L’idée de créer une fédération d’associations d’affaires au Québec remonte à 1963. Nous sommes alors en pleine Révolution tranquille. Avec le lancement de grands projets hydro-électriques, le début de grands travaux qui ont marqué cette époque comme la construction du pont Champlain et du tunnel Louis-Hyppolite-Lafontaine, la nationalisation d’Hydro-Québec sous Jean Lesage et le début des grands conflits de travail qui ont caractérisé l’époque, c’est toute la société québécoise qui est en effervescence. C’est dans ce contexte qu’en 1969, après une solide démarche pour concrétiser cette fédération, le Conseil du patronat du Québec est officiellement créé.
« C’était une époque particulière », souligne l’actuel président-directeur général du CPQ, Yves-Thomas Dorval. « Il y a eu beaucoup de réformes à tous les niveaux, en particulier dans les aspects qui touchent le domaine du travail. Il y avait au Québec une centaine d’associations sectorielles d’employeurs dans différents domaines. Le gouvernement et les associations syndicales souhaitaient avoir un interlocuteur qui représenterait l’ensemble des employeurs du Québec, et pas seulement les secteurs. Les syndicats, le gouvernement et les associations patronales sectorielles ont demandé que soit créée une confédération représentant les employeurs, pour représenter de manière plus globale les intérêts et les préoccupations, les enjeux et les solutions pour les employeurs du Québec. »
Dès sa fondation, le CPQ se retrouve plongé dans de grands projets qui ont façonné non seulement les relations patronales-syndicales, mais aussi les changements importants dans les rapports sociaux. L’objectif premier : rassembler autour d’une même table tous les patrons du Québec.
« Le CPQ a joué un rôle important comme forum de dialogue entre les dirigeants, et pour représenter l’intérêt des industriels auprès du gouvernement, dans un contexte où auparavant la paix sociale n’était pas très forte. Si on regarde le chemin qu’a parcouru le Québec, le CPQ a eu sa contribution. Aujourd’hui, on a beaucoup moins de conflits de travail lors de négociations collectives. On est passé d’une situation où la grande majorité des négociations se faisaient à coup de grèves, à une situation de paix sociale, où une minorité des conventions collectives se négocient avec un conflit de travail. »
Yves-Thomas Dorval pilote la destinée du CPQ depuis 10 ans déjà. D’autres se sont succédés avant lui à la tête de l’organisation, mais celui qui a été le plus présent, notamment dans les médias mais aussi dans les grands forums, consultations et débats qui ont marqué le Québec au cours des 50 dernières années, c’est Ghislain Dufour. Sa présence, tant devant les caméras des médias qu’auprès des élus et des syndicats, permis à l’ensemble de la population de voir et d’entendre le point de vue des employeurs.
« Le principal héritage de Ghislain Dufour, c’est d’avoir servi de pont entre des groupes de la société, groupes syndicaux ou sociaux, et le milieu des employeurs. C’est quelque chose qu’on ne retrouve pas à l’extérieur du Québec en Amérique du Nord. Au Québec, les représentants syndicaux, gouvernementaux et patronaux, se rencontrent de manière régulière, pour discuter d’enjeux, voir comment on peut mettre un peu d’eau dans notre vin de chaque côté, et trouver des solutions pour arriver à des résultats. Alors c’est probablement son plus grand legs, d’avoir construit des ponts entre les représentants syndicaux, patronaux et gouvernementaux. »
Ces ponts, et le climat social plus serein qui en a découlé, comptent parmi les grandes réussites du CPQ au fil de ses 50 ans. Et même si les questions de relation de travail demeurent au centre du mandat du CPQ, cette façon de faire, ce dialogue, a largement débordé de ce cadre restreint. Aujourd’hui, le Conseil du patronat du Québec participe à des débats de société qui vont bien au-delà des questions patronales-syndicales. Le CPQ en a d’ailleurs surpris plusieurs il y a quelques années en s’assoyant avec des groupes environnementaux pour discuter des enjeux liés aux changements climatiques. Une approche révolutionnaire, lorsqu’on sait qu’ailleurs, les milieux d’affaires sont souvent plus près des négationnistes.
« Si on accepte de faire un dialogue social avec les organisations de travailleurs sur les enjeux de relations de travail, il faut faire la même chose avec les environnementalistes, pour trouver des solutions en matière de changements climatiques. Ça ne veut pas dire qu’on partage tous les points de vue. D’ailleurs, les représentants des organismes environnementaux se font dire par leurs commettants les plus radicaux qu’ils couchent avec le diable, et nous, par les entreprises les plus radicales, qu’on couche avec le démon. Mais la réalité, c’est qu’on s’influence mutuellement, et n’eut été de ce dialogue entre le CPQ et les groupes environnementaux, on n’aurait pas les avancées qu’on connaît au Québec sur le développement de l’économie verte. »
Yves-Thomas Dorval rappelle que la mission fondamentale du CPQ comporte un mot clé : Prospérité. Une prospérité qui pour lui passe entre autres par le développement durable.
« Ce développement durable implique le respect de trois piliers : le développement économique, le développement social, et le développement environnemental. Pour avoir un développement durable, on ne peut nier l’importance du développement économique, et c’est ce que le CPQ fait valoir : l’importance du développement économique comme l’un des piliers du développement durable, et donc de la prospérité collective. Sans développement économique, on n’a pas de prospérité. »
Parmi les enjeux actuels du CPQ, l’un des plus importants est sans contredit la question de pénurie de main-d’œuvre au Québec. Pendant des dizaines d’années, le Québec était plutôt en situation de surplus de main-d’œuvre. Le vent a tourné, avec le départ graduel des baby-boomers qui constituaient en grande partie le surplus de main-d’œuvre. Le CPQ n’a pas attendu, toutefois, et s’est atteler à ce problème avant même qu’il se concrétise. Avec des données démontrant qu’à compter de 2016, le Québec allait compter plus de gens qui quittent le marché du travail que de gens qui y entrent, le CPQ a entrepris de convaincre les parties prenantes à la nécessité d’une stratégie nationale sur la main-d’œuvre.
« En 2017, le gouvernement a accepté de faire un grand sommet sur les questions de main-d’œuvre, et d’aller de l’avant avec la proposition du CPQ de se doter d’une stratégie nationale sur la main-d’œuvre, proposition qui a été appuyée par tous les groupes de la société. On a obtenu une stratégie nationale sur la main-d’œuvre en mai 2018, dotée d’un budget de 1,4 milliards $. Alors, on peut dire que l’effort initié par le CPQ au cours des trois dernières années a conduit à élaborer des stratégies, des plans, des programmes pour faire face à cet enjeu. Cependant, on n’est pas sortis du bois. »
C’est d’ailleurs le dossier de la main-d’œuvre qui a amené le CPQ à entreprendre un tout nouveau projet en 2019, et à ajouter une nouvelle corde à son arc. Alors qu’il s’est toujours limité à un rôle de représentation, le CPQ offrira sous peu des services en gestion des ressources humaines, pour appuyer les employeurs québécois, qui ne possèdent pas tous une structure interne en RH.
Le CPQ aborde maintenant une nouvelle décennie, et un nouveau demi-siècle, avec tout autant d’enthousiasme, sinon plus. Yves-Thomas Dorval voit dans les changements à venir, toujours plus rapides, une confirmation de la nécessité d’une organisation solide comme celle du CPQ.
« Pour les 50 prochaines années, les besoins vont continuer d’évoluer. Alors qu’on a connu des changements technologiques et industriels au cours des 100 dernières années qui ont été lents au début mais de plus en plus rapides, les changements qui vont survenir sur le marché du travail vont être eux aussi de plus en plus rapides, et de plus en plus drastiques. Ça va amener les milieux du travail à devoir s’adapter beaucoup plus rapidement qu’avant. Il va falloir plus d’agilité qu’avant. »
S’adapter, c’est aussi ce qu’a fait le CPQ au fil des 50 dernières années.
« Lorsque je suis arrivé au CPQ il y a 10 ans, il y avait trois priorités. L’année dernière, on s’est donné une plateforme avec six grandes priorités stratégiques, qui comportent elles-mêmes des sous-priorités. Donc, tout en gardant une petite équipe très alerte, le CPQ est confronté aujourd’hui à nombre d’enjeux de plus en plus grands dans un monde de plus en plus complexe. »
Pour suivre les évènements qui vont ponctuer le 50e anniversaire du CPQ, consultez régulièrement le site web de l’organisation au www.cpq.qc.ca
Par Claude Boucher