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Le plus bas soumissionnaire conforme, vraiment?

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Octroi de contrats d’infrastructures

De façon épisodique, lorsqu’une volée de nids de poule attaque un tronçon de route ou qu’une structure stratégique doit être remplacée de façon prématurée, des commentateurs remettent en question la fameuse règle du « plus bas soumissionnaire conforme » dans l’octroi de contrats d’infrastructures publiques.

Certains y voient un nivellement par le bas au détriment de la qualité. Pour d’autres, il s’agit d’un mode de gestion à courte vue qui ne tient compte que du coût d’acquisition, pas du coût total de propriété sur le cycle de vie entier de la solution retenue.

Afin d’éclaircir le portrait, le Magazine MCI a discuté de la question avec les gens qui émettent les appels d’offres et un représentant de ceux qui tentent de les décrocher, soit le sous-secrétariat aux marchés publics du secrétariat du Conseil du trésor du Québec* et M. Pierre Tremblay, directeur, science, technologie et innovation de l’Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ).

Pas toujours le moins cher

À Québec, on indique dans un premier temps que le principe du plus bas soumissionnaire conforme est établi depuis longtemps dans l’octroi de contrats publics. « Le contrat est adjugé à l’entreprise dont le prix de la soumission est le plus bas parmi les soumissions conformes qui ont satisfait à tous les critères de qualité », expliquent les représentants du gouvernement.

On rappelle toutefois du même souffle que ce n’est qu’une des options qui s’offrent aux gestionnaires de l’État, en vertu de la Loi sur les contrats des organismes publics, entrée en vigueur en 2008. La formule du « prix ajusté le plus bas » représente un compromis intéressant, en ce qu’elle tient compte du rapport qualité-prix, à l’aide d’une formule mathématique. « L’organisme public évalue la qualité des soumissions, ajuste le prix selon la formule mathématique et adjuge le contrat au soumissionnaire dont la soumission est conforme et dont le prix ajusté est le plus bas », précise le gouvernement du Québec.

Il existe même un mode d’attribution de contrats qui s’appuie uniquement sur le niveau de qualité proposé. « Le contrat est alors adjugé au prestataire de services dont la soumission acceptable a obtenu la note finale la plus élevée », explique Québec, ajoutant que ce mode peut être utilisé lorsque des tarifs sont applicables et qu’il est même « obligatoire dans le cas de contrats de service professionnel avec un architecte ou un ingénieur (autre qu’un ingénieur forestier). »

Chaque organisme public est responsable de déterminer la stratégie d’acquisition qui lui semble la plus adaptée pour acquérir ses biens ou ses services et la personne qui dirige cet organisme est imputable de cette décision.

Plus d’interactions client-fournisseur

Bien qu’il plaide pour une modernisation des processus, M. Tremblay n’est pas prêt à jeter à la poubelle la formule du plus bas soumissionnaire conforme, lorsque les règles du jeu sont établies de façon précise.

C’est là que le mot « conforme » prend toute son importance. « Quand les clauses contractuelles sont claires, quand les produits voulus sont clairs, quand la manière de faire les choses est claire et qu’il y a peu ou pas d’espace à la surprise, un contrat en plus bas conforme, ça va demeurer », déclare l’expert de l’ACRGTQ.

À Québec, les fonctionnaires lui donnent entièrement raison, en disant que l’organisme public qui émet un appel d’offres « doit indiquer clairement les exigences attendues (spécifications techniques, fonctions, attributs, etc.) à l’égard du bien ou du service demandé. Des exigences clairement décrites assurent un niveau de qualité attendu. »

Il y a tout de même place à amélioration selon M. Tremblay. « On est en 2021, donc on est rendu à moderniser les modes d’attribution de contrats », estime-t-il.

En effet, il plaide pour un mode plus « collaboratif » d’octroi des contrats publics, où les fournisseurs de produits ou de services sont davantage impliqués dans l’établissement des spécifications. En faisant des suggestions sur la nature des matériaux utilisés ou la manière de mener à bien un projet afin d’en optimiser le rapport qualité-prix, par exemple.

« Tous ces éléments-là de collaboration, à différentes étapes de la conception et de la réalisation d’un projet, c’est ça qu’on doit chercher à aller exploiter le plus possible », dit-il, soulignant au passage que ce genre de projets plus collaboratifs se réalisent ailleurs dans le monde. « Un bon mode d’octroi au bon endroit pour le bon projet, c’est ça qui est souhaité », déclare M. Tremblay, disant par ailleurs constater de plus en plus d’ouverture face à cette approche collaborative chez les fonctionnaires du Québec.

Reste que les matériaux innovants que peuvent suggérer les entrepreneurs sont souvent plus chers que les produits dits « normaux » et que l’utilisation de machinerie ou de techniques émettant moins de gaz à effet de serre (GES) représente aussi des coûts supplémentaires. C’est dans cette optique que l’ACRGTQ aimerait que les donneurs d’ordres fassent preuve de plus de souplesse.

Ça tombe bien, puisque c’est dans cette direction que le vent semble souffler du côté du gouvernement du Québec. « Il est possible pour les organismes publics d’utiliser la marge préférentielle, élément aussi prévu au cadre normatif en vigueur, qui permet de prendre en compte favorablement des aspects de développement durable et d’environnement dans les soumissions », nous disent nos interlocuteurs gouvernementaux.

L’octroi de contrats publics demeure néanmoins un jeu d’équilibriste, où les intervenants doivent constamment soupeser une foule d’éléments afin d’assurer l’intégrité des transactions, leur transparence et le traitement équitable des diverses entreprises en concurrence pour un contrat donné, tout en maintenant la confiance du public qui, en fin de compte, paie la facture via ses taxes et impôts.

*Afin d’alléger le texte, nous utilisons les appellations « Québec » ou « le gouvernement du Québec » pour citer les propos provenant du sous-secrétariat aux marchés publics du secrétariat du Conseil du trésor.

Par Eric Bérard

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