Chez l’Ordre des ingénieurs du Québec, le message est clair : tant que le suivi apporté au rapport de la Commission Charbonneau n’aura pas été statué par le groupe de travail qui a été formé par le Conseil d’administration de l’Ordre, le président Jean-François Proulx n’accordera pas d’entrevue.
Toutefois, les ressources ont été augmentées au Bureau du syndic pour enquêter sur les cas de collusion et de corruption. Ainsi, le budget a triplé au cours des six dernières années passant de 1,3 M$ à 4,8 M$ en 2015-2016. Le nombre d’employés est de 27 au lieu de 13 en 2009. Et finalement, le Bureau du syndic dispose d’une unité spécialisée dans les dossiers de collusion et de corruption.
Au Ministère des Transports du Québec, on se borne à dire que des mesures concrètes ont été déployées depuis 2012 pour protéger l’intégrité des contrats publics.
Parmi les activités de prévention, l’Ordre a mis en place la ligne téléphonique 1 877 ÉTHIQUE. À ce jour, 1 056 appels et courriels ont été traités en 2014-2015.
De plus, les inspections professionnelles sont plus nombreuses, passant de 1 700 par année en 2014-2015 à 2 000 en 2015-2016. L’Ordre ajoute qu’il y a eu création d’une unité spécialisée dans les dossiers de collusion et de corruption. À ce jour, une cinquantaine d’ingénieurs ont fait ou font maintenant face au Conseil de discipline de l’Ordre.
Pour sa part, l’Association des firmes de génie-conseil (AFG) appuie plusieurs points du rapport Charbonneau :
Préférant se limiter à un communiqué de presse, la FTQ-Construction dit qu’elle n’a pas attendu le rapport Charbonneau pour s’améliorer. Le syndicat s’est doté d’un code d’éthique qui balise l’action de ses représentants concernant la référence de main-d’œuvre sur les chantiers du Québec.
Pour ce qui est du processus de remboursement des dépenses, il a été révisé pour imposer des normes plus sévères. Toutes les demandes de remboursement de dépenses doivent être transmises avec la facture originale au conseil exécutif.
La FTQ-Construction aurait aimé voir certains sujets supplémentaires être abordés dans le rapport final de la Commission Charbonneau.
« L’intimidation sur les chantiers de construction, c’est surtout les employeurs qui en font auprès des travailleurs pour contourner les règles des conventions collectives. Nous avons dénoncé cette problématique à plusieurs reprises dans le passé. Personne n’en parle et la loi sur les relations de travail ne l’interdit même pas! », affirme Yves Ouellet, directeur général, FTQ-Construction.
Les instances du syndicat se sont assurées de répartir la responsabilité de siéger au conseil d’administration de la Commission de la construction du Québec (CCQ) et de la Commission de la santé et sécurité du travail (CSST). Le poste de directeur général assume actuellement les fonctions de représentation, sauf sur le conseil d’administration de la CCQ.
À la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), on se montre très optimiste pour l’avenir dans le secteur de la construction suite au dépôt du rapport Charbonneau.
« Beaucoup de gestes ont été posés. Les entreprises, les ministères, les autorités des marchés financiers n’ont pas attendu que le rapport sorte pour prendre des mesures de redressement et adopter de nouvelles façons de faire pour aborder les choses, » indique Françoise Bertrand, présidente-directrice générale de la FCCQ.
L’organisme reconnaît que les recommandations portant sur les règles d’attribution des contrats représentent une façon de prévenir le contournement des règles, favorisent la concurrence et visent un meilleur rapport qualité-prix à l’avantage de la collectivité.
Est-ce que les 60 recommandations du rapport Charbonneau sont suffisantes pour mettre un terme à la collusion et à la corruption dans le secteur de la construction au Québec ? Françoise Bertrand croit que non, mais en ajoutant que ce ne sera jamais à la hauteur et à l’ampleur de ce que nous avons connu.
« Est-ce que des gens malhonnêtes resteront actifs ? La nature humaine étant ce qu’elle est, est-ce que certains essaieront de trouver des pistes pour mal agir ? Oui, sûrement. Mais moi j’ai confiance que la majorité des gens est en train de se donner de la pression et de la rigueur pour éviter que cela ne se reproduise à nouveau. »
Françoise Bertrand estime que depuis la création d’un bureau des grands projets, la fameuse règle du plus bas soumissionnaire est écartée et que déjà cela vient modifier les règles du jeu.
« Pour nous, ça donne l’assurance qu’il n’y a plus la facilité à créer l’espèce de collusion qui prévalait. Nous serons davantage assurés d’assister à plus d’innovation parce que ça ne tombera pas de façon systématique entre les mains des mêmes entrepreneurs. »
La FCCQ croit que le secteur de la construction a été suffisamment secoué et que les gens naïfs sont ainsi moins nombreux et plutôt aguerris.
« Dans leur examen des recommandations de la CEIC, la FCCQ invite les parlementaires à s’assurer que celles-ci auront pour effet d’accroître la concurrence véritable entre les entreprises invitées à participer à des travaux publics, et non de la restreindre. La meilleure garantie d’obtenir les meilleurs prix, c’est d’assurer la concurrence entre les acteurs du secteur privé. »
La FCCQ procédera à un examen plus approfondi du rapport avec ses membres et comités, tout en souhaitant que l’assainissement des pratiques ne soit pas une occasion d’alourdir indûment le climat d’affaires au Québec.
Au Ministère des Transports du Québec, on se borne à dire que des mesures concrètes ont été déployées depuis 2012 pour protéger l’intégrité des contrats publics. Le communiqué cite la phrase suivante :
« Non seulement veille-t-il à détecter les situations potentiellement problématiques, mais il pose les actions requises pour assurer les conditions nécessaires à une saine concurrence. »
Dans un souci de transparence, le Ministère publie sur son site Web, depuis le 13 février 2015, des données sur les coûts des contrats terminés du domaine de la construction, sous forme de bilan annuel et de liste de contrats accordés par année financière. Le 30 septembre 2015, le Ministère a également mis en ligne les coûts du projet Turcot.
Le 6 mai 2015, le Conseil des ministres a approuvé une modification législative visant à donner formellement au ministre des Transports du Québec le pouvoir de nommer des enquêteurs en vertu de la Loi sur les commissions d’enquête et de donner à ceux-ci la possibilité d’utiliser, lorsque nécessaire, les pouvoirs de contrainte qui y sont prévus.
Le ministre des Transports Robert Poëti, qui a depuis été remplacé par Jacques Daoust, a décliné notre demande d’entrevue.