Ce qui va en quelques sortes les sauver est la fracturation hydraulique, un procédé d’extraction connu depuis la fin des années 40. La fracturation hydraulique (ou fracking) est une fissuration massive d’une roche au moyen d’une injection d’un liquide sous pression.
Cette technique permet de récupérer du pétrole ou du gaz dans des substrats trop denses, où un puits classique ne produirait rien ou presque. D’abord utilisée pour extraire le gaz naturel, la fracturation permettait une meilleure rentabilité de production. Devant le succès remporté par la technique, on décide de l’appliquer au pétrole.
Encore là, la technique fonctionne et les États-Unis produisent du pétrole à grande échelle. « Certains prédisent même qu’ils pourraient devenir autosuffisants d’ici 2020 et déclasser l’Arabie saoudite au titre de premier producteur mondial », affirme Sylvain M. Audette, professeur invité au Département de marketing HEC Montréal et membre associé à la Chaire de gestion du secteur de l’énergie.
Moins dépendants du pétrole étranger et bénéficiant de la proximité des infrastructures d’extraction, de transport, de raffinage et de transformation en produits dérivés, les États-Unis ont donc recréé un avantage concurrentiel majeur qui, combiné à la hausse de leur devise face au dollar canadien, nuit considérablement à nos entreprises québécoises.
« La problématique réside principalement dans le fait que nos infrastructures de transport d’énergie, outre l’électricité, sont déficientes, voire inexistantes. Les sources d’alimentation d’une économie moderne ne peuvent reposer uniquement sur l’électricité. Le pétrole et le gaz naturel sont aussi nécessaires. Des industries comme celle du plastique par exemple, qui compte beaucoup d’entreprises au Québec, ont besoin du pétrole. Elles sont désavantagées par le simple fait que le transport et la transformation du pétrole prend plus de temps et que l’intrant doit être importé », explique Sylvain M. Audette.
« Les usines de transformation et les raffineries ferment au Québec alors qu’aux USA on en construit. On aura d’autre choix que d’accepter, en tant que société, que des industries productrices de gaz naturel, d’électricité et de pétrole, via la fracturation hydraulique soient éventuellement construites, si l’on veut recréer un avantage concurrentiel. L’économie devra inévitablement se réajuster. On pourrait peut-être revoir un dollar à 0,70 $ ou 0,65 $ US. »
Selon Véronique Proulx, directrice des communications, affaires publiques et stratégie au MEQ (Manufacturiers et Exportateurs Québec), les coûts reliés à l’énergie ne représentent que 0,3 % des coûts de production des entreprises manufacturières canadiennes.
« Pour que l’impact sur les coûts de transport soit significatif, on doit observer une baisse continue du prix du carburant sur une période de douze mois consécutifs. Certaines industries, comme l’industrie du plastique, connaîtront un impact plus important. Mais la baisse du prix du pétrole, combinée à celle de notre devise face au dollar américain contribue à rehausser le revenu disponible aux États-Unis, donc à générer de meilleures occasions pour nos exportateurs canadiens. Afin de bénéficier de cette opportunité, nos entreprises devront aussi passer en mode investissement afin d’innover. Mais, nous parlons ici de facteurs externes temporaires qui, selon nous, devraient s’échelonner sur une période d’environ deux ans. »
Selon le Conference Board, ce sont l’Ontario et le Québec qui bénéficieront le plus de la baisse des prix du pétrole. Une solide croissance économique américaine, combinée à la faiblesse du dollar canadien, stimulera la demande d’exportations de ces provinces.
Cependant, les effets positifs pour l’Ontario et le Québec seront limités par le fait que ces provinces n’ont pas actuellement la capacité industrielle nécessaire pour profiter à court terme de la hausse prévue de la demande d’exportations. Il faudra des dépenses d’investissement plus élevées pour leur permettre d’en tirer pleinement parti.