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La voie maritime du Saint-Laurent fête cette année son cinquantième anniversaire et pour le souligner, la militante équipe de la revue À babord lui a consacré un dossier dans son édition des mois d’avril et de mai 2009 dans lequel elle examine comment se porte sa santé environnementale. Tantôt exploité comme moyen de transport, tantôt confondu avec une immense poubelle, le peu de considérations écologiques dont il bénéficie de la part des politiques, des industries et des citoyens, fait perdre son lustre à ce fleuve québécois emblématique au potentiel poétique définitivement bafoué.

Le transport des marchandises

«Pour transporter 1 tonne de marchandises avec 1 litre de carburant, un camion effectue un parcours de 28 Km, un train en fait un de 95 Km, alors qu’un bateau en effectue un de 241 Km», apprend-on dans l’article d’Antoine Casgrain. On pourrait se demander, avec ces données, ce qui explique que le transport maritime n’ait pas connu plus d’expansion avec la libéralisation des marchés durant ces dernières décennies. C’est que seul le transport par camion rend praticable le just in time de façon vraiment efficace. La lutte planétaire qui s’est engagée pour une diminution des gaz à effet de serre ne lui permettra pas de triompher encore longtemps des autres modes de transport, plus lents peut-être, mais également plus écologiques et plus économiques.

Cela dit, du point de vue environnemental, le transport maritime a aussi des conséquences non négligeables. Le collectif nous apprend que «près de 120 millions de tonnes de marchandises sont transbordées chaque année dans les ports québécois», chiffre que «l’industrie du transport maritime espère voir doubler d’ici 20 ans». Or, le passage des navires de marchandises et des cargos exige une voie navigable adaptée. Cela signifie que les embouchures doivent être assez larges et les passages suffisamment profonds. Cependant, comme ce n’est pas toujours le cas, cela exige des travaux de dragage. Le dragage abusif a des impacts comme «la destruction des habitats naturels, la circulation des contaminants déposés dans les sédiments, ainsi que leur propagation dans les écosystèmes», explique dans son article Antoine Casgrain. Comme autres dangers, il mentionne «l’érosion des berges, phénomène qui a une résonance palpable dans le secteur des îles de Sorel», par exemple.

Ce qui semble le plus prévenir une surutilisation du fleuve, ce n’est pas tant la considération d’un mode de transport intermodal, ni le souci environnemental, mais son caractère impraticable pendant plusieurs mois de l’année durant lesquels le gel empêche la circulation.

La poubelle bleue

Citoyens, commerçants et industriels semblent contribuer ensemble à la modification de l’écosystème chaque fois qu’en son sein sont déversés les restes de médicaments, les déchets de toutes provenances et les rebuts manufacturiers. Les journalistes ont à maintes occasions alerté les populations quant aux effets de ces actes inconsidérés sur les espèces vivantes, le dérèglement de leur système, l’altération de leur habitat naturel et dans certains cas, la menace de la disparition de leur espèce. «Les polluants chimiques tels que les hydrocarbures, les pesticides, les produits pharmaceutiques, les produits nettoyants domestiques ou les résidus domestiques dangereux» participent au cocktail qui détériore la flore et affecte la faune sous-marine, expliquent Hélène Godmaire et Andréanne Demers. Chose étonnante, cela ne fait que 40 ans qu’existent des systèmes d’épuration pour pallier aux problèmes engendrés par les eaux usées. Une analyse détaillée de la performance des centres fonctionnant dans les grandes municipalités dont Québec, Montréal et Trois-Rivières est présentée par les auteures. On y apprend que les infrastructures connaissent des centaines de débordements certaines années. La pluie ou une trop grande consommation entraîne la triste conséquence des surverses, c’est-à-dire le rejet d’un volume important d’eaux usées directement dans le fleuve.

On est donc loin du jour où on pourra de nouveau se baigner dans le fleuve!

À titre d’exemple, elles écrivent qu’en «2007, les surverses enregistrées sur les 4 208 installations au Québec étaient de l’ordre de 45 178 (dont 21 137 débordements en temps de pluie)».

Les actions individuelles comme la réduction de la consommation ou un usage plus responsable de cette ressource ne sont qu’un des éléments de la solution. Nos élus doivent encore décider d’améliorer les infrastructures de gestion des eaux de pluie, de traitement des eaux usées, des déchets dangereux, encourager les initiatives des rares écoentreprises et mieux «contrôler la pollution industrielle à la source» indiquent les auteures.

En somme, la lecture de À babord nous incite à réfléchir au destin de notre fleuve dont nous voudrions continuer à célébrer le développement et non le commémorer.

Myrna Chahine

Professeure de philosophie

Cégep Marie-Victorin

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