Alors que la ministre des Relations internationales et de la Francophonie, ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration et ministre responsable de la région des Laurentides, Mme Nadine Girault, dépose à l’Assemblée nationale le Plan d’immigration du Québec pour l’année 2021, les réactions de plusieurs associations se font inquiétantes.
Ce plan garde le cap sur les objectifs d’admission annoncés dans la planification pluriannuelle. Il prévoit ainsi un niveau d’immigration permanente de 44 500 à 47 500 personnes admises auquel, s’ajoute un rééquilibrage de 7 000 personnes en 2021 afin de combler une partie des admissions non réalisées en 2020 en raison de la crise sanitaire, dont un déficit se situant entre 13 000 et 18 000 admissions est attendu sur les admissions prévues. Le rééquilibrage des admissions non réalisées en 2020 est prévu au cours des deux prochaines années.
La cible visant à atteindre 62 % d’immigration économique en 2021 est donc maintenue. Selon Mme Girault, « ce plan, comme toutes nos actions, vise à ce que chaque personne immigrante puisse trouver sa place au sein de la société québécoise et contribuer à sa façon à la prospérité collective, à la vitalité du français et ainsi à l’épanouissement d’une société inclusive et harmonieuse. Il témoigne également de la vision du gouvernement de l’immigration comme faisant partie intégrante de la stratégie à adopter afin de faire face aux enjeux démographiques et de la rareté de main-d’œuvre. »
Ces actions sont en phase avec la Planification pluriannuelle de l’immigration pour la période 2020-2022 qui a fait l’objet d’une consultation générale à l’été 2019, tout en prenant en considération le contexte exceptionnel dans lequel nous nous trouvons.
Ce plan permettra de doter le gouvernement du Québec des leviers d’action nécessaires pour atténuer les impacts économiques de la crise sanitaire et répondre aux besoins du marché du travail, à court et à moyen terme. Les objectifs de sélection et d’admission fixés par le gouvernement du Québec contribueront à répondre aux besoins de main-d’œuvre importants dans les secteurs clés de l’économie, en misant sur le recrutement de talents à l’international.
Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ) : inquiétudes
MEQ, qui représente 1100 entreprises à travers la province et 450 000 personnes, est d’avis que ce plan ne permet pas de répondre aux besoins importants de main-d’œuvre, notamment dans le secteur manufacturier, déjà en difficulté à la suite des admissions non réalisées cette année.
« Actuellement, les besoins de main-d’œuvre sont les mêmes qu’avant la pandémie. Dans toutes les régions du Québec, les manufacturiers peinent à trouver les gens dont ils ont besoin. La COVID-19 n’a pas changé cela. Les entreprises manufacturières, pour demeurer pleinement concurrentielles et être en mesure de produire à pleine capacité, ont besoin de l’immigration temporaire et permanente », affirme Véronique Proulx, présidente-directrice générale de MEQ.
MEQ comprend que la crise sanitaire actuelle a certainement contribué à retarder l’atteinte des cibles fixées. Toutefois, l’association demande au gouvernement du Québec de s’assurer d’effectuer le rattrapage le plus rapidement possible et de mettre en place tous les moyens nécessaires pour parvenir à un rééquilibrage.
« Déjà, au cours des dernières années, les seuils en immigration ont été diminués. Si en plus les cibles ne sont pas atteintes, le gouvernement du Québec doit proposer un plan de match solide afin d’en diminuer les impacts sur le terrain. Il doit mettre tout en œuvre pour que les gens qui devaient venir puissent le faire dans les meilleurs délais. Il ne faut pas nuire à l’essor de nos entreprises, surtout pas dans le contexte actuel », ajoute Mme Proulx.
MEQ demande également de revoir le programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) qui relève du gouvernement fédéral. Il devient nécessaire d’assouplir ce programme et de le rendre plus flexible et rapide pour répondre aux besoins des manufacturiers.
Chambre de commerce de Montréal métropolitain (CCMM) : rapidité
Du côté de la CCMM, on y accueille favorablement le rééquilibrage des seuils prévu pour 2021 et 2022.
« Nous reconnaissons que le gouvernement a pris la décision de maintenir les seuils annoncés en 2019, tout en rééquilibrant sur deux ans le déficit d’arrivées causé par la pandémie. Bien que nous jugions ces seuils insuffisants en période de forte croissance économique, ceux-ci nous apparaissent raisonnables dans l’état actuel d’incertitude économique », a déclaré Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.
« Nous sommes convaincus que nous arriverons à intégrer rapidement ces nouveaux immigrants. Les besoins des entreprises sont bien réels. Nous aurons par la même occasion la possibilité de démontrer que la société québécoise et ses entreprises peuvent très bien intégrer un nombre annuel d’immigrants se rapprochant de 60 000 personnes. Déjà, malgré la pandémie et son impact très négatif, plusieurs secteurs de notre économie ont retrouvé le plein emploi. Au cours des 24 prochains mois, les entreprises de la métropole et des régions vont avoir besoin de talents stratégiques, et les diplômés et travailleurs étrangers peuvent en combler une partie », a poursuivi M. Leblanc.
« En plus de fournir des programmes d’aide pour les entreprises touchées par la pandémie, le gouvernement doit s’assurer que les paramètres de notre environnement d’affaires sont favorables à la relance. Le geste posé aujourd’hui par le gouvernement reconnaît que l’immigration est un puissant levier afin de répondre à ce défi et d’assurer un rebond durable de l’économie du Québec et de la métropole », a conclu M. Leblanc.
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) : plus loin
De son côté, la FTQ rappelle qu’un plan crédible de développement des ressources naturelles doit se faire dans une perspective de transition juste et avoir des objectifs de développements social, territorial et environnemental cohérents. Bien qu’il y ait des points positifs, ce qui se retrouve dans le plan de Québec semble incomplet : « Il y a beaucoup de zones grises dans ce plan, notamment en ce qui a trait aux retombées économiques directes et à l’embauche locale pour les régions. Mis à part le secteur des batteries, l’engagement à l’endroit de la deuxième et troisième transformation nous semble bien faible. On ne peut dilapider le sous-sol québécois simplement pour répondre à la demande mondiale. Ces ressources ne sont pas renouvelables, il faut donc s’assurer qu’une quantité importante soit exploitée au Québec dans le respect des normes environnementales », déclare le secrétaire général de la FTQ, Denis Bolduc.
D’ailleurs, en citant l’exemple du secteur des batteries, la FTQ apporte l’idée qu’il faut aller plus loin et viser davantage des plans complets de la filière des transports, ce qui bénéficierait aussi à d’autres domaines.
« Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Ne nous contentons pas d’exporter des batteries, nous pouvons maximiser les retombées en visant une plus grande partie de la chaîne d’approvisionnement. Une filière des batteries doit servir d’impulsion au développement de la filière plus large des transports électriques, qui met aussi à profit nos autres matières premières tels l’acier et l’aluminium, ainsi que l’industrie déjà présente de la fabrication de pièces vouées au secteur des transports », fait valoir le directeur québécois du Syndicat des Métallos, Dominic Lemieux.
« Rappelons que le Québec compte déjà des industries dans la fabrication de camions et de remorques, de véhicules récréatifs, d’avions, ainsi que d’autobus scolaires sur lesquelles on peut s’appuyer pour prendre ce virage du transport électrique. Il y a une opportunité à saisir, ne ratons pas cette chance », conclut Denis Bolduc.
Conseil du patronat du Québec (CPQ) : compréhension
Enfin, le CPQ se dit déçu du nombre d’immigrants reçu mais ne blâme pas le gouvernement : « C’est un contexte particulier, il faut le reconnaitre. En ce sens le Plan présenté amène quelques solutions intéressantes, mais on ne peut oublier que la crise actuelle exacerbe un problème de rareté de main-d’œuvre que nous dénonçons depuis plusieurs années » précise Karl Blackburn, président et chef de la direction du CPQ.
Dans ce contexte, le CPQ souligne que le rattrapage plus important prévu pour l’année 2021 est une sage décision et apprécie également la hausse à 62 % de la part de l’immigration économique sur les admissions totales.
Malgré tout, il semble tout de même encore y avoir un écart important avec les besoins réels des entreprises québécoises, il n’y aura dans les faits qu’entre 12 800 et 15 000 admissions au chapitre des travailleurs qualifiés, soit un niveau inférieur au minimum de la fourchette planifiée de 21 600 à 22 000 admissions.