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Les Beaucerons s’attaquent à la pénurie de main-d’œuvre – ICI, ON EM-BEAUCE !

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Des panneaux géants de recrutement se dressent à l’entrée des usines et entreprises à la grandeur de la Beauce industrielle : « ICI, ON EMBAUCHE ». Dans cette contrée traditionnellement bien pourvue en main-d’œuvre qualifiée, les nouveaux travailleurs manquent à l’appel. Il est vrai qu’avec un taux de chômage inférieur à 5 pour cent, la demande dépasse largement l’offre.

Devant cet état de fait, la proverbiale ingéniosité des Beaucerons tourne à plein régime. Tout en multipliant les efforts de formation et de mise à niveau du personnel déjà en poste, une panoplie de mesures et d’initiatives visant à attirer et à retenir de nouveaux employés se mettent en place.

Beauce «Speed Dating»

« Nous en sommes rendus au cyber-dating et aux foires de l’emploi virtuelles pour attirer les nouveaux travailleurs. Et ça marche », assure Cassiopée Dubois, coordonnatrice de La Beauce embauche, une vitrine-emplois dont s’est doté le Conseil économique de Beauce, en concertation avec le CLD Robert-Cliche, Développement économique Nouvelle-Beauce et des employeurs et chambres de commerce des trois MRC de la Beauce.

À preuve, lors d’un premier « Beauce Job Dating » en ligne, le 8 décembre dernier, plus de 80 candidats ont sollicité pas moins de 135 entrevues auprès de 20 entreprises beauceronnes participantes.

Modèle allemand

Des projets-pilotes ont été testés et implantés en région dans la foulée du Plan économique du Québec d’avril 2015. Ainsi, deux projets en formation professionnelle, l’un en soudage-montage, en Beauce, l’autre en techniques d’usinage, en Mauricie, ont été mis sur pied. Deux autres expériences-pilotes, celles-là en formation technique, ont été entreprises : à Thetford Mines, en techniques de plasturgie, et à Jonquière, en génie mécanique.

Tous ces projets ont ceci en commun : ils s’inspirent d’un modèle allemand de formation professionnelle appelé système « dual». En Allemagne, 438 000 entreprises et quelque 1,5 million d’apprentis se sont déjà prévalus de ce modèle. Il consiste à employer l’élève dans une entreprise en même temps qu’il suit sa formation. L’apprenti consacre ainsi 50 pour cent de son temps en entreprise et reçoit un salaire.

La Commission scolaire de la Beauce-Etchemin, avec la complicité des entreprises du milieu, a monté de toutes pièces un programme en soudage-montage. L’étudiant y reçoit 11 700 $ en salaire.

Depuis un an, deux cohortes d’étudiants en soudage-montage ont franchi le fil d’arrivée ou sont sur le point de le faire alors qu’une 3e cohorte terminera sa formation en août 2017. Ce projet-pilote, selon sa coordonnatrice, redonne le sourire aux employeurs et un salaire aux apprentis.

« Le système Dual, c’est merveilleux. Cela nous permet de préparer rapidement une main-d’œuvre qualifiée. On n’attire pas les mouches avec du vinaigre. Dual, c’est la même chose. Si on veut être attirants, il faut des incitatifs. Dual en donne. La formation permet d’offrir des salaires pendant la formation, en garantissant un emploi dès le départ de la formation », affirme Véronique Bolduc, précisant que le modèle allemand a été ajusté à la réalité beauceronne.

Viens te souder au Québec

Selon Véronique Bolduc, lorsqu’il est question d’approche sectorielle en Beauce, plusieurs partenaires ont l’habitude et la capacité de travailler ensemble pour augmenter le bassin de main-d’œuvre.

Sa collègue, Marise Delisle, agente de développement aux entreprises, abonde dans le même sens.

« Nous croyons beaucoup à la reconnaissance des compétences. On était déjà liés avec les entreprises du secteur métallique, les CLD, les Centres de formation en entreprises, le Conseil économique de Beauce, et bien d’autres. On travaillait déjà ensemble sur des projets avec Emploi Québec aussi. Tout le monde se connaissait déjà. On a aussi fait le projet « Viens te souder au Québec ». Nous sommes allés recruter des élèves en France pour que ceux-ci viennent suivre ici leur formation en soudage-montage au Centre intégré de mécanique industrielle de la Chaudière, à St-Georges. On recrute encore aujourd’hui. Jusqu’ici, nous avons accueilli 56 élèves français ».

Valérie Fortin, une ancienne coiffeuse recyclée en soudeuse, est apprentie chez Canam et Manac. Elle trouve le système Dual d’apprentissage plus rapide.

« On voit la réalité du métier plus vite. On voit aussi assez rapidement si l’on va aimer ça. Dès la 3e semaine de la formation, on va en entreprise. On se sent plus près du marché du travail assez vite ».

Francis Riel, est apprenti chez PHL, une entreprise manufacturière de St-Éphrem de Beauce. Âgé de 24 ans, cet ancien bûcheron sous-contractant pour Hydro-Québec a débuté ses cours de soudage-montage le 11 janvier 2016. Fin avril 2017, il aura complété sa formation. Il est emballé par le système Dual.

« C’est comme utiliser un ascenseur plutôt qu’un escalier. T’es moins essoufflé. Je suis payé 16 $ de l’heure pour apprendre mon métier. Sans cet incitatif, j’aurais abandonné ».

Les employeurs participants partagent le même enthousiasme.

« Nous avons deux apprentis en ce moment qui travaillent pour nous : un soudeur de la cohorte no 1 et un soudeur de la cohorte no 2. Il est question qu’on en recrute encore dans la prochaine cohorte», estime Nelson Berthiaume, directeur de production chez Équipements COMACT, une entreprise manufacturière d’équipements de moulins à scie.

En tout, les apprentis effectuent 900 heures d’apprentissage en entreprise et en centre de formation.

L’immigration, voie d’avenir

Sylvie Lessard, adjointe aux ressources humaines chez René Matériaux Composites, division Sigma, une entreprise manufacturière de St-Éphrem, croit que la pénurie de main-d’œuvre, même pour du travail pourtant bien payé de manœuvre-journalier ou d’opérateur, est un phénomène générationnel.

« Depuis environ 10 ans, on dirait que le sentiment d’appartenance à une entreprise n’existe plus chez les jeunes travailleurs. Pour un salaire supérieur de 25 cents seulement, des jeunes sont prêts à quitter leur emploi. Ici, on fabrique des pièces de camions lourds et des planchers d’autobus. On n’exige pas de formation, et pourtant, on manque de personnel. En ce moment, nous aurions besoin d’au moins une douzaine de travailleurs. Voilà pourquoi nous devons recourir à du personnel immigrant. Ils sont très compétents et vaillants », de dire Sylvie Lessard.

La directrice générale du Conseil économique de Beauce, Hélène Latulippe, déplore que les immigrants s’établissent plus souvent qu’autrement dans les grandes villes.

« Notre économie est très diversifiée et nos secteurs, comme la métallurgie, sont en pleine croissance. On connaît davantage le phénomène du vieillissement et on n’a pas suffisamment accès à l’immigration, qui se limite aux grands centres urbains. Si les immigrants arrivaient directement en région, on pourrait en garder plusieurs ».

En Québec-Chaudière-Appalaches, la firme Bernier Beaudry, avocats d’affaires, a d’ailleurs créé une filiale en 2012 en droit de l’immigration : BB Immigration inc.

« C’est au cours d’une croisière en Asie que je me suis rendu compte du potentiel que l’immigration pouvait représenter pour une société vieillissante et à la recherche de main- d’œuvre et de repreneurs d’entreprises comme la nôtre. J’ai donc décidé de démarrer une filiale dédiée au droit de l’immigration», souligne Me Roger Beaudry, croisé à la sortie d’un déjeuner d’affaires, à St-Georges de Beauce.

BB Immigration et Québec International viennent d’ailleurs d’établir un partenariat, ce qui devrait ouvrir les portes du recrutement d’une main-d’œuvre internationale. Lors d’une récente mission de recrutement, en novembre dernier, la firme d’avocats-conseils a reçu un nombre record de candidatures de qualité.

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