La relance économique soulève de nombreuses préoccupations environnementales : d’un côté, il y a les défenseurs de la croissance à tout prix et de l’autre, ceux qui pensent que notre salut repose sur une nouvelle approche économique. L’équipe du nouveau Centre d’études et de recherche intersectorielles en économie circulaire (CÉRIÉC), qui vient tout juste d’être créé à l’École de technologie supérieure (ÉTS), croit qu’il est possible de rallier les deux visions par l’adoption d’un nouveau modèle : l’économie circulaire.
Daniel Normandin, directeur général du CÉRIÉC et expert reconnu en économie circulaire, croit fermement aux vertus potentielles de ce modèle qui aurait le mérite d’accroître le produit intérieur brut (PIB), de créer des emplois, tout en réduisant les impacts globaux sur l’environnement, dont les émissions de gaz à effets de serre (GES), tel que démontré dans le rapport des opportunités et des impacts économiques de l’économie circulaire au Québec de mars 2018.
L’économie circulaire est un modèle économique qui recherche des compromis viables entre le développement économique et la protection de nos ressources et de l’environnement. Il tient compte de la finitude des ressources et des limites planétaires.
Pour ce faire, l’économie circulaire vise à optimiser la productivité des ressources déjà présentes sur le marché de manière à réduire le recours aux ressources vierges. Cela passe par une analyse des flux de matières à l’échelle des chaînes de valeur et des territoires ainsi que de leur potentiel de « circularisation », c’est-à-dire la capacité de réinsérer les matières dans le système économique afin que leur finalité ne soit pas une sous-utilisation ou les sites d’enfouissement.
Mieux connu en Europe et dans certains pays asiatiques, ce modèle commence lentement à prendre son essor sur le territoire nord-américain. Un enjeu auquel compte s’attaquer le CÉRIÉC en mobilisant davantage de chercheurs, d’entreprises et de gouvernements à la valeur de ce modèle économique doté d’une perspective de développement durable. Cela dit, il faudra être patient puisque la transition vers l’économie circulaire n’en est qu’à ses balbutiements. Les spécialistes croient que 15 à 20 ans seront nécessaires avant que ce modèle ne devienne prédominant et se substitue au modèle linéaire actuel, qui consiste à extraire, consommer et jeter.
Une nouvelle unité de recherche à l’ÉTSAu cours des prochains mois, Daniel Normandin et l’équipe du CÉRIÉC réuniront des professeurs-chercheurs de plusieurs universités et spécialités afin d’accélérer le développement des connaissances et des compétences nécessaires à la transition vers l’économie circulaire. Ils tiendront des ateliers de travail avec des professeurs-chercheurs en vue d’élaborer une programmation de recherche interdisciplinaire. Ils souhaitent aussi poursuivre la sensibilisation des entreprises et des gouvernements à l’économie circulaire, tout en regroupant les autres acteurs du terrain autour de ce projet commun. Plusieurs living labs seront aussi organisés au cours des 5 prochaines années, grâce à un don de 2 millions de dollars de Desjardins. Ces derniers permettront de réunir autour d’une même table les principaux acteurs d’une même chaîne de valeur en vue d’en accélérer la « circularisation » et de constituer des « boucles de valeur ».
Pour les chercheurs et les étudiants en génie, l’économie circulaire représente un beau carré de sable. « Par exemple, de nombreuses carcasses d’avions finissent entassées dans des déserts, comme celui de l’Arizona, parce qu’on ne sait pas encore comment valoriser les alliages métalliques qui entrent dans leur composition. C’est aussi vrai pour de nombreux biens de consommation courants, tels que nos cellulaires, par exemple. Si une équipe d’ingénieurs parvenait à concevoir une technologie permettant de retrouver les métaux initiaux qui entrent dans la composition de ces alliages, nous pourrions reconstituer de véritables gisements de matières premières », illustre le directeur du CÉRIÉC.
« Plus de 90 % des ressources extraites terminent leur vie dans des sites d’enfouissement, sont dissipés sous forme de pollution dans l’environnement ou sont stockées de manière improductive dans le marché. Il faut que ça change », conclut le directeur, qui rappelle au passage que nous extrayons annuellement plus de 100 milliards de tonnes de ressources naturelles dans le monde, et que ce chiffre est encore appelé à croître si les choses ne changent pas.
Rapport Économie circulaire au Québec : opportunités et impacts économiques.