d’avoir accès à des travailleurs qualifiés pour contrer cette pénurie, et ce, dans les meilleurs délais possible.
« Le mandat de notre organisation est axé autour de trois volets qui sont étroitement reliés, soit de palier le manque de main-d’œuvre qualifiée, de favoriser l’innovation et d’accroître l’exportation », explique M. Éric Tétrault, président de MEQ. « Et en ce qui nous concerne, ce projet de loi qui, plus précisément, vise à augmenter le nombre de travailleurs immigrants qualifiés tout en veillant à accélérer le processus de sélection, représente un scénario des plus optimistes. »
Le vieillissement démographique joue certes un rôle prépondérant dans le contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre avec lequel certaines entreprises doivent composer. M. Tétrault précise toutefois que la situation s’explique aussi par le fait que les métiers plus manuels ou non traditionnels n’ont pas suffisamment été valorisés au cours des 50 dernières années.
« Mais la donne a beaucoup changé depuis. Les PME modernes ne se limitent plus qu’à la production à la chaîne. Elles offrent désormais une vaste gamme de métiers formidables qui exigent plus de créativité, plus de savoir-faire, et pour lesquels les salaires et les perspectives d’avenir sont nettement supérieurs qu’auparavant. Les besoins en matière de main-d’œuvre qualifiée demeurent cependant bien réels au Québec. »
Concrètement, selon une étude menée auprès de 75 entreprises québécoises commanditée par Grant Thornton LLP, 52 % des dirigeants estiment que l’absence de soudeurs, de machinistes, de métallurgistes, d’opérateurs et de techniciens, entre autres, est susceptible de compromettre l’atteinte des niveaux de productivité souhaités.
À la fin de l’année 2015, le gouvernement du Québec a lancé un appel à la générosité auprès des gens d’affaires, en collaboration avec diverses associations patronales, en vue de contribuer à la résolution de la crise humanitaire syrienne. L’idée était d’inciter les entrepreneurs québécois à offrir un emploi à l’un ou l’autre des milliers de réfugiés syriens que le Québec prévoit accueillir durant l’année.
« Il est évident que c’est d’abord et avant tout une opération humanitaire d’accueil en réponse à l’état d’urgence auquel des familles syriennes sont confrontées, » signale Éric Tétrault. « La situation était critique et il fallait tout mettre en œuvre pour leur venir en aide sans tarder. »
En fait, grâce à son programme de parrainage et à la mobilisation citoyenne, la province a déjà accueilli plus de 2 300 réfugiés syriens depuis le tournant de l’année.
« Il nous est néanmoins permis d’espérer que la poursuite de ce mouvement social permettra à des entreprises québécoises d’éventuellement pouvoir recourir aux services de travailleurs syriens hautement qualifiés. Car il faut dire que dans ce pays, comme dans plusieurs autres au Moyen-Orient, un important nombre de travailleurs possèdent des aptitudes techniques ou spécialisées, comme dans les différentes disciplines de génie. Le bassin de travailleurs qualifiés y est donc aussi grand qu’intéressant. »
Les entrepreneurs québécois qui souhaitent recruter de la main-d’œuvre immigrante peuvent bénéficier du Programme d’aide à l’intégration des immigrants et des minorités visibles en emploi (PRIIME) pour obtenir du financement afin de couvrir une partie du salaire et de la formation des immigrants embauchés.
Tous les types d’entreprises peuvent profiter de cet appui financier, outre les organismes publics et les organisations politiques. L’aide financière comporte les quatre volets suivant :
Pour consulter le projet de loi 77, rendez-vous sur le site de l’Assemblée nationale du Québec (www.assnat.qc.ca). Pour obtenir plus d’information sur le programme ou y souscrire, veuillez communiquer avec le Centre local d’emploi (CLE) de votre région.
Parmi les métiers les plus en demande et où la recherche de main-d’œuvre est souvent un véritable casse-tête, il y a notamment celui de soudeur-assembleur. Les entreprises de fabrication d’équipements de transport sont particulièrement touchées par cette pénurie. C’est le cas notamment de Deloupe, le fabricant de semi-remorques de St-Évariste, en Beauce.
En 2013, l’entreprise a accueilli trois travailleurs étrangers possédant déjà des qualifications en soudure-assemblage. Trois Tunisiens, qui n’ont pas atterri à Montréal, comme c’est souvent le cas, mais en région.
« Ce sont des gens qualifiés, qui doivent passer des tests de compétence avant d’arriver ici, explique Pierre-Luc Lavallée, directeur général de Deloupe. Sur les trois que nous avons accueillis, il y en avait un qui ne rencontrait pas les qualifications nécessaires pour le poste. Nous avons dû mettre fin à son emploi. »
L’entreprise a dû mettre en place une stratégie d’accueil pour ces soudeurs venus de Tunisie. Elle a embauché un employé pour veiller à leur intégration, non seulement au sein de l’entreprise, mais aussi dans la communauté. Mais au travail, tout s’est bien déroulé.
« Ils ont été accompagné par un mentor au départ, mais il y avait très peu de formation à faire. L’intégration s’est bien déroulée, même si au départ, il y avait un peu de problèmes de communication. Les autres employés ont très bien réagi, même s’il y a eu des discussions concernant certains avantages dont ils ont bénéficié à leur arrivée, pour les aider au départ. »
Pour Pierre-Luc Lavallée, l’aventure de l’embauche de travailleurs étrangers a été un succès. Une expérience qu’il répèterait ?
« On travaille présentement avec le CIMIC (Centre intégré de mécanique industrielle de la Chaudière) pour l’embauche de finissants au DEP en soudure-montage. On privilégie évidemment l’embauche de gens locaux, on veut développer notre communauté. Mais nos besoins de production augmentent, et on n’a pas le choix de répondre à la demande. Si c’était à refaire, on le referait encore, et si dans un avenir à court ou moyen terme, on doit combler la production par l’embauche d’immigrants, on n’hésiterait pas à le faire. »
Seul bémol : Pierre-Luc Lavallée déplore les difficultés rencontrées sur le plan légal et bureaucratique.
« Il n’y a pas beaucoup d’information de la part des deux paliers de gouvernement. Il faut faire de longues recherches sur Internet, et quand on appelle aux différents ministères, on a souvent des informations contradictoires. »
Bref, Deloupe continue de privilégier l’embauche locale, mais l’expérience d’embauche de travailleurs étrangers aura été positive.