Aucun doute que le taux de change sera au centre des préoccupations de la plupart des manufacturiers québécois cette année. Il y aura des impacts négatifs, mais aussi, espérons-le, positifs.
Les impacts négatifs sont évidents. Durant des années, le taux de change gonflé par les prix du pétrole, nous était plus favorable, dépassant même la parité. L’impact sur les exportations vers les États-Unis s’est fait sentir, à tel point que la balance commerciale du Canada avec les États-Unis est demeurée fortement négative même après la reprise économique qui a suivi la crise de 2008.
D’un sommet à plus de 45 milliards $ au positif en 2005, nous avons sombré dans un déficit commercial qui a atteint son plus bas niveau négatif à environ 35 milliards $ en 2012. L’industrie manufacturière canadienne en a grandement souffert et a reçu du gouvernement fédéral très peu de soutien pour compenser. Résultat : les investissements en équipements et moyens de production n’auront pas bénéficié de cet avantage du huard.
Maintenant que la tendance s’est inversée du côté du dollar, l’industrie fait face à des hausses de coûts pour l’achat d’équipements en provenance des États-Unis et de l’Europe. Déjà depuis quelques mois, les grands équipementiers américains ont rajusté leurs politiques relatives au taux de change, et mettent une certaine pression sur les acheteurs canadiens. À la commande d’équipements, plusieurs invitent leur clientèle à choisir un taux fixe ou fluctuant, un risque à sous-peser avec attention.
En revanche, pouvons-nous espérer un regain des exportations vers les États-Unis, qui permettrait d’éponger au moins en partie cette hausse des coûts ? Les analystes s’entendent pour dire que cet effet positif ne sera pas aussi prononcé. D’une part, la hausse du dollar américain se fait sentir auprès de l’ensemble des devises étrangères, et non seulement avec le dollar canadien.
Il y a néanmoins des indicateurs et des signaux plutôt positifs. L’économie américaine continue dans sa lancée, et nous demeurons un partenaire privilégié à plusieurs niveaux, en raison de l’ALENA, de notre proximité et de normes similaires sur le plan industriel, notamment pour les équipements en transport.
De plus, le nouveau gouvernement Libéral semble jusqu’à maintenant tendre une oreille plus attentive à l’industrie manufacturière que ne le faisait le gouvernement précédent, qui concentrait largement son attention sur l’industrie du pétrole et des ressources naturelles.
Quelle stratégie adopter dans un tel contexte économique ? Développer les marchés d’exportation, notamment dans les secteurs de forte expertise québécoise, profiter de la situation pour accroitre son marché national et mitiger l’impact de la hausse des coûts d’équipements et moyens de production en se tournant vers des fournisseurs canadiens.
Depuis 10 ans, l’industrie manufacturière a souffert d’un dollar canadien artificiellement gonflé par les prix du pétrole, pour atteindre son plus haut niveau en novembre 2007 à un peu plus de 1,09$ US. Malgré la concurrence internationale de plus en plus forte, l’industrie se doit de tirer partie d’un dollar à 70 cents US. D’autant que les analystes n’entrevoient pas de hausse en 2016.
Claude Boucher Directeur de l’information MCI