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La production de cercueils et d’urnes funéraires : une industrie peu connue

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En 1946, M. Joseph-Adhélard Dumont, un propriétaire de scierie et de manufacture de meubles situées à Victoriaville, souhaitait diversifier ses opérations en lançant une nouvelle usine de fabrication de cercueils.

Il ignorait à l’époque, une soixantaine d’années plus tard que son usine deviendrait la seconde entreprise de fabrication de cercueils et d’urnes funéraires en Amérique du Nord et opèrerait sous le nom de Groupe Victoriaville.

Aujourd’hui, cette entreprise compte plusieurs divisions : Cercueils Vic Royal, qui fabrique des cercueils standards avec différences essences de bois ; Cercueils Victoriaville, qui produit des cercueils haut de gamme ; Cerco, située à Montréal, se spécialisant dans les cercueils qui ne contiennent pas de métal, notamment pour le marché des juifs orthodoxes et Premier Caskets, à Mount Forest en Ontario, qui fabrique des cerceuils standards ainsi que des cercueils spéciaux traditionnels pour les clients asiatiques et européens ainsi que pour la production régulière pour les marchés du centre et de l’ouest du Canada.

Du chêne au tremble, en passant par l’acajou

Qui dit cercueils, dit bois, du moins pour la plupart d’entre nous. Depuis environ quatre ans, Louise Tessier agit à titre d’acheteur senior au Groupe Victoriaville. Responsable de l’achat des matières premières, dont la majeure partie est l’approvisionnement en bois, elle compose avec les différents fournisseurs d’essences de bois. « Auparavant, j’étais dans le secteur automobile. Ce sont toutefois les mêmes pratiques d’affaires – ce n’est que les matières premières qui changent ! », dit-elle. Le Groupe Victoriaville achète ses essences de bois principalement de la Nouvelle-Angleterre, à l’exception bien sûr des bois exotiques, tels que l’acajou. Toutefois, tout le bois est scié dans les scieries du Québec, et particulièrement celles qui sont situées dans le Centre du Québec. « Nous avons quelque 40 fournisseurs, des grossistes québécois et des scieries », explique Mme Tessier, ajoutant qu’elle pratique une stratégie d’affaire particulière. « Nous tenons à conserver strictement confidentielles nos relations avec chacun de nos fournisseurs. Cela nous donne un bon pouvoir de négociation. »

C’est le tremble qui est le plus utilisé pour la fabrication de cercueils. Il représente 45 % de la totalité des achats de toutes les divisions de l’entreprise. Après le tremble, vient en importance le chêne rouge, le chêne, le frêne, le hickory et le cerisier.

De plus, Mme Tessier s’approvisionne en érable, en orme gris et en acajou en très petites quantités. Toutefois, ces essences entrent dans la fabrication de cercueils haut de gamme. Au total, la quantité de bois de différentes essences achetées sur une base annuelle est impressionnante : « Nous devons nous procurer plus de 10 millions de pieds planches de bois à chaque année », précise Louise Tessier.

La vaste majorité des essences, particulièrement le tremble, le chêne rouge et le cerisier, doivent être séchées. Le Groupe Victoriaville possède 10 séchoirs sur les terrains de son siège social, séchoirs représentant une capacité de 488 000 pieds planches. « Le chêne rouge nécessite la plus longue période de séchage : un mois ; alors que les autres types de bois, requièrent entre 10 et 15 jours », indique Mme Tessier.

Cette dernière explique qu’il peut être difficile d’obtenir certaines essences, selon la saison. Par exemple, certains types de bois peuvent rapidement perdre de leur coloration lorsqu’elles sont exposées à de hautes températures et c’est le cas durant l’été.

Durant l’hiver, lorsque les températures descendent au-dessous de 30 degrés, plusieurs scieries québécoises éprouvent des problèmes avec leurs machineries et doivent fermer quelques semaines. De plus, la pluie et la boue du printemps rendent les chemins forestiers impossibles à pratiquer et par conséquent, arrêtent l’approvisionnement et la coupe durant cette période.

Somme toute, Mme Tessier précise que l’automne représente une période idéale pour l’approvisionnement et le traitement du bois.

À ce titre, l’entreprise a instauré un système qui assure un approvisionnement assidu pour la production. « Nous gardons des quantités en entrepôt qui nous assurent un approvisionnement d’un mois de production pour chaque essence. »

Lorsque le bois est livré par les différents fournisseurs, il est placé dans une zone de vérification. « Une équipe de cinq personnes, incluant un classeur-mesureur expérimenté, vérifie le grade et la longueur des planches. Nous utilisons le grade « 1 common and better », ce qui représente la catégorie la plus populaire et la plus utilisée dans la fabrication de cercueils. Ce grade assure que les deux tiers de la surface des planches ne contiennent pas de nœuds ; ce qui est approprié pour notre type de fabrication », ajoute Mme Tessier. Suite à l’opération de vérification, le bois est alors séché à l’aide des séchoirs que possède l’entreprise sur ses terrains de Victoriaville.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le bois d’un cercueil ne dispose pas d’un traitement particulier pour assurer sa longévité. Lorsqu’il sort du séchoir, où il atteint un taux d’humidité se situant entre 6 et 8 %, aucun autre traitement n’est nécessaire pour sa fabrication.

« Un cercueil, c’est un meuble en bois franc, comme une table par exemple, il dépréciera selon le type de sol dans lequel il sera enfoui », explique Gilles Beaulne, vice-président aux opérations chez Vic Royal, une division du Groupe Victoriaville.

Une boîte, des moulures et un couvercle

Un cercueil est conçu d’une boîte, de moulures et d’un couvercle : voilà les principaux éléments. Uniquement pour l’usine Vic Royal du groupe, située à Victoriaville, on y fabrique plus de 1 300 cercueils par semaine, sur deux quarts de travail effectués par les 400 employés affectés à la production.

« Chez Vic Royal, notre matière première, le bois, est séché puis acheminé à notre centre intégré de coupe », précise M. Beaulne. « Nous utilisons un équipement de marque Grecon, qui procure une vitesse de coupe de 2 000 pieds planches à l’heure. « Les planches, une fois traitées par le centre de coupe, sont collées en panneaux à l’aide d’une colle à haute fréquence.

Toutefois, celles destinées au couvercle du cercueil sont acheminées directement vers un équipement qui plane et effectue des rainures puisqu’un couvercle doit posséder des planches pleines longueurs. Les moulures, quant à elles, sont essentielles dans la fabrication et sont offertes en plusieurs modèles. « Pour les couvercles, nous utilisons des moulures de ¾ de pouce de large » ajoute M. Beaulne. « Pour les autres moulures qui orneront le cercueil, nous utilisons des dimensions variant entre 1 à 6 ¼ pouces de large.

En raison du nombre important de choix de moulures pour orner les cercueils, les gens de production utilisent la méthode Kanban. « Ceci nous permet, entre autres, de réduire la complexité de la gestion des pièces et nous assure un approvisionnement constant afin d’éviter des ruptures de stock. La méthode améliore définitivement notre productivité », de dire M. Beaulne.

Défis et compétition internationale

La clientèle du Groupe Victoriaville s’étend à travers le Canada et les États-Unis. Sur le marché international, ce sont les produits chinois qui remportent la première place. « Auparavant, ils étaient spécialisés dans la fabrication de cercueils en contre-plaqué, mais ils tendent à fabriquer des produits de plus en plus haut de gamme. Présentement, ce sont les manufacturiers américains qui en souffrent considérablement », ajoute Gilles Beaulne.

« Notre stratégie, face à la compétition asiatique, c’est de livrer le produit le plus rapidement possible, au meilleur prix, et ce, supporté par un service à la clientèle supérieure. Le fait que nous soyons localisés près du marché canadien et américain nous procure un net avantage. Les maisons funéraires, nos clientes, gardent un faible inventaire et demandent un service rapide », poursuit-il.

Quant à l’avenir de produits funéraires tels que les cercueils, M. Beaulne estime qu’à moyen terme, il y aura encore d’excellentes opportunités.

« La demande d’urnes est un produit en évolution mais d’un autre côté, la demande nord-américaine en cercueils sera encore en hausse en raison de la démographie et du nombre grandissant de personnes âgées. C’est définitivement le service à la clientèle, l’innovation et la rapidité de production qui nous permettront de nous différencier de la compétition », conclut-il.

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