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Sep

Les matériaux composites en milieu industriel – L’âge de la fibre

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L’histoire de l’humanité est marquée de jalons qui indiquent ce que nos ancêtres utilisaient pour confectionner leurs armes, ériger leurs constructions ou élaborer leurs œuvres d’art.

Il y a eu l’âge de pierre. Puis l’âge de bronze, que l’on peut qualifier de pré-composite puisqu’il s’agissait déjà d’un alliage combinant les avantages du cuivre et du laiton. Des millénaires plus tard, l’être humain est entré dans l’âge de la fibre, à la base de matériaux composites tels que la fibre de verre ou la fibre de carbone qui sont partout autour de nous.

À la différence des alliages tels que l’acier qui continuent de nous rendre de fiers services, les matériaux composites ne contiennent pas de métal et présentent des propriétés qui vont au-delà de celles de la somme de leurs éléments, l’absorption des chocs ou la résistance aux charges à titre d’exemples de propriétés mécaniques.

« La plupart des composites utilisent des matrices thermodurcissables qui réticulent sous l’action d’un réactif », explique Janic Lauzon, directrice du Centre de développement des composites du Québec (CDCQ), rattaché au Cégep de St-Jérôme.

Dit autrement, l’addition d’une résine (le réactif) à des fibres font que l’ensemble relie des chaînes de polymères pour en faire un réseau sous l’effet de la chaleur. C’est d’ailleurs pourquoi on parlera de matières thermoducissables qui, au contraire des plastiques traditionnels, ne se déforment plus à haute température une fois durcis.

En entrevue au Magazine MCI, Mme Lauzon donne l’exemple de l’avion Bombardier CSeries – maintenant Airbus A220 – qui comporte de nombreuses composantes de fibre de carbone pour illustrer cette différence. « Quand on a fait l’avion CSeries, on a fait un fuselage en matériaux composites. On ne voulait pas que, une fois exposé au soleil, il se mette à fondre », explique-t-elle.

Beaucoup plus légère que l’aluminium et ses nombreux rivets, la fibre de carbone utilisée dans l’aéronautique permet à un avion de diminuer substantiellement sa consommation de carburant, augmentant son rayon d’action ou sa charge utile et diminuant les frais par siège occupé.

Le prix très élevé de la fibre de carbone constitue toutefois une barrière à l’entrée faisant en sorte que, pour le moment, pratiquement seules de très grandes industries pouvant bénéficier de ces économies à long terme y font appel.

Les systèmes de transport en commun tels que les autobus ou les rames de métro pourraient aussi fort bien optimiser leurs opérations et diminuer leurs émissions de GES en utilisant cette fibre poids plume aux propriétés mécaniques éprouvées. Toutefois, les acheteurs que sont les administrations publiques privilégient plus souvent qu’autrement le plus bas soumissionnaire à l’achat, sans égard au coût de propriété total du cycle de vie.

« On ne peut pas arriver à faire des pièces en carbone et être le plus bas soumissionnaire », indique la directrice du CDCQ, soulignant que des aspects tels que les émissions de GES ne figurent généralement pas dans les devis de transport en commun. « C’est le plus bas soumissionnaire qui va gagner. »

Cela dit, les matériaux composites sont de plus en plus présents dans le secteur industriel. Mme Lauzon convient que, pour un capot de voiture ou de camion à la forme relativement simple et rectangulaire n’exigeant qu’un pliage rudimentaire, l’aluminium peut s’avérer un choix judicieux de réduction de poids par rapport à l’acier.

« Par contre, si j’ai une pièce qui est très complexe et qui comprend un assemblage de 10 pièces d’aluminium dans lesquelles il faudra mettre des vis, des boulons ou des rivets, si on peut remplacer cette pièce-là par une seule pièce en composite exempte de métal, on réalise un gain parce qu’on diminue les coûts d’assemblage et on diminue le poids encore davantage par rapport à l’aluminium », précise-t-elle.

Partout autour de nous

C’est pour cette raison que la fibre de verre, légère, indifférente à la corrosion et jusqu’à 20 fois moins chère que la fibre de carbone, a déjà été largement adoptée par le secteur manufacturier et est partout autour de nous. Dans nos bains et douches, la carrosserie de certaines voitures telles que la Corvette, les embarcations nautiques – qui bénéficient d’un autre composite, le kevlar, pour sa résistance à l’abrasion des fonds rocheux – ou encore l’équipement de sport comme les casques de hockey.

La fibre de carbone, elle, tarde toutefois à se répandre en raison de ses coûts très élevés. Ces coûts ne sont pas nécessairement un frein pour des entreprises telles qu’Argon 18 à Montréal, qui utilise la fibre de carbone dans ses vélos de très haut niveau qui font bonne figure dans les grands tours cyclistes mondiaux, Motion composites de St-Roch-de-l’Achigan dans Lanaudière qui fait des fauteuils roulants ultralégers en fibre de carbone ou Sanexen de Brossard (voir autre texte) qui, utilise des fibres de polymères mariées à de la résine d’époxy pour réhabiliter des conduites d’aqueduc sans avoir à charcuter les rues sous lesquelles elles se trouvent.

Cela signifie que même les PME manufacturières peuvent se distinguer de leurs concurrents grâce aux matériaux composites, pour peu qu’elles fassent leurs devoirs et s’assurent que leur modèle d’affaires y est adapté.

« Il faut regarder ce qu’on essaie d’obtenir », donne Mme Lauzon comme premier conseil aux industriels envisageant l’utilisation des matériaux composites dans leurs processus de fabrication. Cherche-t-on d’abord une résistance à la corrosion? À fabriquer des panneaux de toiture résistants aux tornades? Il importe également de tenir compte du volume de production, qui doit être élevé pour absorber les coûts des moules qui sont inhérents à la fabrication de pièces composites.

En plus des firmes de consultants privés, des établissements publics tels que le CDCQ peuvent renseigner les entreprises se questionnant sur la pertinence – et la rentabilité – d’intégrer les matériaux composites à leurs opérations, parfois avec l’aide de programmes de subventions.

« Notre mission à nous, c’est d’accompagner les entreprises de toute la chaîne des composites avec des services de recherche appliquée, d’aide technique, de diffusion de l’information et de transfert des connaissances », explique Mme Lauzon, ajoutant : « Notre mandat, c’est de créer de la richesse au Québec. »

À titre d’exemple de recherche appliquée pouvant mener à la création de nouveaux débouchés économiques, le CDCQ travaille présentement avec l’industrie forestière à déterminer la possibilité d’intégrer la fibre de bois – la cellulose – à de nouveaux matériaux composites renouvelables.

Mais les défis sont grands, notamment parce que la cellulose est hydrophile; elle aime l’eau qui est l’ennemie jurée des composites actuels. « Dès qu’il y a de l’eau, ça vient tout bousiller. Ça cause des fissures, ça diminue les propriétés mécaniques », indique l’experte du CDCQ. « Le gros enjeu qu’on doit résoudre, c’est d’assécher complètement la cellulose avant de pouvoir l’utiliser et la mettre en forme dans les matériaux composites », précise-t-elle.

Mme Lauzon et son équipe poursuivent parallèlement d’autres projets à vocation environnementale, comme celui des résines bio-sourcées ou du recyclage de la fibre de carbone en collaboration avec des firmes telles que Bombardier Transport, Bombardier Aéronautique et Bell Helicopter.

Par Eric Bérard

Cr photos CDCQ

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