En effet, plus les années passent et plus il est difficile, face aux changements climatiques frappants, de nier les catastrophes naturelles. Par contre, il est plus facile d’être sceptique quant à la méthode de lutte contre les éventuels cataclysmes. En ce sens, l’approche de l’écoconception gagnerait à être mieux connue.
Celle-ci consiste en une approche préventive et globale de la production. Elle propose la gestion des impacts environnementaux des produits de consommation, et ce, à toutes les étapes de leur cycle de vie.
Ainsi, plutôt que de chercher à minimiser ces impacts une fois le produit mis en marché, les adhérents de l’écoconception s’efforcent de le faire dès la conception du produit, du choix des matières premières au choix du transport, en passant par l’analyse de l’impact du recyclage, etc.
L’idée est a priori assez emballante : non seulement elle peut s’appliquer aux consommateurs, aux politiques gouvernementales et aux entreprises, mais il semble qu’elle puisse aussi s’appliquer à la population en général. Vous vous demandez sûrement : « Mais où est donc l’attrape? »
Il faut dire que ces innovations sont récentes et que l’idée prend du temps pour faire son chemin. Bien que certains gestes écoconceptuels soient faits par l’État, il est difficile d’imaginer comment celui-ci pourrait parvenir à asseoir une politique verte, cohérente avec l’écoconception, tant sa structure politique favorise le court-termisme.
Autrement dit, dans un contexte où tous les faits et gestes d’un parti politique déterminent s’il sera élu ou non, comment être surpris par cette tendance politique à privilégier le gain immédiat au détriment du résultat futur? Comment la politique verte peut être encore crédible?
Dans les faits, il semble bien que la tendance soit que le discours environnemental est surtout repris par la gauche politique. Est-ce contingent ou y a-t-il un conflit interne entre la droite politique et la politique verte?
Il est vrai que plusieurs partis politiques font pourtant de la lutte environnementale un enjeu de premier ordre.
Évidemment, tout dépend de la définition que l’on donne de l’axe gauche-droite en question. Par exemple, si on prend la droite en termes de retrait de l’État, l’écoconception serait alors difficilement réalisable puisque cette approche, plutôt globale que fragmentaire, commande une attitude plus proactive que passive.
L’incompatibilité ne s’arrête malheureusement pas là. En effet, si l’approche globale de l’écoconception a pour objectif premier la réduction maximale des impacts environnementaux d’un produit, le résultat escompté est bien sûr la durabilité des produits de consommation.
Cependant, nous ne pourrons parler d’un réel gain d’efficacité si ces produits plus verts sont par ailleurs consommés toujours en plus grande quantité.
Or, le principe même du système économique dans lequel le Québec se déploie exige une croissance économique continue. Du coup, tant que le modus operandi sera de consommer toujours plus, l’apport bénéfique que pourrait apporter l’écoconception restera marginal.
Ainsi, le réel conflit n’est peut-être pas tant sur le plan politique et sa tension gauche-droite, mais sûrement davantage sur le plan d’une vision en faveur d’un avenir de développement durable contre celle d’un système global politique forçant le contraire.
Au fond, peut-être est-ce à cela que ressemblerait l’écoconception appliquée à la politique : une structure ne répondant pas à la logique économique, une structure devant être pensée dès la conception du produit et conçue selon l’idée d’une économie au service de l’humain et non l’inverse?
Si le court-termisme, caractéristique du politique, peut s’avérer être un frein à cette stratégie prometteuse, peut-être vaut-il mieux, pour l’instant, miser sur nos institutions pour véhiculer cette politique verte… En réalité, les institutions perdurent dans le temps en plus d’incarner, par leur structure collective, le fait que nos choix ont toujours des répercussions dépassant le simple individu.
Emmanuelle Gauthier-Lamer Université de Montréal