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Jun

L’aluminium facilite le piégeage du CO2 au fond des océans

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Une étude publiée en mai dernier dans la revue Limnology and Oceanography fait de plus en plus jaser, puisqu’elle suggère que l’aluminium jouerait un rôle jusqu’ici insoupçonné dans le piégeage du dioxyde de carbone (CO2) au fond des océans. La recherche, menée à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), fait de l’aluminium une nouvelle variable à considérer dans la lutte aux changements climatiques.

« Nous avons toujours vu l’aluminium comme un élément non important, et parfois même néfaste pour l’environnement, mais nos résultats viennent bousculer cette perception. Nous avons démontré pour la première fois que l’aluminium aurait un effet positif sur le stockage du CO2 », confie Claude Fortin, professeur à l’INRS, et coauteur de l’étude.

Augmenter la fixation du CO2

L’équipe de recherche a démontré que la présence de concentrations modérées d’aluminium dans l’océan augmente la fixation du CO2 par le phytoplancton. Souvent considéré comme la « pompe biologique » des océans, le phytoplancton est composé de microalgues qui assimilent le CO2 via le processus de photosynthèse, envoyant ainsi une partie du carbone en profondeur. Cela permet de réduire naturellement le réchauffement de la planète.

Cependant, lors de la sédimentation du phytoplancton vers le fond des océans, une partie de ce carbone « fixé » est dégradé par des bactéries, ce qui régénère du CO2. L’aluminium présent dans l’eau permettrait de ralentir ce processus de dégradation.

Pour arriver à ces résultats, les scientifiques ont utilisé le carbone 14 en guise de traceur. L’équipe a ainsi suivi la fixation du CO2 par trois espèces de diatomées marines – des algues qui sont un constituant majeur du phytoplancton -, ainsi que leur décomposition subséquente, en les soumettant à différentes concentrations d’aluminium dissoutes dans l’eau. Elle a observé que l’ajout de doses relativement faibles d’aluminium augmentait la fixation de CO2 de 10 % à 30 % chez ces trois espèces d’algues, et que le taux de décomposition des diatomées pouvait parfois être réduit de plus de la moitié.

Stimuler la croissance du phytoplancton

Le rôle peu intuitif de l’aluminium a surpris les scientifiques, qui ont émis une hypothèse pouvant expliquer ce phénomène. Dans certaines parties de l’océan, la photosynthèse du phytoplancton est limitée par une carence en fer. Or, des études antérieures menées par le professeur Linbin Zhou, chercheur en océanographie et premier auteur de l’étude, ont démontré que la présence d’aluminium stimulerait la croissance du phytoplancton, possiblement en favorisant la prise en charge du fer, qui augmenterait la capture de CO2.

« L’idée de fertiliser l’océan en surface avec du fer pour que le phytoplancton absorbe davantage de CO2 a attiré l’attention de plusieurs scientifiques depuis les années 1990 », confie M. Peter Campbell, professeur émérite à l’INRS et coauteur de l’étude. « Cependant, ces essais n’étaient pas concluants. On observait une stimulation de la croissance du phytoplancton, mais la fixation du carbone n’était pas permanente. La dégradation des cellules algales relâchait le CO2 à nouveau. »

Selon cet expert mondial en écotoxicologie et en biogéochimie, le lien entre les cycles de l’aluminium et du fer est un sujet qui mérite d’être approfondi. « Comment l’aluminium pourrait-il augmenter la disponibilité du fer ? Est-ce qu’une telle réaction pourrait se produire à l’état naturel ? Ce sont des questions auxquelles nous devrons répondre », ajoute-t-il.

Raffiner les modèles climatiques

Selon les membres de l’équipe de recherche, ces résultats pourraient avoir une incidence sur les modèles climatiques, en intégrant l’effet « positif » de l’aluminium sur la séquestration du carbone dans les profondeurs océaniques.

« L’aluminium pourrait devenir une variable supplémentaire dans les futurs modèles réalisés à partir de données océanographiques. On pourrait imaginer une mesure systématique des dépôts d’aluminium dans les océans », rapporte le professeur Claude Fortin. « Cela permettrait de raffiner les modèles et d’aider à mieux prédire la rétroaction des océans par rapport à l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère. »

Cette étude est le fruit de travaux menés par les professeurs Yehui Tan et Linbin Zhou du South China Sea Institute of Oceanology (SCSIO) de la Chinese Academy of Sciences, en collaboration avec les professeurs Peter Campbell et Claude Fortin. Linbin Zhou a été un chercheur invité, du mois de mai 2016 jusqu’en juin 2017, au Centre Eau Terre Environnement de l’INRS, à Québec.

Consultez l’étude (anglais)

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