2
Mar

Le pied au plancher, dans le respect des gens et de l’environnement

Partager :
Auteur:  

Mirage, de St-Georges en Beauce

Si vous êtes adeptes de l’une ou l’autre des multiples émissions de rénovation à la télé, vous avez probablement constaté l’engouement pour les planchers de bois franc. Leur installation est l’une des dernières étapes de la finition intérieure, les lattes de différentes longueurs formant un joli patron prédéterminé.

Ça n’arrive pas par hasard, il y a beaucoup de travail derrière ça.

Planchers Mirage, de St-Georges en Beauce, est l’un des leaders de la fabrication de planchers de bois franc sur les marchés canadien et américain. Le directeur des opérations de l’entreprise, Étienne Poulin, a accepté d’accorder une entrevue au Magazine MCI afin d’expliquer comment ces revêtements de sol sont traités avant d’arriver dans nos maisons.

Vérité de Lapalisse : il faut du bois. Mais pas n’importe quel et pas récolté n’importe comment. L’entreprise exige des scieries qui l’alimentent que le bois soit récolté sous forme de coupes sélectives afin de favoriser la régénération de la forêt.

Les opérations de séchage sont cruciales. « Le bois c’est un matériau vivant, qui bouge selon l’humidité. Alors on doit fabriquer le plancher à la condition à laquelle il va être utilisé. Si on le fabrique à une humidité beaucoup trop différente selon son utilisation, il va se déformer », explique le directeur des opérations.

D’autre part, afin de minimiser l’émission de gaz à effet de serre, plus de 85% du volume d’achat d’essences locales provient de forêts situées dans un rayon de 800 km de l’une ou l’autre des usines.

Il faut savoir que Planchers Mirage compte à St-Georges deux usines distinctes, séparées d’environ cinq kilomètres l’une de l’autre. La deuxième a été construite lorsque l’entreprise a commencé à se sentir à l’étroit dans la première.

L’usine 1 compte environ 225 000 pieds carrés d’espace de production, la 2 étant présentement à 325 000 pieds carrés et une nouvelle phase d’agrandissement est à venir afin de soutenir la demande. « Avec l’agrandissement projeté, on va dépasser un peu le 350 000 pieds carrés », explique M. Poulin au sujet de l’usine 2.

Le bois est livré sous forme de planches brutes d’un pouce d’épaisseur. Les longueurs et largeurs sont cependant variables puisque l’entreprise de sciage veut optimiser chacun des billots coupés.

Première destination : la cour à bois où il est placé en paquets, séparés par des lattes pour assurer le passage de l’air libre et démarrer le séchage naturel. Le bois stocké à l’extérieur est à l’abri des intempéries grâce à des auvents en attendant que le séchage final se fasse à l’intérieur, dans un séchoir attenant à l’usine.

Le séchage final avant le travail du bois en usine se fait à la vapeur, celle-ci étant générée par de grandes bouilloires chauffées par les résidus de bois de la production, qu’il s’agisse de bran de scie, de petits blocs de découpe ou de morceaux jugés imparfaits.

Mieux encore, les cendres qui résultent de cette combustion sont réutilisées comme fertilisant biologique dans les érablières de la région.

Les résidus qui ne sont pas brûlés sont revendus et deviendront des panneaux de bois aggloméré ou encore des granules pour le chauffage résidentiel.

Étapes de production

Lorsque le bois a atteint le niveau d’humidité désiré et qu’il est considéré comme assez sec pour la production, « La première étape est de venir optimiser ces planches-là selon les largeurs qu’on fabrique », indique M. Poulin.

« Il y a une lecture de la largeur du bois et les scies mobiles vont se positionner pour venir optimiser les recettes de largeur », ajoute-t-il.

Il y a des recettes puisqu’il y a de multiples modèles de planchers, à de multiples grades. Et le grade ne réfère pas à la qualité d’une planche de bois, mais plutôt à ses caractéristiques visuelles. À titre d’exemple, un amateur de planchers rustiques aimera des planches bien définies, avec des nœuds et des veines, ce qui est un grade. La même essence de bois, mais dont les planches sont bien lisses, représente un grade différent.

La deuxième étape consiste à planer le bois, soit une forme de rabotage mécanisé au cours duquel on va profiler le bois et l’embouveter pour que les planches puissent s’emboîter les unes dans les autres lors de l’installation.

« Après ça, on fait la mise en paquets selon les grades », explique M. Poulin, selon qui, à ce stade, le produit est considéré comme semi-fini et prêt à être verni.

Après un sablage, il y aura l’application de la teinture selon la couleur et l’aspect désirés, puis l’application des différentes couches de vernis. M. Poulin précise que le vernissage se fait par panneaux de planches assemblées, pas une planche à la fois.

L’étape de la finition est particulièrement importante puisque c’est là qu’on « assure les caractéristiques voulues en termes de durabilité et de look au niveau de la couche de finition », explique notre expert invité.

« Après ça, à la sortie de la ligne de finition, il y a une mise en boîte qui est faite et là c’est expédié chez le client », ajoute M. Poulin.

Le processus est bien sûr plus compliqué et il a des variantes selon qu’on travaille du bois franc d’une seule pièce ou du plancher d’ingénierie fait de lamelles de bois collées superposées, mais cela donne une bonne idée de ce qu’accomplissent les travailleurs.

Les travailleurs et leurs alliés robots.

Automatisation

Planchers Mirage a en effet entamé une démarche d’automatisation. Déjà des robots sont en opération dans les usines utilisés notamment pour des opérations de tri et de palettisation, qui se faisaient autrefois manuellement.

D’autres projets d’automatisation sont en perspective. « Notre feuille de route va jusqu’à 2025, 2026. On travaille avec nos fournisseurs pour être capables d’en discuter avec eux, de réserver leur temps », explique le porte-parole de l’entreprise, précisant que le programme englobe différents projets d’automatisation destinés à maximiser l’utilisation de la main-d’œuvre.

« Ce qu’on s’efforce de faire le plus en automatisant, c’est de venir simplifier notre procédé de fabrication. Soit enlever une étape, soit lier des équipements entre eux », témoigne M. Poulin.

« Si pour un produit on a huit longueurs différentes, ce qu’on veut est de rassembler ces huit longueurs ensemble pour faire un panneau le plus uniforme possible », dit-il, parlant de « jeu de Tetris » pour illustrer l’opération d’agencement qui fera qu’un plancher aura un aspect unique, avec le minimum de gaspillage de matière.

« En plus d’enlever des étapes manuelles, le réel game changer pour nous c’est de venir donner une certaine intelligence à générer les recettes de fabrication. Ce ne sont pas seulement des robots qui manipulent du bois, c’est une intelligence qui dit : “Ok, avec ce lot-là qu’on a fabriqué hier, aujourd’hui voici comment on pourrait le mixer ensemble, voici les recettes proposées par le système” ».

D’autre part, l’entreprise a implanté un système de vision artificielle qui vient reconnaître les différents types de bois, leurs caractéristiques ainsi que d’éventuels défauts.

Les prises de mesures des planches sont également automatisées afin de s’assurer de respecter avec exactitude les dimensions voulues.

En bout de ligne, cette automatisation devrait aussi permettre à l’entreprise de diversifier encore plus son offre de produits.

Santé et sécurité

Si l’on se dote de robots, c’est pour permettre aux employés humains d’être affectés à des tâches plus valorisantes, où ils peuvent développer leur plein potentiel. Alors mieux vaut en prendre soin.

C’est dans cette optique que Planchers Mirage poursuit ses efforts d’amélioration continue en matière de santé et sécurité au travail, une préoccupation qui « s’inscrit dans la philosophie de l’entreprise », selon M. Poulin.

« Il y a quelques années on a voulu aller plus loin. On a pris un virage où, d’abord, il fallait que la santé et sécurité soit l’affaire de tout le monde, pas juste la personne des RH. »

Des registres sont tenus où, selon chaque secteur d’une usine, on identifie les risques ainsi que leurs niveaux de gravité et de fréquence.

À titre d’exemple, Mirage encadre désormais davantage le travail en hauteur. « Il faut installer ce qu’on appelle des lignes de vie, des harnais. Il faut former nos employés là-dessus », déclare le directeur des opérations.

Ce travail en hauteur, ça peut être une personne responsable de l’entretien qui doit réparer quelque chose sur le dessus d’une machine. Dans les séchoirs, il y a également beaucoup de ventilateurs et de moteurs sur le toit qu’il faut entretenir.

« Quand tu montes, tu as ton harnais et tu t’attaches pour t’assurer que la chute est évitée », insiste M. Poulin.

Le souci de la sécurité va jusqu’à l’examen de chaque marche et contre-marche d’escalier pour éviter les chutes. « Il y a moins de risques qu’il y ait un décès, mais ça peut tout de même être un accident de travail », dit-il pour illustrer que chaque détail compte en matière de sécurité.

Entretien et traitement de l’air

Bien entendu, la machinerie de production a, elle aussi, besoin qu’on prenne soin d’elle.

« On a une très bonne équipe de maintenance », déclare d’emblée M. Poulin, précisant que Mirage est passée du mode réactif à de l’entretien préventif plus planifié. L’entreprise veut pousser encore plus loin et passer à un mode prédictif.

« Par exemple un roulement à billes qui commence à faire du bruit ou qui commence à vibrer, ce qu’on est en train de tester c’est de mettre un capteur, un système qui va venir lire la vibration pour qu’on soit capables de voir venir la défaillance avant qu’elle arrive », explique le directeur des opérations.

De cette manière, ils peuvent remplacer la pièce problématique de nuit ou pendant le week-end plutôt qu’un bris vienne inopinément paralyser la production.

« L’autre niveau, c’est la fiabilité, c’est-à-dire éliminer les défaillances. Si je prends le même exemple, pourquoi le roulement à billes peut-il briser? Est-ce que ça a été mal conçu? Ce n’est pas le bon roulement qu’on a mis? On le lubrifie mal ou avec le mauvais type de graisse? On est au début de ces deux derniers modes-là », ajoute le gestionnaire d’usine.

Il n’est plus exclu d’envisager faire une intervention d’entretien sur une ligne de production donnée en pleine semaine, ne serait-ce que pour en accroître la productivité et la disponibilité de l’équipement.

« Oui des fois il faut sacrifier deux heures, mais pour éviter un arrêt de production bien plus long », analyse M. Poulin.

La qualité de l’air doit aussi être gérée de près dans un environnement où il y a abondance de sciure ainsi que des émanations de colle, de teinture et de vernis.

À ce titre, les dépoussiéreurs de Planchers Mirage sont de précieux alliés. Installés sur le dessus des machines, ils aspirent la poussière qui s’en dégage pour en retirer la sciure qui, une fois encore, sera réutilisée dans d’autres applications.

« À chaque endroit où il y a un outil de travail, il y a un tuyau d’aspiration qui va venir capter les résidus directement pour les filtrer », précise M. Poulin.

Question d’illustrer la puissance de ces machines à purifier l’air, qu’il suffise de mentionner que, selon leur emplacement, elles traitent 25 000, 50 000 ou même 75 000 pieds cubes d’air à la minute.

Votre entreprise a réalisé un projet d’envergure? Ou infiniment petit, infiniment ingénieux? Modernisé son usine de façon inédite? Vous en avez gardé des photos de bonne qualité? Faites-nous parvenir un courriel à eric.berard@videotron.ca avec une brève description de cette réalisation et vous aussi pourriez être mis en vedette dans le MCI, c’est entièrement gratuit.

Par Eric Berard

Consultez d’autres dossiers exclusifs du Magazine MCI

Lire notre plus récent magazine
Nos annonceurs