L’heure est donc aux coupes tous azimuts, à une période de « rigueur budgétaire », pour reprendre le fameux euphémisme du premier ministre. Ainsi, si l’intention de faire progresser le dossier environnemental se fait entendre, les actions ne sont pas au rendez-vous.
Comment se justifie M. Couillard du fait que son gouvernement appuie des projets d’oléoduc tout en affirmant d’autre part faire des efforts pour que les générations futures ne se retrouvent pas avec le fardeau de notre inaction d’aujourd’hui ?
« Tant qu’on va opposer le développement économique et l’action environnementale et la lutte aux changements climatiques, on ne rejoindra pas la majorité de la population qui veut y voir une occasion de prospérité » , a-t-il répondu.
Est-ce vraiment une réconciliation entre le secteur économique et le secteur du développement durable que de remettre à plus tard un sérieux virage vert ?
Certes, il est fort probable que la majorité de la population soit frileuse à l’idée de prioriser l’environnement au détriment du développement économique, mais lorsque l’on sait que l’économie verte, tel que nous l’apprend le premier rapport publié par Clean Energy Canada, génère plus d’emplois au Canada que les sables bitumineux, les priorités du gouvernement libéral du Québec apparaissent drôlement idéologiques.
Mais il ne s’agit pas d’une spécificité libérale que de justifier son apathie dans le dossier par des discours démagogues : c’est la voie la moins risquée. C’est certain qu’un prix de l’essence bas est plus populaire qu’une taxe sur l’essence.
Mais entre nos aspirations à la facilité et ce que nous devons faire pour équilibrer notre mode de vie avec la planète Terre, il y a un écart immense.
C’est pourquoi c’est de politiciens idéalistes plutôt que démagogues dont la lutte au réchauffement climatique aurait grandement besoin !
Si nous avons besoin de politiciens moins démagogues en matière d’environnement, c’est aussi et surtout dans la mesure où l’être humain semble ainsi fait qu’en l’absence de contraintes, il choisira naturellement la facilité plutôt que l’effort.
Un politicien véritablement engagé dans la lutte au réchauffement climatique devrait tâcher de rendre les alternatives écologiques populaires, plutôt que d’attendre que la demande soit si populaire qu’on finisse (peut-être trop tard) par la réaliser.
Prenons un cas illustrant bien la nécessité d’une telle vision pour diriger l’action collective : celui de la chute du prix du pétrole. Bonne nouvelle pour le consommateur, moins bonne nouvelle pour les alternatives écolos.
En effet, si le carburant du prix à la pompe a baissé, cela s’est malheureusement traduit par un accroissement d’achat de plus gros véhicules. Si la baisse du carburant nuit directement au secteur de l’automobile électrique et hybride, en lui faisant une plus forte compétition, Greenpeace croit qu’une taxe sur le carbone aurait le potentiel de venir redonner le bout du bâton aux véhicules écologiques, comme cela a été le cas de manière « naturelle » lorsque le baril de pétrole était à son plus haut, pendant la crise financière de 2008. Solution extrême ?
Je dirais plutôt : solution non démagogue. Ce n’est pas ce que l’on veut entendre, pourtant, de nombreux gouvernements ont eu l’audace d’instaurer ce type de taxe avec succès, dont celui de la Colombie-Britannique.
Emmanuelle Gauthier-Lamer Enseignante en philosophie, Collège de Valleyfield