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Le secteur manufacturier, un pilier économique du Québec, est sous pression. Il représente 13,5% du PIB québécois ainsi que 86,5% des exportations. La fabrication est d’ailleurs le secteur économique le plus important relativement à sa contribution au PIB du Québec[1]. Il a généré des ventes globales de près de 153 milliards de dollars en 2020 et il emploie près d’un demi-million de personnes au Québec. Les entreprises manufacturières ont un rôle majeur à jouer afin d’assurer le développement économique régional, mais elles sont également un moteur de l’économie au niveau national.

Comment vont nos entreprises manufacturières?

Les entreprises manufacturières, malgré qu’elles soient confrontées à des impacts importants de la COVID-19, roulent à plein régime. En avril 2022, le niveau d’emploi dans le secteur manufacturier québécois est revenu à 99,5% lorsqu’il est comparé à celui de février 2020, soit avant la pandémie. Pour plusieurs sous-secteurs manufacturiers, la demande est forte et les carnets de commandes débordent. Néanmoins, pour certains sous-secteurs comme les équipements de transports et l’aérospatial, la reprise est plus difficile.

La pandémie est d’ailleurs venue exacerber les enjeux de main-d’œuvre que connaissaient déjà les manufacturiers et a bouleversé leurs stratégies d’approvisionnement. En effet, les multiples perturbations de la chaîne d’approvisionnement au cours des derniers mois ont augmenté le niveau d’incertitude pour les entreprises, augmentant les coûts, occasionnant des délais de livraison et engendrant des ruptures de stock chez certains fournisseurs. Cela sans compter l’inflation qui galope et les coûts liés aux transports qui augmentent.

Les principaux défis du secteur manufacturier

Malgré tout, les manufacturiers ont le potentiel de contribuer encore plus au PIB québécois et de générer davantage de richesse. Pour cela, il faut leur donner les outils nécessaires pour les aider à surmonter les trois principaux défis auxquels ils sont actuellement confrontés : la pénurie de main-d’œuvre, l’augmentation de leur productivité et les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement.

1- Pénurie de main-d’œuvre: Avoir accès aux travailleurs dont nous avons besoin

Premièrement, la pénurie de main-d’œuvre frappe de plein fouet les manufacturiers. Au Québec, le taux de chômage est passé de 4,1 % en mars à 3,9 % en avril, ce qui est le taux le plus faible jamais enregistré dans la province. De plus, le nombre d’emplois vacants uniquement dans le secteur de la fabrication au Québec était de 31 565 au quatrième trimestre de 2021.

D’ailleurs, selon un sondage effectué par MEQ, 98,5 % des entreprises manufacturières sondées affirment avoir besoin de main-d’œuvre et 70 % de ces entreprises disent refuser des contrats ou payer des pénalités de retards de production[2].

En raison de la pénurie de main-d’œuvre, les entreprises subissent des pertes de plusieurs millions de dollars en contrats refusés et/ou en perte d’opportunité due aux retards occasionnés. Dans le sondage de MEQ, on constate que le Québec a laissé sur la table 18 milliards de dollars dans les deux dernières années, seulement dans le secteur manufacturier, en raison de la pénurie de main-d’œuvre[3].

Nous savons que la pénurie de main-d’œuvre ne se règlera pas en criant ciseau et qu’elle implique d’actionner différents leviers en même temps pour en diminuer les impacts. D’ailleurs, ce ne sont plus que les entreprises qui en subissent les répercussions, mais la population de manière générale qui s’inquiète des impacts de la pénurie de main-d’œuvre sur la qualité, le prix et la disponibilité des biens et services.

Il n’y a pas une solution magique à la pénurie de main-d’œuvre et l’immigration n’est pas LA seule solution, mais il ne faut pas se mettre la tête dans le sable. Le bassin de travailleurs est limité.

L’addition de différentes mesures pourra faire la différence. On peut penser notamment à :

  • Hausser les seuils d’immigration et à mettre sur pied des programmes d’immigration permanente priorisant les travailleurs étrangers temporaires du secteur manufacturier;
  • Déployer des initiatives pour attirer les jeunes, les femmes et les clientèles éloignées du marché du travail et mieux faire connaître le secteur;
  • Créer des fonds dédiés en formation pour le secteur manufacturier;
  • Accentuer l’accompagnement et le soutien financier et technique en matière d’automatisation et de robotisation.

2- Innovation et productivité: Favoriser la compétitivité de nos manufacturiers

Deuxièmement, pour être concurrentiel, le secteur manufacturier québécois doit avoir en main tous les outils pour favoriser l’innovation et être plus productif. Le manufacturier est un incontournable en matière d’innovation et de recherche et développement (R&D). Il représente d’ailleurs près d’un dollar sur deux des dépenses réalisées en innovation au Québec[4].

Les manufacturiers peuvent ainsi contribuer davantage à stimuler l’innovation, à maintenir, voire augmenter, leurs activités en matière de R&D et ainsi être plus compétitifs sur la scène internationale.

De plus, ce sont nos entreprises manufacturières qui feront bouger l’aiguille pour rattraper l’écart de productivité entre le Québec et l’Ontario. Le taux de croissance de la productivité du travail du secteur manufacturier québécois a augmenté plus rapidement que celui de l’Ontario et celui du reste du Canada. Il faut poursuivre les efforts. Le gouvernement doit alors offrir plus de contributions non remboursables pour l’achat d’équipements liés à la robotisation et l’automatisation des PME et mieux arrimer ses actions en

matière de formation et d’accompagnement pour les manufacturiers qui investissement dans des nouvelles technologies.

3- Chaînes d’approvisionnement: Assurer une plus grande résilience et efficacité

Troisièmement, depuis plus de deux ans, les manufacturiers sont continuellement touchés par de nouvelles perturbations dans leurs chaînes d’approvisionnement. Les grèves au Port de Montréal, les inondations en Colombie-Britannique, le blocus ferroviaire, la situation avec les camionneurs transfrontaliers et, bien sûr, la pandémie, ne sont que quelques exemples qui ont compliqué l’accès aux produits. Les entreprises font des pieds et des mains pour trouver les composantes et les biens dont elles ont besoin.

Les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement ont ainsi des impacts concrets sur les manufacturiers québécois et, bien que leurs causes soient multiples, elles ont entraîné des pertes de ventes de plus de 8,3 milliards de dollars, selon un sondage mené auprès de 300 manufacturiers québécois par MEQ. En effet, 90% des manufacturiers québécois déclarent subir des perturbations liées à leur chaîne d’approvisionnement, dont 60 % les qualifient de majeures ou de sévères.​

Les trois principaux obstacles dans la chaîne d’approvisionnement auxquels sont confrontés les manufacturiers sont :

  • Les problèmes de production en raison de la pénurie de main-d’œuvre et de l’absentéisme (60% des répondants).;
  • La hausse des coûts de transport (46%);
  • L’accès aux composants critiques provenant de fournisseurs étrangers (41%).

Par ailleurs, 90% des entreprises sondées sont d’avis que la disponibilité de la main-d’œuvre représente un défi pour augmenter leur production au Canada. Les enjeux liés à la pénurie de main-d’œuvre ont donc un rôle à jouer dans les perturbations au sein de nos chaînes d’approvisionnement.

Pour améliorer la résilience et l’efficacité de nos chaînes d’approvisionnement, il faut, entre autres, cartographier la chaîne d’approvisionnement en matière de biens manufacturés d’importance stratégique pour cibler les besoins d’investissement. Il faut également protéger et investir dans les infrastructures économiques essentielles qui facilitent le commerce et le développement industriel.

La compétitivité des manufacturiers est clé

Ainsi, les manufacturiers sont fortement exposés à la concurrence internationale et se doivent d’être très compétitifs, surtout dans un contexte où les chaines d’approvisionnement mondiales sont fragiles. Cette compétitivité passe notamment par une productivité accrue et un accès à la main-d’œuvre en nombre suffisant et en qualité (tant en ce qui concerne les connaissances que les compétences).

De plus, l’intégration de facteurs en matière d’ESG (environnement, société et gouvernance) pour les entreprises manufacturières pourrait générer des occasions d’affaires intéressantes qu’il faudra savoir saisir rapidement.

Si nous souhaitons, au Québec, fabriquer davantage de produits ici, si nous souhaitons augmenter notre empreinte manufacturière, il faudra bien accompagner nos manufacturiers dans les défis auxquels ils doivent faire face pour demeurer compétitif et diminuer la pression.

[1] Institut de la statistique du Québec. (Janvier 2021). Produit intérieur brut par industrie au Québec.

[2] TACT. (2021). Rapport de sondage.

[3] TACT. (2021). Rapport de sondage.

[4] Les Affaires. (2021). Les régions tirent le secteur manufacturier vers le haut.

Par Véronique Proulx, présidente-directrice générale de Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ)

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