Depuis la révolution industrielle du 20e siècle, le système dominant les activités est qualifié d’économie linaire. C’est-à-dire selon la logique extraire – produire – consommer – jeter. Alors que l’industrie mondiale consomme un volume croissant de ressources et que celles-ci ne sont pas nécessairement renouvelables, l’économie linéaire devient de plus en plus insoutenable. Il est primordial de revoir les modes de consommations afin de réduire les extractions de ressources tout en limitant les rejets à chaque étape de la chaîne de valeur. D’autant plus que plusieurs ressources essentielles ont déjà atteint des niveaux critiques par rapport à leur disponibilité.
Depuis les dernières années, des états, des entreprises, des regroupements et chercheurs s’affairent à promouvoir le potentiel de l’économie circulaire en tant que moyen plus équitable de respecter les limites planétaires. Recyc-Québec, un des précurseurs de cette nouvelle façon de faire au Québec, définit l’économie circulaire comme « un système de production, d’échange et de consommation visant à optimiser l’utilisation des ressources à toutes les étapes du cycle de vie d’un bien ou d’un service, dans une logique circulaire, tout en réduisant l’empreinte environnementale et en contribuant au bien-être des individus et des collectivités ».
Reconnaissant qu’il est urgent de trouver des méthodes précises de mesurer l’économie circulaire, la Fondation de l’économie circulaire (Circular Economy Foundation) publiait en 2018 la première édition de son Circularity Gap Report (Rapport sur l’écart de circularité) lors du Forum économique mondial de Davos. Fondée en 2011 à Amsterdam, aux Pays-Bas, et regroupant plus de 60 experts travaillant avec quelque 150 entreprises dans 55 villes et 27 pays à travers le monde, la Fondation de l’économie circulaire publie son rapport annuellement depuis ce temps.
Les choses devraient progresser avec le temps, mais ce n’est pas nécessairement le cas. Le premier rapport indiquait que 9,1% de toutes les ressources industrielles utilisées sur le globe étaient recyclées dans l’économie. Le rapport 2023 dénote que le taux avait baissé à 7,2%, un recul par rapport à 2018. Au Québec, le taux de circularité de l’économie québécoise était de 3,5 % en 2023. Recyc-Québec a collaboré avec Circle Economy pour réaliser le premier Rapport sur l’indice de circularité de l’économie du Québec, qui vise à fournir une analyse de référence pour déterminer dans quelle mesure l’économie du Québec est circulaire à l’heure actuelle. Une nouvelle version de ce Rapport devrait être publiée en 2025.
Il faut aider les entreprises à changer leur mode de production pour intégrer l’économie circulaire.
« Cela peut comprendre l’écoconception, la modification de certains équipements et il est important de considérer que la circularité engendre non seulement des avantages environnementaux, mais aussi financiers, dans bien des cas », affirme Julie Larivière, chargée de projet au CTTWI (Centre de transfert technologique en écologie industrielle.
« L’économie circulaire, ce n’est pas seulement la gestion des matières résiduelles, c’est aussi préserver les ressources de l’écosystème. Il faut repenser le système économique en consommant moins de ressources. Il est parfois difficile d’obtenir les données requises pour effectuer études approfondies comme l’analyse des coûts et du flux des matières (ACFM). Il n'y a pas de solutions universelles et c’est pour ça que nous encourageons les démarches par filière incitant les entreprises à partager l’information plutôt que de travailler en silo. »
Le CTTEI est le coordonnateur et un des auteurs d’un guide méthodologique et des outils disponibles sur le site de Recyc-Québec, permettant aux entreprises et municipalités de déployer de manière autonome une démarche structurée en économie circulaire. « Il est donc assez facile de faire les premiers pas en économie circulaire, de commencer à développer des boucles en privilégiant les plus courtes, avant de créer des symbioses, des regroupements d’entreprises générant des synergies », ajoute Julie Larivière.
Le CTTEI et plusieurs autres organismes proposent aux entreprises et institutions le désirant, des services d’experts pour les accompagner, ce qui peut faciliter et accélérer les démarches.
Dans sa Feuille de route gouvernementale en économie circulaire (FREC) 2024-2028, le gouvernement du Québec cible 24 ministères et organismes pour mettre de l’avant 22 objectifs et 50 mesures afin de contribuer à l’accélération du développement de l’économie circulaire du Québec.
La FREC comprend également les 12 stratégies de circularité couvrant les thèmes suivants :
Le bioalimentaire, la construction, le manufacturier, les mines et l’énergie sont les cinq secteurs industriels que la FREC veut privilégier pour déployer les mesures que le gouvernement du Québec entend lancer pour développer l’économie circulaire sur son territoire.
L’économie circulaire, une meilleure gestion des ressources naturelles et le recyclage des déchets industriels ne sont pas strictement des questions économiques, ce sont des facteurs qui ont aussi un impact sur la santé des populations.
C’est ce que Dre Claudel Pétrin-Desrosiers, médecin de famille au CLSC de Hochelaga-Maisonneuve et responsable de la santé planétaire et professeure adjointe de clinique DMFMU de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, a tenté de démontrer au mois de novembre lors des Assises québécoises de l’économie circulaire, dans le cadre d’une conférence intitulée « La santé comme levier d’action rassembleur en contexte de crises environnementales croisées. »
Lorsque la réputée revue médicale The Lancet affirmait en 2009 que « les changements climatiques sont la plus grande menace à la santé du 21e siècle », plusieurs observateurs cherchaient comment interpréter cette affirmation.
En 2015, six ans plus tard, la même publication revenait à la charge en suggérant que « La lutte aux changements climatiques pourrait être la plus grande opportunité en santé au 21e siècle. » Lors de sa présentation, la docteure Claudel Pétrin-Desrosiers, également détentrice d’une maîtrise en Environnement et développement durable et présidente de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement, expliquait qu’une meilleure qualité de l’air pourrait sauver 1,6 million de personnes, une meilleure alimentation sauverait 6,4 millions d’habitants et 2,1 millions de vies seraient sauvées par une plus grande activité physique.
« De l’ouest à l’est de Montréal, l’espérance de vie raccourcit de 9 ans », de dire la docteure pour mieux faire comprendre ses préoccupations. « Le futur de notre santé dépend de notre capacité à maintenir la santé des environnements dans lesquels nous vivons. » En intervenant avec autant de ferveur, la Dre Pétrin-Desrosiers ne fait que respecter un des articles du Code de déontologie des médecins qui stipule : « Le médecin a le devoir primordial de protéger la santé et le bien-être des individus qu’il sert, tant sur le plan individuel que collectif. »
Bien que la législation ici ne soit pas aussi avancée qu’en Europe, le Québec est quand même le chef de file canadien de l’économie circulaire.
« La transition d’un système économique est complexe et se doit d’être réfléchie, et en même temps le temps presse justement. Nous pouvons donc nous réjouir des avancés tout en étant lucides sur les étapes à venir de la transition socio environnementale que nous propose le modèle économique circulaire », conclut Julie Larivière, du CTTEI.